2°) de mettre à la charge de l'Etat au bénéfice de Mme A... F... la somme de 500 000 euros augmentée des intérêts légaux courant à compter du 28 décembre 2017 et de la capitalisation des intérêts, en application de l'article 1343-2 du code civil ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat au bénéfice de M. E... B... la somme de 224 984 euros augmentée des intérêts légaux courant à compter du 28 décembre 2017 et de la capitalisation des intérêts, en application de l'article 1343-2 du code civil ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat au bénéfice de la société Sylvie F... et associés, Mme A... F... et M. E... B... la somme de 9 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Par un jugement n° 1806688/1-2 du 2 juillet 2019, le Tribunal administratif de Paris a rejeté cette demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire enregistrés les 2 septembre 2019 et 7 décembre 2020, la société Sylvie F... et associés, Mme A... F... et M. E... B..., représentés par Me D... G..., demandent à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du Tribunal administratif de Paris du 2 juillet 2019 ;
2°) de mettre à la charge de l'Etat les sommes demandées ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 8 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- les conclusions sont recevables ;
- dans le cadre de la procédure de contrôle et de redressement, l'administration fiscale a méconnu ses obligations de loyauté et de discernement, résultant de la charte des droits et obligations du contribuable vérifié ;
- l'administration a également manqué à ses obligations de loyauté et de discernement dans la procédure de recouvrement en adressant de très nombreux avis à tiers détenteurs, en exigeant le paiement de sa créance de manière précipitée et en ne tenant pas compte des créances détenues sur le trésor ;
- ils justifient des créances détenues sur le trésor ;
- les premiers juges ne pouvaient s'en remettre à l'appréciation du médiateur ;
- le jugement est insuffisamment motivé ;
- le préjudice subi est justifié.
Par des mémoires en défense enregistrés les 11 février 2020 et 7 janvier 2021, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.
Il soutient que :
- la demande est irrecevable en tant qu'elle concerne la réparation des préjudices nés après le 1er janvier 2015 ;
- les conclusions tendant à la réparation des préjudices subis par Mme F... et M. B... sont irrecevables pour défaut d'intérêt à agir ;
- les moyens soulevés par les requérants ne sont pas fondés.
Par une ordonnance du 8 décembre 2020, la clôture de l'instruction a été fixée au
8 janvier 2021.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. C...,
- les conclusions de Mme Jimenez, rapporteur public,
- et les observations de Me G..., représentant la société Sylvie F... et associés, Mme A... F... et M. E... B....
Considérant ce qui suit :
1. La SARL Sylvie F... et associés, créée en 1996 par Mme A... F... et spécialisée dans le domaine de la communication, a, après une première vérification de comptabilité, fait l'objet de rappels de taxe sur la valeur ajoutée et d'impôt sur les sociétés au titre des années 2000 et 2001. L'administration fiscale a procédé à une nouvelle vérification de comptabilité au titre des années 2009, 2010 et 2011. Cette vérification a conduit le service à adresser à la société des rectifications en matière de taxe sur la valeur ajoutée pour la période du 1er janvier 2009 au 31 octobre 2011 pour un montant de 158 985 euros. Par une lettre en date du 27 décembre 2017, la SARL Sylvie F... et associés, Mme A... F... et M. E... B... ont formé une demande indemnitaire préalable qui a été implicitement rejetée par le ministre de l'action et des comptes publics. Par la présente requête, ils relèvent appel du jugement par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté leur demande tendant à ce que l'Etat soit condamné à leur verser respectivement les sommes de 2 267 480 euros, 500 000 euros et 224 984 euros en réparation des préjudices qu'ils estiment avoir subis.
2. Une faute commise par l'administration lors de l'exécution d'opérations se rattachant aux procédures d'établissement et de recouvrement de l'impôt est de nature à engager la responsabilité de l'Etat à l'égard du contribuable ou de toute autre personne si elle leur a directement causé un préjudice. Un tel préjudice, qui ne saurait résulter du seul paiement de l'impôt, peut être constitué des conséquences matérielles des décisions prises par l'administration et, le cas échéant, des troubles dans ses conditions d'existence dont le contribuable justifie. Le préjudice invoqué ne trouve pas sa cause directe et certaine dans la faute de l'administration si celle-ci établit soit qu'elle aurait pris la même décision d'imposition si elle avait respecté les formalités prescrites ou fait reposer son appréciation sur des éléments qu'elle avait omis de prendre en compte, soit qu'une autre base légale que celle initialement retenue justifie l'imposition. Enfin, l'administration peut invoquer le fait du contribuable ou, s'il n'est pas le contribuable, du demandeur d'indemnité comme cause d'atténuation ou d'exonération de sa responsabilité.
