Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 7 décembre 2021, M. A..., représenté par Me Sangue, demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Paris du 29 novembre 2021 ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet du Val-de-Marne du 17 septembre 2021 ;
3°) d'enjoindre au préfet d'enregistrer sa demande d'asile en procédure normale dans les plus brefs délais ;
4°) d'enjoindre au préfet de réexaminer sa situation administrative ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au bénéfice de Me Sangue en application des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Dans le cas où l'aide juridictionnelle ne serait pas accordée par le bureau d'aide juridictionnelle, cette somme sera versée à M. A....
Il soutient que :
- l'arrêté attaqué est entaché d'une incompétence territoriale du préfet du
Val-de-Marne ;
- il a été pris en violation de l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013.
La requête a été communiqué au préfet du Val-de-Marne qui n'a pas produit de mémoire en défense.
M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du
14 janvier 2022.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le décret n° 2004-374 du 29 avril 2004 ;
- l'arrêté du ministre de l'intérieur du 10 mai 2019 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Le rapport de M. Célérier a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., ressortissant afghan né le 30 avril 1990 à Samagan (Afghanistan), qui est entré irrégulièrement sur le territoire français, a, le 20 juillet 2021, sollicité son admission au séjour au titre de l'asile. Après avoir été informé par le ministère de l'intérieur de ce que le relevé de ses empreintes avait révélé qu'il avait présenté des demandes d'asile en Grèce le 11 septembre 2019 et en Slovénie le 6 juillet 2021, le préfet de police a saisi les autorités slovènes d'une demande de reprise en charge de M. A... sur le fondement de l'article 18 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013. Ces autorités ayant accepté de le reprendre en charge, le préfet du Val-de-Marne a décidé le transfert de M. A... par un arrêté du 17 septembre 2021, notifié le 26 octobre 2021. M. A... fait appel du jugement du 29 novembre 2021 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur la légalité de l'arrêté du 17 septembre 2021 :
2. Aux termes de l'article L. 572-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sous réserve du troisième alinéa de l'article L. 571-1, l'étranger dont l'examen de la demande d'asile relève de la responsabilité d'un autre Etat peut faire l'objet d'un transfert vers l'Etat responsable de cet examen. / (...) ". Aux termes de l'article R. 572-1 de ce code : " Sans préjudice du second alinéa de l'article 11-1 du décret n° 2004-374 du 29 avril 2004, l'autorité compétente pour procéder à la détermination de l'Etat responsable de l'examen d'une demande d'asile et prendre une décision de transfert en application de l'article L. 572-1 est le préfet de département et, à Paris, le préfet de police ". Aux termes de l'article 11-1 du décret du 29 avril 2004 : " Le préfet de département est compétent en matière d'entrée et de séjour des étrangers ainsi qu'en matière de droit d'asile. / En matière d'asile, un arrêté conjoint du ministre de l'intérieur et du ministre chargé de l'asile peut donner compétence à un préfet de département et, à Paris, au préfet de police pour exercer ces missions dans plusieurs départements ". Aux termes de l'article 2 de l'arrêté du 10 mai 2019 désignant les préfets compétents pour enregistrer les demandes d'asile et déterminer l'Etat responsable de leur traitement (métropole) : " L'annexe II au présent arrêté fixe la liste des préfets compétents pour procéder à la détermination de l'Etat responsable de l'examen de la demande d'asile. / A cette fin, les préfets désignés sont compétents pour : / (...) ; / 2° Prendre la décision de transfert (...). Cette annexe précise en outre les départements dans lesquels chacun de ces préfets est compétent ". L'annexe II prévoit que le préfet du Val-de-Marne est compétent " pour les demandes d'asile concernant des demandeurs domiciliés dans le Val-de-Marne ".
3. Il ressort des pièces du dossier qu'à la date de l'arrêté, aucune pièce du dossier ne permettait d'établir que l'intéressé résidait dans le département du Val-de-Marne. Il ressort des pièces du dossier que le requérant s'est vu délivrer une attestation de demande d'asile par le préfet de police, qu'il a bénéficié d'un entretien individuel à la préfecture de police et qu'il a été convoqué à la préfecture de police, le 16 juillet 2021. Dans ces conditions, par les pièces qu'il avait produites devant le tribunal administratif, le préfet du Val-de-Marne n'établissait pas que le domicile réel de M. A... serait situé dans le département du Val-de-Marne. Par suite, le préfet du Val-de-Marne n'était pas territorialement compétent pour prendre à l'encontre de M. A... une décision de transfert en application des dispositions précitées.
4. Il résulte de ce qui précède que M. A... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande, sans qu'il soit besoin d'examiner l'autre moyen de la requête.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
5. L'annulation de l'arrêté attaqué implique seulement, dans les circonstances de l'espèce, qu'il soit enjoint au préfet de police de réexaminer la situation de M. A... dans un délai de quinze jours.
Sur les conclusions présentées sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 :
6. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me Sangue, avocat de M. A..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État, de mettre à la charge de l'Etat (préfecture du Val-de-Marne) le versement à Me Sangue de la somme de 1 500 euros.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 2123121/8 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Paris du 29 novembre 2021 et l'arrêté du préfet du Val-de-Marne du 17 septembre 2021 sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet de police de réexaminer la situation de M. A... dans un délai de quinze jours.
Article 3 : L'Etat (préfecture du Val-de-Marne) versera à Me Sangue une somme de 1 500 euros en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que Me Sangue renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A..., à Me Sangue et au ministre de l'intérieur.
Copie sera adressée au préfet de police du Val-de-Marne et au préfet de police.
Délibéré après l'audience du 8 mars 2022, à laquelle siégeaient :
- M. Célérier, président de chambre,
- M. Niollet, président-assesseur,
- M. Pagès, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 22 mars 2022.
L'assesseur le plus ancien,
J-C. NIOLLETLe président-rapporteur,
T. CELERIER
La greffière,
K. PETIT
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 21PA06212