Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 11 août 2021, le préfet de police demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 2103940/3-3 du 13 juillet 2021 du Tribunal administratif de Paris ;
2°) de rejeter la demande de M. C... devant le Tribunal administratif de Paris.
Il soutient que :
- c'est à tort que le tribunal a accueilli le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- il entend conserver le bénéfice de ses écritures de première instance s'agissant des autres moyens invoqués devant le tribunal.
Par un mémoire en défense, enregistré le 25 février 2022, M. C..., représenté par Me Olivier Tomas, conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de l'Etat de la somme de 2 500 euros, sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
M. C... soutient que les moyens invoqués par le préfet de police ne sont pas fondés.
Par une décision du 27 septembre 2021, le bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal judiciaire de Paris a admis M. C... à l'aide juridictionnelle totale.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Platillero a entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. C..., ressortissant congolais, a sollicité le renouvellement du titre de séjour dont il bénéficiait à raison de son état de santé, sur le fondement du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 3 juin 2020, le préfet de police a rejeté sa demande, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourrait être reconduit d'office. Le préfet de police relève appel du jugement du 13 juillet 2021 par lequel le Tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté du 3 juin 2020, lui a enjoint de délivrer à M. C... un titre de séjour dans le délai de deux mois et a mis à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Sur le bien-fondé du jugement :
2. Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors en vigueur, dont les dispositions ont été reprises à l'article L. 425-9 du même code : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat (...) ".
3. Pour rejeter la demande de renouvellement de titre de séjour présentée par M. C... à raison de son état de santé, le préfet de police s'est approprié l'avis du 26 décembre 2019 par lequel le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) a estimé que, si l'état de santé de M. C... nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, il peut bénéficier effectivement d'un traitement approprié eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé en République démocratique du Congo et voyager sans risque vers ce pays. Il ressort des pièces du dossier que M. C..., reconnu personne handicapée à plus de 80%, souffre d'une poliomyélite contractée à l'âge de dix ans en République démocratique du Congo et est atteint de séquelles neurologiques, à l'origine d'une paraplégie, d'une dépression et d'un stress post-traumatique, dont il soutient qu'ils résultent d'actes de torture subis dans son pays d'origine. Alors que le préfet de police justifie, d'une part, que des structures médicales susceptibles d'assurer le suivi thérapeutique de M. C..., aussi bien en psychiatrie qu'en kinésithérapie, existent en République démocratique du Congo, le médecin référent de l'ambassade de France dans ce pays ayant notamment souligné l'absence de difficulté de prise en charge des syndromes de stress post-traumatiques, et, d'autre part, que des traitements à effets thérapeutiques équivalents aux antidépresseurs et aux anxiolytiques prescrits sont disponibles en République démocratique du Congo, M. C... se borne à produire trois certificats médicaux des 11 janvier 2017, 2 septembre 2018 et 17 juillet 2020 établis par un psychiatre affecté au centre hospitalier de Dreux, qui, s'ils mentionnent qu'un retour dans le pays d'origine risquerait d'aggraver la pathologie psychiatrique, sont dépourvus de tout élément circonstancié sur ce point et ne se prononcent d'ailleurs pas quant à l'indisponibilité de traitements et de soins appropriés à l'état de santé du requérant dans son pays de nationalité. Dans ces conditions, les éléments produits par M. C..., qui n'apporte par ailleurs aucun élément à l'appui de ses allégations selon lesquelles ses ressources ne lui permettraient pas d'accéder à ces traitements et soins, ne suffisent pas à contredire l'avis émis par le collège de médecins de l'OFII. Par suite, le préfet de police est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal s'est fondé sur le motif tiré de la méconnaissance du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile pour annuler son arrêté du 3 juin 2020.
4. Il appartient toutefois à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. C... devant le Tribunal administratif de Paris et la Cour.
Sur les autres moyens invoqués par M. C... :
En ce qui concerne la décision de refus de titre de séjour :
5. En premier lieu, l'arrêté contesté est signé par Mme B..., attachée principale d'administration de l'Etat au sein de la direction de la police générale de la préfecture de police, qui bénéficiait d'une délégation à cet effet en vertu d'un arrêté du 2 mars 2020, régulièrement publié au recueil des actes administratifs spécial de la préfecture de Paris du 4 mars 2020. Le moyen tiré de l'incompétence du signataire de cet arrêté doit ainsi être écarté comme manquant en fait.
6. En deuxième lieu, l'arrêté contesté contient les considérations de droit et de fait qui fondent chacune des décisions qu'il contient, aucune disposition n'imposant qu'y soit joint l'avis du collège de médecins de l'OFII. Il ne ressort par ailleurs pas des pièces du dossier que la situation de M. C... n'aurait pas fait l'objet d'un examen particulier. Les moyens tirés de l'insuffisance de motivation de cet arrêté et du défaut d'examen particulier doivent ainsi être écartés comme manquant en fait.
7. En troisième lieu, aux termes de l'article R. 313-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors en vigueur : " Pour l'application du 11° de l'article L. 313-11, le préfet délivre la carte de séjour au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé (...) ".
