Par un arrêt n° 14PA03292 du 13 mai 2016, la Cour administrative d'appel de Paris a rejeté l'appel qu'elle avait formé contre ce jugement.
Par une décision n° 402483 du 5 mars 2018, le Conseil d'Etat statuant au contentieux a annulé l'arrêt de la Cour administrative d'appel de Paris du 13 mai 2016 et renvoyé l'affaire à ladite Cour.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire enregistrés les 25 juillet 2014 et 18 mai 2018, la société VINI, représentée par le cabinet Archers, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1300505 du 22 avril 2014 du Tribunal administratif de la Polynésie française ;
2°) de prononcer la décharge de la retenue à la source versée pour les mois de janvier 2010 à octobre 2012 ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice.
Elle soutient que :
- le jugement est entaché d'irrégularité pour défaut de réponse à un moyen et insuffisance de motivation ;
- les redevances perçues doivent être qualifiées de rémunération de droits voisins aux droits d'auteur lesquels n'entrent pas dans le champ d'application de l'article LP. 197-1 du code des impôts.
Par un mémoire en défense, enregistré le 19 mai 2015, le Gouvernement de la
Polynésie française, représenté par Me A..., conclut au rejet de la requête et à ce que le versement d'une somme de 5 000 euros soit mis à la charge de la société VINI sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le moyen tiré de la compétence du signataire de la décision de rejet de la réclamation contentieuse est inopérant ;
- les redevances perçues entraînent le simple droit de commercialiser les chaînes de télévision et sont imposables à la source en application de l'article LP. 197-1 du code des impôts.
Par ordonnance du 6 juin 2018, la clôture d'instruction a été fixée au 31 juillet 2018.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi organique n° 2004-192 du 27 février 2004 ;
- le code de la propriété intellectuelle ;
- le code des impôts de Polynésie française ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Magnard,
- et les conclusions de M. Cheylan, rapporteur public.
1. Considérant que la société VINI, venant aux droits de la société Tahiti Nui Satellite, distribue, à des abonnés polynésiens, des chaînes de télévision par satellite ; qu'elle a été assujettie à la retenue à la source, prévue par l'article 197-1 du code des impôts de Polynésie française, à raison des redevances qu'elle verse aux éditeurs des chaînes de télévision établis en dehors du territoire polynésien ; qu'elle relève appel du jugement du 22 avril 2014 par lequel le tribunal administratif de la Polynésie française a rejeté sa demande de remboursement de ces impositions, pour la période comprise entre les mois de janvier 2010 et d'octobre 2012 ;
2. Considérant qu'aux termes de l'article 197-1 du code des impôts de Polynésie française, dans sa rédaction applicable au litige : " Donnent lieu à l'application d'une retenue à la source lorsqu'ils sont payés par un débiteur exerçant une activité en Polynésie française à des personnes ou des sociétés qui n'ont pas dans ce territoire d'installation professionnelle permanente : / a) les produits tirés de la propriété industrielle ou commerciale et de droits assimilés (...) " ;
3. Considérant qu'il ressort des travaux préparatoires de la délibération de l'assemblée de Polynésie française n° 96-161 APF du 12 décembre 1996 créant l'article 197-1 du code des impôts de Polynésie française, que la Polynésie française a entendu, s'agissant des " produits tirés de la propriété industrielle ou commerciale et de droits assimilés " soumis à la retenue à la source, se référer aux notions en matière de propriété intellectuelle alors applicables dans cette collectivité ; que la version applicable au litige de cet article est issue de la délibération de l'assemblée de Polynésie française n° 98-101 APF du 23 juillet 1998, qui n'a pas modifié l'intention de se référer aux notions applicables en matière de propriété intellectuelle ; qu'ainsi, pour l'application de la notion de propriété industrielle qui figure à l'article 197-1, il convient de se référer aux notions qui s'appliquaient en matière de propriété intellectuelle en Polynésie française lors de l'adoption de cet article par l'assemblée de Polynésie française et qui figuraient dans le code de la propriété intellectuelle ; que les dispositions de ce code distinguent, d'une part, la propriété littéraire et artistique, laquelle comprend le droit d'auteur et ses droits voisins et, d'autre part, la propriété industrielle ; qu'en soumettant à la retenue à la source les " produits tirés de la propriété industrielle ou commerciale et de droits assimilés ", l'article 197-1 du code des impôts de Polynésie française, dans sa rédaction applicable aux impositions en litige, ne pouvait, dès lors, être regardé comme incluant les redevances relatives aux droits voisins des droits d'auteur ;
4. Considérant qu'il résulte des termes des contrats conclus par la
société VINI avec plusieurs chaînes de télévision qu'ils avaient pour objet de commercialiser des chaînes au sein d'un bouquet et d'en assurer la réception auprès des abonnés ; que les chaînes de télévision étaient ainsi mises à disposition et leur diffusion était autorisée moyennant le versement d'une redevance ; que les redevances ainsi versées par la société requérante aux éditeurs de chaînes de télévision rémunèrent le droit de diffuser et donc d'utiliser des programmes créés par des producteurs et agrégés par ces éditeurs ; qu'elles sont ainsi la contrepartie de la commercialisation des chaînes bénéficiant d'un droit de propriété intellectuelle et doivent être regardées comme étant relatives à des droits voisins des droits d'auteur ; que, par suite, ces redevances ne relevaient pas de l'article 197-1 du code des impôts de Polynésie française ;
5. Considérant qu'il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens de la requête, que la société VINI est fondée à obtenir la décharge de la retenue à la source versée pour les mois de janvier 2010 à octobre 2012, pour un montant total de 182 550 652 F CFP ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la Polynésie française une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; que ces mêmes dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de la société VINI, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme demandée par la Polynésie française au même titre ;
DECIDE :
Article 1er : La société VINI est déchargée de la retenue à la source versée pour les mois de janvier 2010 à octobre 2012 pour un montant total de 182 550 652 F CFP.
Article 2 : Le jugement n° 1300505 du 22 avril 2014 du Tribunal administratif de la
Polynésie française est annulé.
Article 3 : La Polynésie française versera à la société VINI une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Les conclusions de la Polynésie française présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la SAS VINI et au gouvernement de la Polynésie française.
Délibéré après l'audience du 7 novembre 2018, à laquelle siégeaient :
- Mme Brotons, président de chambre,
- Mme Appèche, président assesseur,
- M. Magnard, premier conseiller.
Lu en audience publique le 21 novembre 2018.
Le rapporteur,
F. MAGNARDLe président,
I. BROTONS
Le greffier,
S. DALL'AVA
La République mande et ordonne au ministre des Outre-mer en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 18PA00876