3. Les requérants soutiennent que l'administration fiscale a gravement méconnu ses obligations de loyauté et de discernement dans le cadre des opérations de contrôle et de rectification ainsi que dans le cadre des opérations de recouvrement des créances.
4. D'une part, le fait que la vérification de comptabilité des années 1999 à 2001 ait eu lieu au cours de la grossesse de Mme F... et que le vérificateur ait été averti des problèmes de santé liés à cette grossesse ne révèle aucun manquement à l'obligation de loyauté et de discernement qui pèserait sur l'administration fiscale, dès lors que Mme F... avait la possibilité de se faire représenter par un mandataire habilité par elle, ce qu'elle a d'ailleurs fait, la vérification de comptabilité s'étant déroulée en présence de l'expert-comptable de la société. Il ne résulte par ailleurs pas de l'instruction que Mme F... n'ait pas été en mesure de répondre à la proposition de rectification qui lui a été adressée le 20 décembre 2002. Si la proposition de rectification afférente aux années 2000 et 2001 est parvenue à l'intéressée le 28 mars 2003, quatre jours après son accouchement, il résulte de l'instruction que le service a accordé à Mme F... un délai supplémentaire de quinze jours pour y répondre. Mme F..., qui n'a pas retiré le pli accordant ce délai, s'est d'ailleurs bornée le 30 juin 2003 à demander un nouveau délai. Il n'apparait pas, par suite, en dépit des problèmes de santé de l'enfant de Mme F..., que l'administration fiscale ait méconnu les obligations susmentionnées dans le cadre de la procédure de rectification. Les impositions sont d'ailleurs devenues pour l'essentiel définitives, la contestation de la société ayant été rejetée par la présente Cour par un arrêt n° 09PA04726 du 17 mai 2011. Au surplus, et en tout état de cause, il résulte de l'instruction que la même décision d'imposition aurait été prise si des délais supplémentaires avaient été accordés à la société Sylvie F..., l'intéressée n'ayant produit que devant le Tribunal administratif de Paris, après rejet de sa réclamation, des pièces aboutissant à un dégrèvement partiel des impositions. Les décisions de la Cour de justice de l'Union européenne relatives au congé de maternité sont sans rapport avec le présent litige.
5. D'autre part, la seule circonstance que l'administration ait eu recours à l'émission de nombreux avis à tiers détenteurs ne révèle aucune irrégularité de la procédure de recouvrement, dès lors que les impositions dont le recouvrement était poursuivi étaient exigibles. S'il apparait que, suite à un entretien entre l'administration fiscale intervenu le 13 juin 2013 ayant abouti à un accord pour le règlement de la dette fiscale, l'administration a adressé le 27 juin 2013 le plan de règlement, reçu le 8 juillet, prévoyant un premier versement le 24 juin, un tel courrier n'a causé en tout état de cause aucun préjudice aux requérants dès lors que le premier acte de poursuite n'est intervenu que le 19 juillet. Par ailleurs, si les requérants font valoir que l'administration n'a pas tenu compte des créances détenues par la société Sylvie F... et associés sur le Trésor, la Cour n'est pas en mesure, faute d'une analyse précise de la date à laquelle ces créances sont devenues exigibles, d'apprécier le bien-fondé de ce moyen. Au surplus, et en tout état de cause, aucune disposition n'autorise les contribuables à opposer leur qualité de créancier de l'Etat pour se soustraire au paiement de leurs impôts ou pour le différer. L'existence de créances sur l'Etat ne saurait par suite affecter la procédure de recouvrement d'impositions exigibles. Enfin, en se bornant à se prévaloir sans plus de précisions d'erreurs de calcul sur le montant de la créance, les requérants ne mettent pas la Cour en mesure d'apprécier le bien-fondé et la portée de leur moyen et notamment le lien de causalité entre ces erreurs éventuelles et les préjudices dont ils se prévalent.
6. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de statuer sur les fins de
non-recevoir soulevées par le ministre, que les requérants ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, qui est suffisamment motivé, sans que les requérants puissent utilement se prévaloir à cet égard de ce que les premiers juges auraient commis des erreurs de fait ou de raisonnement juridique, le Tribunal administratif de Paris a rejeté leur demande. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, le versement de la somme que les requérants demandent au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens.
DECIDE :
Article 1er : La requête de la société Sylvie F... et associés, de Mme F... et de
M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société Sylvie F... et associés, à Mme A... F..., à M. E... B... et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.
Délibéré après l'audience du 7 avril 2021, à laquelle siégeaient :
- Mme Brotons, président de chambre,
- M. C..., premier conseiller,
- Mme Bonneau, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 20 avril 2021.
Le rapporteur,
F. C...Le président,
I. BROTONS
Le greffier,
I. BEDR
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la relance en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 19PA02865