Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 29 mars 2021, le préfet de police demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement n° 2101907/8 du 26 février 2021 du magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Paris ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. A... devant ce tribunal.
Il soutient que :
- c'est à tort que le Tribunal administratif de Paris a accueilli le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article 29 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;
- les autres moyens soulevés par M. A... en première instance ne sont pas fondés.
Par un mémoire en défense enregistré le 21 avril 2021, M. A..., représenté par Me Clémentine Chayé, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 1 500 euros soit mise à la charge de l'Etat en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- la requête est tardive et, par suite, irrecevable ;
- les moyens invoqués par le préfet de police ne sont pas fondés.
Les parties ont été invitées, le 17 août 2021, à préciser à la Cour si le délai de six mois imparti à l'administration pour procéder au transfert de M. A... vers la Belgique avait été porté à un an ou à dix-huit mois dans les conditions fixées par les textes applicables.
Par un mémoire enregistré le 6 septembre 2021, M. A..., représenté par Me Marjolaine Chayé, a informé la Cour que le préfet de police n'avait pas procédé à son transfert dans le délai de six mois, lequel n'avait été porté ni à un an ni à dix-huit mois, et qu'il avait été mis en possession d'une attestation de demande d'asile en procédure accélérée.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Bonneau-Mathelot a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., ressortissant afghan, est entré irrégulièrement sur le territoire français et a présenté une demande d'asile au guichet unique des demandeurs d'asile de Paris le 4 décembre 2020. La consultation du fichier " Eurodac " a révélé que l'intéressé avait présenté une demande d'asile auprès des autorités belges le 28 février 2019. Le préfet de police a adressé aux autorités belges une demande de reprise en charge de l'intéressé le 8 janvier 2021 qu'elles ont acceptée le
11 janvier 2021 sur le fondement du d) du 1. de l'article 18 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013. Le préfet de police a alors décidé, par un arrêté du 18 janvier 2021, de remettre
M. A... aux autorités belges en vue de l'examen de sa demande d'asile. Le préfet de police fait appel du jugement du 26 février 2021 par lequel le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Paris a admis provisoirement M. A... au bénéfice de l'aide juridictionnelle, annulé son arrêté, lui a enjoint d'enregistrer la demande d'asile de M. A... dans le délai de deux mois à compter de la notification du jugement et mis à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
2. Aux termes du paragraphe 1 de l'article 29 du règlement n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013, le transfert du demandeur vers l'Etat membre responsable de l'examen de sa demande d'asile doit s'effectuer " dès qu'il est matériellement possible et, au plus tard, dans un délai de six mois à compter de l'acceptation par un autre Etat membre de la requête aux fins de la prise en charge ou de reprise en charge de la personne concernée ou de la décision définitive sur le recours ou la révision lorsque l'effet suspensif est accordé conformément à l'article 27, paragraphe 3 ". Aux termes du paragraphe 2 du même article : " Si le transfert n'est pas exécuté dans le délai de six mois, l'Etat membre responsable est libéré de son obligation de prendre en charge ou de reprendre en charge la personne concernée et la responsabilité est alors transférée à l'Etat membre requérant. Ce délai peut être porté à un an au maximum s'il n'a pas pu être procédé au transfert en raison d'un emprisonnement de la personne concernée ou à dix-huit mois au maximum si la personne concernée prend la fuite ".
3. Aux termes du second alinéa de l'article L. 742-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La décision de transfert ne peut faire l'objet d'une exécution d'office ni avant l'expiration d'un délai de quinze jours ou, (...), ni avant que le tribunal administratif ait statué, s'il a été saisi ". Les dispositions du I de l'article L. 742-4 du même code disposent : " I. - L'étranger qui a fait l'objet d'une décision de transfert mentionnée à l'article L. 742-3 peut, dans le délai de quinze jours à compter de la notification de cette décision, en demander l'annulation au président du tribunal administratif. / Le président ou le magistrat qu'il désigne à cette fin (...) statue dans un délai de quinze jours à compter de sa saisine. / (...) ". Aux termes du premier alinéa de l'article L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sous réserve du second alinéa de l'article L. 742-1, l'étranger dont l'examen de la demande d'asile relève de la responsabilité d'un autre Etat peut faire l'objet d'un transfert vers l'Etat responsable de cet examen. / (...) ". Sous réserve du second alinéa de l'article L. 742-1, l'étranger dont l'examen de la demande d'asile relève de la responsabilité d'un autre Etat peut faire l'objet d'un transfert vers l'Etat responsable de cet examen.
