Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire enregistrés les 16 juillet 2018 et 30 janvier 2019, Mme C..., représentée par le Cabinet Arsene Taxand, demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement n° 1610275/1-1 du 16 mai 2018 du Tribunal administratif de Paris ;
2°) de prononcer la décharge des droits, intérêts et pénalités non encore acquittés et la restitution des droits déjà versés, pour un total cumulé de 7 039 940 euros au titre des années 2004, 2005 et 2006 en raison du caractère erroné des montants indument portés en revenus dans les déclarations afférentes à ces années, à titre subsidiaire, la décharge des suppléments
d'imposition, intérêts et pénalités y afférentes non encore acquittés et la restitution des droits versés, " pour la fraction excédant les montants reconstitués sur le fondement des revenus effectivement encaissés au titre de la période en litige, soit un total de droits en principal
de 5 053 022 euros, majorés des pénalités et intérêts de retard " ;
3°) de condamner l'Etat au versement des intérêts moratoires ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- c'est à tort et à la suite d'une erreur qu'ont été déclarés des bénéficies non commerciaux au titre des années 2004 à 2006 et il lui est possible, en vertu des dispositions des articles R.196-1 et R.196-3 du livre des procédures fiscales, de revenir sur ces déclarations ;
- les revenus déclarés correspondaient à des dépenses de train de vie qui, à les supposer avérées, ce qui n'est pas le cas, ne constituent pas des revenus imposables ; l'analyse faite à sa demande par un cabinet comptable montre le mal fondé des impositions et à tout le moins leur exagération, ainsi que le rattachement d'une partie des crédits bancaires à la catégorie des revenus de capitaux mobiliers.
Par un mémoire en défense enregistré le 13 décembre 2018, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.
Il soutient que :
- le litige s'élève à la somme de 7 039 940 euros et non 7 048 754 euros indiqués par la requérante.
- aucun des moyens de la requête n'est fondé.
Par ordonnance du 19 décembre 2018, la clôture d'instruction a été fixée
au 31 janvier 2019.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Appèche,
- les conclusions de M. Cheylan, rapporteur public,
- et les observations de Me Guilland, avocat de Mme C....
Considérant ce qui suit :
1. Les époux D...ont été assujettis au titre des années 2004, 2005 et 2006 à des cotisations d'impôt sur le revenu établies conformément aux déclarations rectificatives déposées pour leur compte, s'agissant des deux premières années, et à la déclaration initiale également déposée pour leur compte, s'agissant de la troisième année. Les compléments d'impositions primitives afférents aux années 2004 et 2005 ont été mis en recouvrement par rôle du
30 avril 2007, et l'imposition primitive de l'année 2006, par rôle du 31 juillet 2007, pour des montants de 1 352 644 euros, 1 574 991 euros et 2 541 110 euros soit un total de
5 467 745 euros. Postérieurement au décès, en févier 2008, de M. A... D..., une réclamation portant sur ces impositions et à laquelle l'administration n'a pas répondu, a été introduite le 27 février 2009 par sa veuve, Mme C...et ses enfants Diane et Alec, en leur qualité d'héritiers.
2. Postérieurement, l'administration ayant engagé à l'encontre des époux D...une vérification de comptabilité de leur activité non commerciale au titre des années 2003 à 2006 et un examen contradictoire de leur situation fiscale personnelle portant sur les années 2004, 2005 et 2006, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu ont été, en conséquence de ces contrôles, mises en recouvrement le 31 décembre 2008 pour des montants de 305 142 euros, 474 407 euros et 801 460 euros au titre respectivement des années 2004, 2005 et 2006, soit un total de 1 581 009 euros. La réclamation introduite par MmeC..., veuve de M. A...D...et les enfants de ce dernier, pour contester ces suppléments d'impôt sur le revenu, a été rejetée par décision datée du 30 juin 2016.
3. Mme C...veuve D...a demandé en vain au Tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge de l'ensemble des impositions mentionnées au deux points précédents, pour un montant qu'elle arrêtait à 7 039 940 euros. Elle relève appel du jugement n° 1610275/1-1 du 16 mai 2018 par lequel ce tribunal a rejeté sa demande.
4. En premier lieu, pour contester les compléments d'impositions afférents aux années 2004 et 2005 et l'imposition primitive afférente à l'année 2006, Mme C... reprend devant la Cour le moyen qu'elle invoquait devant le tribunal administratif et tiré de ce que le signataire des déclarations complémentaires rectificatives déposées au titre des années 2004 et 2005 et de la déclaration de revenus faite au titre de l'année 2006 ne disposait pas d'un mandat lui permettant de souscrire valablement, au nom du foyer fiscal qu'elle constituait avec M. A...D..., les déclarations en cause. Il y a lieu pour la Cour, par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges, d'écarter ce moyen.
5. En deuxième lieu, Mme C... conteste le bien-fondé des impositions litigieuses au motif qu'elles reposeraient sur des montants de bénéfices non commerciaux erronés.
