Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire enregistrés les 16 mars et 9 septembre 2020, la société AB Finance, représentée par Me Dahan, demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du Tribunal administratif de Paris du 12 février 2020 ;
2°) de prononcer la décharge des impositions litigieuses ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- l'administration fiscale ne lui a pas accordé le rendez-vous avec le supérieur hiérarchique du vérificateur ;
- l'administration a manqué ainsi à son devoir de loyauté ;
- les sommes en cause, tant au titre de l'exercice 2014 qu'au titre de l'exercice 2015, n'étaient pas des revenus distribués mais des revenus de participations qui entraient dans le régime mère fille et n'étaient taxables qu'à hauteur de 5 % en application des dispositions des articles 145 et 216 du code général des impôts.
Par un mémoire en défense enregistré le 14 août 2020, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par la société AB Finance ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de commerce ;
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Magnard,
- les conclusions de Mme Jimenez, rapporteure publique,
- et les observations de Me Dahan, représentant la société AB Finance.
Considérant ce qui suit :
1. Dans le cadre du contrôle sur pièces de son dossier, entrepris à la suite de la vérification de comptabilité de sa filiale la SARL Jardins du Port Blanc, il est apparu que la société AB Finance, qui détenait 52,5 % du capital de sa filiale, a perçu sur son compte courant d'associé un montant de 340 000 euros en 2014, et reçu en 2015 un chèque de 136 500 euros de la SARL Jardins du Port Blanc. Ces sommes, qualifiées de revenus réputés distribués, ont fait l'objet de rectifications. La société relève appel du jugement du 12 février 2020 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires à l'impôt sur les sociétés ainsi que des intérêts de retard correspondants auxquels elle été assujettie en conséquence au titre des exercices clos les 31 décembre 2014 et 2015.
Sur la régularité de la procédure :
2. La requérante, qui a fait l'objet d'un contrôle sur pièces ainsi qu'il vient d'être rappelé au point 1., ne pouvait bénéficier de l'entretien avec le supérieur hiérarchique demandé par son courrier du 24 avril 2018, cette garantie étant réservée aux procédures de vérification de comptabilité et d'examen de situation fiscale personnelle par la charte des droits et obligations du contribuable vérifié, rendue opposable à l'administration par le 4ème alinéa de l'article L. 10 du livre de procédures fiscales. L'administration n'a par suite méconnu aucune disposition législative ou réglementaire en refusant à la société requérante le bénéfice de cet entretien. Contrairement à ce qui est soutenu, le fait qu'il ait été porté, dans la proposition de rectification du 19 décembre 2017, la mention : " Si vous le souhaitez, nous pouvons convenir d'un
rendez-vous ", proposition formulée par le seul signataire de ce document, n'a pas pour objet ni pour effet d'ouvrir au contribuable la possibilité d'un entretien avec le supérieur hiérarchique. La circonstance que le service ait refusé à la société le bénéfice d'un tel entretien ne saurait par suite, et en tout état de cause, révéler un manquement au devoir de loyauté.
Sur le bien-fondé de l'imposition :
3. D'une part, aux termes de l'article 216 du code général des impôts : " Les produits nets de participations, ouvrant droit à l'application du régime des sociétés mères et visées à l'article 145, touchés au cours d'un exercice par une société mère, peuvent être retranchés du bénéfice net total de celle-ci, défalcation faite d'une quote-part de frais et charges. ". Il résulte de ces dispositions que pour ouvrir droit à ce régime, les produits nets de participations mentionnés par cet article doivent trouver leur origine dans les résultats que dégagent les filiales et dont le versement à leur société mère procède des droits attachés aux participations de celle-ci dans lesdites filiales.
4. D'autre part, en vertu du 2° du 1 de l'article 109 du code général des impôts sont considérés comme revenus distribués toutes les sommes ou valeurs mises à la disposition des associés et non prélevées sur les bénéfices. Les sommes inscrites au crédit d'un compte courant d'associé ont, sauf preuve contraire apportée par l'associé titulaire du compte, le caractère de revenus distribués et ne sont alors imposables que dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers. En vertu du c de l'article 111 du code général des impôts, sont notamment considérés comme revenus distribués les rémunérations et avantages occultes.
5. La SARL Les Jardins du Port Blanc a viré sur le compte bancaire de la société AB Finance le 15 mai 2014 et le 23 mai 2014 des sommes d'un montant respectif de 210 000 et
130 000 euros, ces virements ayant été régularisés par une inscription, au 31 décembre 2014, d'une somme de 340 000 euros au crédit du compte courant d'associé de la société AB Finance ouvert dans les écritures de la SARL Les Jardins du Port Blanc. Le 19 novembre 2015, la SARL Les Jardins du Port Blanc a émis un chèque de 136 500 euros au profit de la société AB finance. La société AB Finance fait valoir que l'ensemble de ces versements correspond au paiement de dividendes, en exécution de la décision de l'assemblée générale du 19 mars 2014 ayant prévu le versement de dividendes pour un montant de 909 000 euros, prélevés sur le bénéfice de l'exercice clos en 2013 s'élevant à 1 034 442 euros, le surplus, soit 125 442 euros, étant placé en report à nouveau. Si, contrairement à ce que soutient le ministre, la circonstance que les sommes versées ne correspondent pas pour leur montant exact aux dividendes dont la distribution était ainsi prévue ne permet pas d'écarter l'argumentation de la société requérante, il résulte de l'examen des documents comptables fournis par la société elle-même que le bénéfice de l'exercice 2013, qui n'a au demeurant fait l'objet d'aucune déclaration auprès de l'administration fiscale, s'élevait à la somme de 62 974 euros et non à celle de 1 034 442 euros. Si la société requérante fait valoir que la société Les Jardins du Port Blanc disposait au 31 décembre 2013 de bénéfices antérieurs placés en report à nouveau pour un montant de 1 507 610 euros, il ne résulte pas de la décision précitée du 19 mars 2014 que l'assemblée générale ait entendu prélever sur les bénéfices antérieurs mis en réserve pour effectuer les distributions en cause, alors que les dispositions du deuxième alinéa de l'article L. 232-11 du code de commerce imposent que la décision relative à la mise en distribution de sommes prélevées sur les réserves doit indiquer expressément les postes de réserve sur lesquels les prélèvements sont effectués. Il suit de là que le moyen tiré de ce que les sommes ayant été taxées comme revenus distribués étaient constitutives de dividendes régulièrement constatés et versés ne peut qu'être écarté.
6. Il résulte de tout ce qui précède que la société AB Finance n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'État, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, le versement de la somme que la société requérante demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.
DECIDE :
Article 1er : La requête de la société AB Finance est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société AB Finance et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.
Copie en sera adressée au chef des services fiscaux chargé de la direction nationale de vérification des situations fiscales.
Délibéré après l'audience du 29 septembre 2021, à laquelle siégeaient :
- M. Platillero, président,
- M. Magnard, premier conseiller,
- Mme Bonneau-Mathelot, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 13 octobre 2021.
Le rapporteur,
F. MAGNARDLe président assesseur,
En application de l'article R. 222-26 du code
de justice administrative,
F. PLATILLERO
Le greffier,
I. BEDR
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la relance en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 20PA00987