Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire enregistrés le 24 novembre 2020 et le 14 avril 2021, la société Institut Supérieur de Naturopathie, représentée par Me Stephen Montravers, demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du Tribunal administratif de Paris du 18 septembre 2020 ;
2°) de prononcer la restitution demandée, assortie des intérêts moratoires ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 15 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- l'article R. 611-7 du code de justice administrative a été méconnu, le contenu et les conséquences de l'avis du Conseil d'Etat du 10 mars 2020 n'ayant pu être débattus contradictoirement ;
- la copie des conclusions du rapporteur public ne lui a pas été communiquée malgré sa demande ;
- elle n'a pas été mise en mesure de discuter de manière contradictoire du motif retenu par les premiers juges et tiré de l'absence d'attestation autre que celle, qualifiée de frauduleuse, datant de 2008 ;
- l'attestation n'a pas été obtenue par fraude ;
- elle ne pouvait demander une nouvelle attestation, le préfet de Région n'ayant pas remis en cause la déclaration d'activité faite en 2008 ;
- aucun défaut de conformité n'a été constaté à cette époque ;
- la modification ultérieure éventuelle de l'activité n'implique pas que l'attestation ait été obtenue par fraude ;
- la demande d'attestation se rattache au numéro de déclaration d'activité attribué au prestataire de formation continue ;
- le tribunal s'est dispensé de statuer sur la question de savoir si l'activité relevait de la formation professionnelle ;
- l'activité relève de la formation professionnelle, dans la mesure où elle permet de former des personnes exerçant la profession organisée et reconnue de naturopathe, et ne saurait être confondue avec les prestations distinctes de M. B. soumises à la taxe sur la valeur ajoutée ;
- elle est répertoriée sur plusieurs sites de formation ;
- les concurrents ne sont pas soumis à la taxe sur la valeur ajoutée sur leurs recettes.
Par un mémoire en défense enregistré le 18 février 2021, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.
Il soutient que :
- les conclusions de la requérante en ce qu'elles visent à la restitution d'une somme totale de 838 038 euros au titre de la période du 1er septembre 2012 au 31 août 2017 ne sont recevables qu'à hauteur de 795 327 euros ;
- les moyens soulevés par la société requérante ne sont pas fondés.
Par une ordonnance du 15 mars 2021, la clôture de l'instruction a été fixée au 16 avril 2021.
Un mémoire et des pièces ont été produits le 27 septembre 2021 pour la société Institut Supérieur de Naturopathie.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Magnard,
- les conclusions de Mme Jimenez, rapporteure publique,
- et les observations de Me Montravers, représentant la société Institut Supérieur de Naturopathie.
Considérant ce qui suit :
1. La société à responsabilité limitée (SARL) Institut Supérieur de Naturopathie, qui s'est constituée en société par actions simplifiée (SAS) le 8 août 2018 et qui a pour activité l'enseignement de la naturopathie, a, par des réclamations contentieuses des 30 décembre 2015, 29 décembre 2016 et 4 juin 2018, sollicité la restitution des droits de taxe sur la valeur ajoutée d'un montant total de 837 858 euros qu'elle estimait avoir acquittés à tort au titre de la période du 1er septembre 2012 au 31 août 2017. Ses réclamations contentieuses ont été rejetées par les services fiscaux le 29 octobre 2018. La SAS Institut Supérieur de Naturopathie relève appel du jugement du 18 septembre 2020 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande en restitution de ces droits de taxe sur la valeur ajoutée, assortie des intérêts moratoires.
Sur la régularité du jugement :
2. Pour rejeter la requête de la société Institut Supérieur de Naturopathie, les premiers juges ont considéré que l'attestation délivrée le 1er septembre 2008 dont se prévalait la société requérante avait un caractère frauduleux et en ont tiré les conséquences en application d'un avis du Conseil d'Etat du 10 mars 2020 qui n'avait fait l'objet d'aucune discussion entre les parties. Il résulte de l'instruction que le caractère frauduleux de l'attestation n'avait jamais été formellement opposé à l'intéressée au cours de l'instance. En opposant le motif susmentionné, le Tribunal administratif de Paris a méconnu le principe du contradictoire. Il y a par suite lieu d'annuler le jugement du 18 septembre 2020 du Tribunal administratif de Paris et de statuer par la voie de l'évocation sur la demande présentée par la société Institut Supérieur de Naturopathie devant les premiers juges.
Sur le bien-fondé de l'imposition :
3. Aux termes de l'article 261 du code général des impôts : " Sont exonérés de la taxe sur la valeur ajoutée : / 4 (...) 4° a. les prestations de services et les livraisons de biens qui leur sont étroitement liées, effectuées dans le cadre : / de la formation professionnelle continue, telle qu'elle est définie par les dispositions législatives et réglementaires qui la régissent, assurée (...) par des personnes de droit privé titulaires d'une attestation délivrée par l'autorité administrative compétente reconnaissant qu'elles remplissent les conditions fixées pour exercer leur activité dans le cadre de la formation professionnelle continue (...) ". En vertu du I de l'article 202 A de l'annexe II au code général des impôts, l'autorité administrative compétente pour délivrer l'attestation est la délégation régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi dont relève le demandeur. Aux termes de l'article 202 B de la même annexe : " L'attestation ne vaut que pour les opérations effectuées dans le cadre de la formation professionnelle continue (...) ". Aux termes de l'article 202 D de la même annexe : " Les agents de l'administration des impôts contrôlent l'application des articles 202 A à 202 C et s'assurent notamment que les opérations qui ouvrent droit à exonération relèvent d'une activité entrant dans le cadre de la formation professionnelle continue ".