4. Il résulte de ces dispositions combinées que l'introduction d'un recours devant le tribunal administratif contre la décision de transfert a pour effet d'interrompre le délai de six mois fixé à l'article 29 du règlement (UE) n° 604/2013, qui courait à compter de l'acceptation du transfert par l'Etat requis, délai qui recommence à courir intégralement à compter de la date de notification à l'autorité administrative du jugement du tribunal administratif statuant au principal sur cette demande, quel que soit le sens de sa décision. Ni un appel, ni le sursis à exécution du jugement accordé par le juge d'appel sur une demande présentée en application de l'article R. 811-15 du code de justice administrative n'ont pour effet d'interrompre ce nouveau délai. Son expiration a pour conséquence qu'en application des dispositions du paragraphe 2 de l'article 29 du règlement précité, l'Etat requérant devient responsable de l'examen de la demande de protection internationale.
5. Il ressort des pièces du dossier que l'arrêté du 18 janvier 2021 par lequel le préfet de police a ordonné le transfert de M. A... vers la Belgique est intervenu moins de six mois après la décision du 11 janvier 2021 par laquelle les autorités belges ont donné leur accord pour sa prise en charge, soit dans le délai d'exécution du transfert fixé par l'article 29 du règlement du 26 juin 2013. Toutefois, ce délai a été interrompu par l'introduction par M. A... du recours qu'il a présenté devant le tribunal contre cet arrêt sur le fondement de l'article L. 742-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Un nouveau délai de six mois a commencé à courir à compter de la notification le 1er mars 2021 au préfet de police du jugement du
26 février 2021 par lequel le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté du 18 janvier 2021. M. A..., en réponse à la mesure d'instruction diligentée le 17 août 2021, a indiqué que le délai de six mois n'avait pas été porté à un an ou dix-huit mois et que le préfet de police lui avait délivré une attestation de demande d'asile en procédure accélérée, ce que ne contredit pas le préfet de police, à qui la réponse de M. A... a été communiquée. Le nouveau délai de six mois ayant expiré le 1er septembre 2021, l'arrêté de transfert est devenu, à cette date, caduc et ne pouvait plus être légalement exécuté.
6. Cette caducité étant intervenue postérieurement à l'introduction de la requête d'appel, les conclusions de la requête d'appel présentée par le préfet de police tendant à l'annulation du jugement du 26 février 2021 par lequel le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Paris a admis provisoirement M. A... au bénéfice de l'aide juridictionnelle, annulé l'arrêté du 18 janvier 2021 du préfet de police et lui a enjoint de remettre à M. A... une attestation de demande d'asile en procédure normale dans le délai de dix jours sont devenues sans objet. Il n'y a donc pas lieu d'y statuer.
Sur les frais liés au litige :
7. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme que M. A... demande au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
DECIDE :
Article 1er : Il n'y pas lieu de statuer sur la requête du préfet de police.
Article 2 : Les conclusions présentées par M. A... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à M. B... A....
Copie en sera adressée au préfet de police.
Délibéré après l'audience du 29 septembre 2021, à laquelle siégeaient :
- M. Platillero, président,
- M. Magnard, premier conseiller,
- Mme Bonneau-Mathelot, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 13 octobre 2021.
Le rapporteur,
S. BONNEAU-MATHELOTLe président-assesseur,
En application de l'article R. 222-26 du code
de justice administrative
F. PLATILLERO
Le greffier,
I. BEDR
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 21PA01629 3