8. Si M. C... soutient que l'avis émis le 26 décembre 2019 par le collège de médecins de l'OFII, produit par le préfet de police en première instance, est irrégulier, il n'apporte aucune précision à l'appui de ce moyen permettant d'en apprécier le bien-fondé.
9. En quatrième lieu, aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors en vigueur : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée aux 1° et 2° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 313-2. L'autorité administrative est tenue de soumettre pour avis à la commission mentionnée à l'article L. 312-1 la demande d'admission exceptionnelle au séjour formée par l'étranger qui justifie par tout moyen résider en France habituellement depuis plus de dix ans (...) ".
10. Si M. C... soutient qu'il a exercé les fonctions d'agent d'entretien de février à octobre 2019 et a conclu un contrat de soutien et d'aide par le travail le 23 septembre 2019, ces circonstances ne caractérisent pas l'existence de considérations humanitaires ou de motifs exceptionnels justifiant la délivrance d'un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ". Elles ne caractérisent pas plus l'existence de motifs exceptionnels de nature à permettre la délivrance d'une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " ou " travailleur temporaire ". Par suite, M. C... n'est pas fondé à soutenir que le préfet de police aurait commis une erreur manifeste d'appréciation en refusant, par l'arrêté contesté, de lui délivrer un titre de séjour sur le fondement des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
11. En cinquième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
12. Il ressort des pièces du dossier que M. C..., entré en France en 2012 à l'âge de 38 ans, s'est maintenu en situation irrégulière sur le territoire français malgré le rejet de sa demande d'asile le 26 décembre 2013 confirmée par la Cour nationale du droit d'asile le 16 juin 2014, à l'origine d'un refus de titre de séjour prononcé par le préfet de police le 30 juillet 2014, puis un arrêté du préfet de police du 19 novembre 2015 lui faisant obligation de quitter le territoire français, dont la légalité a été confirmée par un jugement du Tribunal administratif de Paris du 20 octobre 2016. S'il a bénéficié d'un titre de séjour valable du 9 novembre 2018 au 7 août 2019 à raison de son état de santé, celui-ci ne justifie pas son maintien sur le territoire, ainsi qu'il a été dit précédemment. Par ailleurs, M. C... a déclaré être célibataire en France et père de six enfants qui résident en République démocratique du Congo et il ne justifie d'aucune insertion sociale et professionnelle particulière en France. Ainsi, compte tenu de la durée et des conditions de son séjour en France, M. C... n'est pas fondé à soutenir que le préfet de police aurait porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels la décision de refus de titre de séjour a été prise, en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Pour les mêmes motifs, il n'est pas plus fondé à soutenir que le préfet de police aurait commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de cet arrêté sur sa situation personnelle.
En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :
13. D'une part, pour les motifs exposés aux points précédents, M. C... n'est pas fondé à soutenir qu'il devait se voir délivrer de plein droit un titre de séjour sur le fondement des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de l'article L. 313-14 du même code, ni que l'obligation de quitter le territoire français aurait méconnu les dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors applicables.
14. D'autre part, la décision de refus de titre de séjour n'étant pas illégale, l'illégalité de cette décision invoquée par voie d'exception à l'appui des conclusions dirigées contre l'obligation de quitter le territoire français doit être écartée.
En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :
15. Aux termes de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors en vigueur : " (...) Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ". Aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ".
16. Ainsi qu'il a été dit précédemment, alors que la demande d'asile présentée par M. C... a été rejetée par l'OFPRA par une décision du 26 décembre 2013 confirmée par la Cour nationale du droit d'asile le 16 juin 2014, le requérant, dont l'état de santé ne justifie pas le maintien sur le territoire français, n'apporte aucun élément à l'appui de ses allégations selon lesquelles il serait susceptible d'être soumis à la torture ou à des peines ou traitements inhumains ou dégradants en cas de retour en République démocratique du Congo. Les moyens tirés de la méconnaissance de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doivent dès lors être écartés.
17. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet de police est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté du
du 3 juin 2020, lui a enjoint de délivrer à M. C... un titre de séjour dans le délai de deux mois et a mis à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros. Ce jugement doit dès lors être annulé et la demande présentée par M. C... devant ce tribunal doit être rejetée.
Sur les frais liés au litige :
18. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que M. C... demande au titre des frais qu'il a exposés.
DECIDE :
Article 1er : Les articles 1er, 2 et 3 du jugement n° 2103940/3-3 du 13 juillet 2021 du Tribunal administratif de Paris sont annulés.
Article 2 : La demande présentée par M. C... devant le Tribunal administratif de Paris et ses conclusions d'appel sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à M. A... C....
Copie en sera adressée au préfet de police.
Délibéré après l'audience du 9 mars 2022, à laquelle siégeaient :
- Mme Brotons, président de chambre,
- M. Platillero, président assesseur,
- M. Magnard, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 23 mars 2022.
Le rapporteur,
F. PLATILLEROLe président,
I. BROTONSLe greffier,
S. DALL'AVALa République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 21PA04606