4. Il résulte de l'ensemble de ces dispositions que l'administration compétente, saisie d'une demande de délivrance de l'attestation mentionnée au a du 4° du 4 de l'article 261 du code général des impôts, y fait droit après avoir vérifié que l'organisme qui la sollicite remplit les conditions auxquelles elle est subordonnée et, notamment, celle tenant à ce que l'activité au titre de laquelle il demande l'attestation relève de la formation professionnelle continue. Il résulte en outre des dispositions précitées de l'article 202 A et de l'article 202 B de l'annexe II au code général des impôts que l'attestation entraîne reconnaissance du droit au bénéfice de l'exonération de taxe sur la valeur ajoutée. Enfin, lorsqu'elle constate à l'occasion du contrôle mentionné à l'article 202 D de l'annexe II au code général des impôts que l'activité au titre de laquelle un organisme s'est vu délivrer l'attestation prévue au a du 4° du 4 de l'article 261 du même code n'entre pas dans le champ de la formation professionnelle continue, l'administration fiscale ne peut, sauf à ce que l'attestation ait été obtenue par fraude, remettre en cause pour le passé l'exonération de taxe sur la valeur ajoutée.
5. Toutefois, dès lors qu'en vertu du second alinéa de l'article 202 B de l'annexe II au code général des impôts l'attestation ne vaut que pour les opérations effectuées dans le cadre de la formation professionnelle continue, il appartient à l'administration fiscale, lorsqu'elle constate, à l'occasion du contrôle, que l'organisme a appliqué l'exonération de taxe à des opérations autres que celles correspondant à l'activité au titre de laquelle il a obtenu l'attestation, de procéder, dans le délai de reprise déterminé par l'article L. 176 du livre des procédures fiscales, au rappel des droits éludés à raison de ces opérations.
6. Il résulte de l'instruction que la SAS Institut Supérieur de Naturopathie est titulaire d'une attestation, délivrée le 1er septembre 2008 par le directeur régional du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle d'Ile-de-France, pour l'exercice " d'activités de formation d'adultes aux techniques de gestion des ressources humaines et de management " dans le cadre de la formation professionnelle continue. Il est toutefois constant que l'activité pour laquelle elle demande l'exonération litigieuse consiste exclusivement en des formations dans le domaine de la naturopathie ainsi que des conférences et séminaires dans ce domaine à l'attention des élèves de l'école ou d'un public extérieur. Les prestations effectuées ne s'inscrivent par suite pas dans le cadre de l'activité pour laquelle cette attestation a été délivrée, sur la base des renseignements fournis de manière manuscrite sur le formulaire prévu pour l'établissement de l'attestation en cause, par la société elle-même, qui ne saurait en conséquence se prévaloir utilement de ce que ce formulaire ne comportait pas de rubrique correspondant à son activité. Dans ces conditions, ce seul motif est suffisant pour remettre en cause l'exonération de taxe sur la valeur ajoutée pratiquée par la société sur le fondement des dispositions précitées du 4° du 4 de l'article 261 du code général des impôts, sans que la société requérante puisse utilement se prévaloir de ce que certains de ses concurrents bénéficient de l'exonération en litige. Le moyen tiré de ce que l'activité de formation de praticiens naturopathes exercée par la société puisse être regardée comme relevant de la formation professionnelle continue au sens des articles L. 6311-1 et
L. 6313-1 à L. 6313-11 du code du travail, et de ce qu'elle ne saurait être confondue avec les prestations distinctes de M. B. soumises à la taxe sur la valeur ajoutée, est par suite inopérant. Il en est de même des moyens procédant de ce que l'attestation aurait été obtenue dans des conditions régulières sur la base de la déclaration d'activité adressée au Préfet de région, laquelle n'avait pas été remise en cause par l'autorité administrative.
7. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner la recevabilité, que la société Institut Supérieur de Naturopathie n'est pas fondée à demander la restitution, assortie des intérêts moratoires, des droits de taxe sur la valeur ajoutée, d'un montant total de 837 858 euros acquittés au titre de la période du 1er septembre 2012 au 31 août 2017. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'État, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, le versement de la somme que la société requérante demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.
DECIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1900248/2-2 du 18 septembre 2020 du Tribunal administratif de Paris est annulé.
Article 2 : Les conclusions présentées par la société Institut Supérieur de Naturopathie devant le Tribunal administratif de Paris ainsi que le surplus de ses conclusions devant la cour sont rejetés.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société Institut Supérieur de Naturopathie et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.
Copie en sera adressée au directeur régional des finances publiques d'Ile-de-France et du département de Paris.
Délibéré après l'audience du 29 septembre 2021, à laquelle siégeaient :
- M. Platillero, président,
- M. Magnard, premier conseiller,
- Mme Bonneau-Mathelot, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 13 octobre 2021.
Le rapporteur,
F. MAGNARDLe président assesseur,
En application de l'article R. 222-26 du code
de justice administrative,
F. PLATILLERO
Le greffier,
I. BEDR
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la relance en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
7
6
N° 20PA03540