6. D'une part, aux termes de l'article R. 194-1 du livre des procédures fiscales :
" Lorsque, ayant donné son accord à la rectification (...), le contribuable présente cependant une réclamation faisant suite à une procédure contradictoire de rectification, il peut obtenir la décharge ou la réduction de l'imposition, en démontrant son caractère exagéré. Il en est de même lorsqu'une imposition a été établie d'après les bases indiquées dans la déclaration souscrite par un contribuable ou d'après le contenu d'un acte présenté par lui à la formalité de l'enregistrement. ". Il résulte de l'instruction, et de ce qui a été dit ci-dessus, que les impositions concernant les années 2004, 2005 et 2006 mentionnées au point 1 du présent arrêt, ont été établies conformément aux indications portées sur les déclarations régulièrement souscrites pour M. A...D...et son épouse MmeC.... Cette dernière supporte dès lors, en application des dispositions de l'article R. 194-1 du livre des procédures fiscales précitées, la charge de démontrer le mal-fondé ou l'exagération de ces impositions, sans que puissent être utilement invoquées les dispositions de l'article R. 196-3 du même livre, lesquelles ouvrent un délai spécial de réclamation au profit du contribuable qui fait l'objet d'une procédure de reprise ou de rectification pour contester les impositions tant primitives que supplémentaires mises à sa charge, mais n'ont pas pour objet ni pour effet de remettre en cause, s'agissant des impositions primitives, la charge de la preuve résultant des dispositions de l'article R. 194-1 énoncées ci-dessus.
7. D'autre part, aux termes de l'article 12 du code général des impôts : " L'impôt est dû chaque année à raison des bénéfices ou revenus que le contribuable réalise ou dont il dispose au cours de la même année. ". L'article 92 du même code dispose que : " 1. Sont considérés comme provenant de l'exercice d'une profession non commerciale ou comme revenus assimilés aux bénéfices non commerciaux, les bénéfices des professions libérales, des charges et offices dont les titulaires n'ont pas la qualité de commerçants et de toutes occupations, exploitations lucratives et sources de profits ne se rattachant pas à une autre catégorie de bénéfices ou de revenus [...] ".
8. Mme C...soutient que M. R., signataire des déclarations litigieuses, a mentionné, dans la catégorie des bénéfices non commerciaux non professionnels, des sommes, représentant en réalité des dépenses de train de vie, qui n'étaient pas susceptibles de constituer de tels bénéfices et n'étaient pas imposables, dans la mesure il s'agissait, selon elle, de sommes correspondant à des " remboursements de prêts, d'intérêts et de travaux ". Toutefois, si elle produit le procès verbal, en date du 12 juin 2012, d'un interrogatoire de M. R., alors mis en examen pour blanchiment aggravé de fraude fiscale, les seules affirmations de l'intéressé ne sauraient, en l'absence d'autres éléments probants et pertinents de nature à en accréditer le contenu, suffire à établir que M. et Mme D...n'ont pas disposé au titre des années 2004 à 2006 des bénéfices non commerciaux portés sur les déclarations déposées en leur nom. L'analyse opérée par un cabinet comptable, à partir notamment des crédits bancaires portés, durant les années en cause, sur les comptes bancaires ouverts à leur nom à la Société Générale et à la Compagnie Rothschild ainsi que sur les comptes courants ouverts au sein de la LBMB et de la société française Beguemot, appartenant à M. A...D..., ne peut davantage permettre de tenir pour établi que les bénéfices non commerciaux litigieux, qui n'ont pas nécessairement donné lieu à des versements sous forme de chèques ou de virements bancaires et n'ont pas nécessairement transité sur les comptes détenus en France par M. et MmeD..., n'ont pas été réalisés par les intéressés au cours des années en cause. A supposer que cette étude, au demeurant non assortie de l'ensemble des pièces justificatives sur lesquelles ses auteurs soutiennent s'être appuyés, mette en évidence qu'une partie de sommes ayant transité sur les comptes bancaires des intéressés durant les années 2004 à 2006 constitueraient des revenus de capitaux mobiliers, cette circonstance ne saurait suffire à remettre en cause le bien-fondé des impositions litigieuses, établies non pas sur la base des crédits bancaires des intéressés, mais sur celle des bénéfices non commerciaux spontanément déclarés en leur nom au titre de ces années, et alors qu'aucun élément ne démontre que les sommes déclarées et imposées comme bénéfices non commerciaux correspondraient, même en partie, aux crédits bancaires relevés par les auteurs de cette étude et ressortissant selon eux à la catégorie des revenus de capitaux mobiliers.
9. En conséquence, Mme C...n'apporte pas la preuve qui lui incombe de ce que les impositions mentionnées au point 1 du présent arrêt seraient mal fondées ou exagérées. Par suite, elle n'est pas fondée à en demander, à titre principal, la décharge totale et, à titre subsidiaire, la réduction.
10. Enfin, Mme C... n'articule aucun moyen pour contester les cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu mentionnées au point 2 du présent arrêt.
11. De tout ce qui précède, il résulte que Mme C... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Ses conclusions à fin de décharge totale, et subsidiairement partielle, des impositions litigieuses et pénalités correspondantes présentées devant la Cour doivent être rejetées. Il en va de même en conséquence, de celles tendant au versement d'intérêts moratoires, en l'absence de litige né et actuel sur ce point, et de celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, l'Etat n'ayant pas, dans la présente instance, la qualité de partie perdante.
DECIDE :
Article 1er : La requête de Mme C... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... E...C...et au ministre de l'action et des comptes publics.
Copie en sera adressée au chef des services fiscaux chargé de la direction nationale de vérification des situations fiscales.
Délibéré après l'audience du 15 mai 2019, à laquelle siégeaient :
- Mme Brotons, président de chambre,
- Mme Appèche, président assesseur,
- M. Magnard, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 29 mai 2019 .
Le rapporteur,
S. APPECHELe président,
I. BROTONS
Le greffier,
S. DALL'AVA
La République mande et ordonne au ministre de l'action et des comptes publics en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 18PA02372