Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 27 avril 2018, la commune de Païta, représentée par la société d'avocats Juriscal, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de la Nouvelle-Calédonie du
30 janvier 2018 ;
2°) d'annuler le certificat de conformité délivré le 5 janvier 2017 au lotissement Kirakaté 2 ensemble la décision du 5 mai 2017 rejetant son recours gracieux ;
3°) de mettre à la charge de la province Sud la somme de 350 000 francs CFP sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la convention passée en 2010 entre le lotisseur et la société des eaux urbaines et rurales de Païta n'a pas été entièrement exécutée en méconnaissance de l'article 5 du permis de lotir du 29 juin 2010 ;
- le lotisseur n'a pas satisfait à l'obligation de rétrocession des ouvrages prévue par l'article 7 du permis de lotir ;
- le lotisseur n'a pas produit l'intégralité des pièces permettant de contrôler l'exécution des travaux ;
- le lotisseur n'a produit aucun élément probant relatif au raccordement du réseau interne au réseau public.
Par des mémoires, enregistrés les 31 octobre 2018 et 28 février 2020, la province Sud, représentée par Me A... E..., conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de la commune de Païta la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la requête est irrecevable car le certificat de conformité du 5 janvier 2017 confirme un premier certificat délivré le 28 juillet 2015, devenu définitif à la suite de l'arrêt de la Cour administrative d'appel de Paris du 29 mars 2018 ;
- le premier adjoint au maire ne justifie pas de l'habilitation à introduire la requête ;
- les obligations résultant de l'article 5 de l'autorisation de lotir ont été satisfaites ;
- les dispositions de l'article 7 ne s'appliquent qu'aux ouvrages nouveaux qui ont vocation à être intégrés au domaine public, ce qui n'est pas le cas en l'espèce ;
- le certificat de conformité a été délivré au vu de l'ensemble des pièces utiles, le plan de renforcement des réseaux ne figurant pas au nombre des documents exigés ;
- le raccordement est régulier, l'absence de mise en eau tenant exclusivement à un différend financier entre le lotisseur et la commune ;
- les travaux de renforcement du réseau public n'étaient pas nécessaires à la viabilité du lotissement Kirikaté II.
Par des mémoires complémentaires enregistrés les 6 novembre 2018 et 29 février 2020, la commune de Païta conclut aux mêmes fins que la requête.
Elle soutient que :
- le certificat de conformité du 5 janvier 2017 n'est pas confirmatif de celui délivré le
28 juillet 2015 qu'il retire et auquel il se substitue ;
- l'arrêt de la Cour administrative d'appel de Paris du 29 mars 2018 a été annulé par décision du Conseil d'Etat du 30 janvier 2020 et le certificat de conformité du 28 juillet 2015 n'est pas devenu définitif ;
- le premier adjoint disposait d'une délégation permanente du 10 juin 2017 l'autorisant à introduire des actions en justice en matière d'urbanisme au nom de la commune.
La clôture de l'instruction est intervenue le 9 octobre 2020.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi organique n° 99-209 du 19 mars 1999 relative à la Nouvelle-Calédonie ;
- la loi du pays n° 2015-1 du 13 février 2015 relative à la partie législative du code de l'urbanisme de la Nouvelle-Calédonie ;
- la délibération n° 28-2006/APS du 27 juillet 2006 portant réglementation des lotissements et des divisions dans la province Sud ;
- le code de l'urbanisme, notamment son livre VI ;
- le code de l'urbanisme de Nouvelle-Calédonie ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. B...,
- les conclusions de Mme Péna, rapporteur public,
- les observations de Me D... représentant la commune de Païta et les observations de Me E..., représentant la province Sud.
Considérant ce qui suit :
1. Par un arrêté du 29 juin 2010 du maire de Païta, assorti de prescriptions techniques, la société Tokai a été autorisée à réaliser un lotissement dénommé " Karikaté II ". Le
28 juillet 2015, le président de l'assemblée de la province Sud de Nouvelle-Calédonie a délivré à la société Tokai un certificat attestant de l'exécution de la totalité de ces prescriptions. Par un jugement du 26 mai 2016, le tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie, saisi par la commune de Païta, a annulé ce certificat. A la suite de ce jugement, le président de la province Sud a réexaminé la demande du lotisseur et, par une décision du 5 janvier 2017, confirmée sur recours gracieux le 5 mai 2017, il a de nouveau délivré au lotisseur un certificat attestant l'exécution des prescriptions. La commune de Païta relève appel du jugement du 30 janvier 2018 par lequel le tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ce second certificat de conformité.
2. Aux termes de l'article 2 de la délibération du 27 juillet 2006 portant réglementation des lotissements et des divisions dans la province Sud, susvisée : " Constituent un lotissement au sens du présent titre l'opération et le résultat de l'opération de division, en vue de l'implantation de bâtiments, ayant pour objet ou ayant eu pour effet de porter le nombre de terrains issus d'une propriété foncière à plus de deux sur une période de moins de dix ans... ". Aux termes de l'article 19 de cette délibération : " L'autorité compétente délivre sur papier libre, sans frais, à la requête du bénéficiaire de l'autorisation un certificat de conformité constatant qu'en exécution des prescriptions de l'arrêté d'autorisation ont été achevés selon le cas : a) soit l'ensemble des travaux du lotissement ... / A l'appui de la demande de délivrance du certificat de conformité prévu aux a) et b) du présent article, le lotisseur adresse à la direction du foncier et de l'aménagement ... les procès-verbaux de description des limites des lots et le plan d'abornement en trois exemplaires (documents établis par un géomètre expert) accompagné de son fichier numérique, cinq plans de récolement accompagnés de l'ensemble des travaux réalisés, accompagnés de leur fichier numérique unique par tranche de lotissement objet de la demande de conformité, structuré au format NEIGE en vigueur à la date de la demande. / Le certificat de conformité visé au a) et au c) ne peut intervenir avant acceptation par le service topographique et foncier de la province sud des documents déposés et transcription à la conservation des hypothèques des actes rectificatifs de propriété en cas de non concordance de ces actes et du parcellaire réalisé. / La délivrance du certificat de conformité ne dégage pas le lotisseur de ses obligations et de sa responsabilité vis-à-vis des bénéficiaires notamment en ce qui concerne l'exécution des travaux ".
3. Aux termes de l'article 5 de l'arrêté du 29 juin 2010 portant autorisation de lotir : " Avant le début des travaux, le pétitionnaire prendra obligatoirement l'attache de la société des eaux urbaines et rurales de Païta (SEUR), afin de définir les conditions de mise en oeuvre (vanne de sectionnement, implantation de la conduite AEP, déplacement des branchements, généralités, etc.) du réseau AEP. / Des renforcements seront nécessaires pour cette opération. Une convention de partenariat sera établie entre le pétitionnaire et le concessionnaire du réseau d'eau potable de la commune de Païta ". Aux termes de l'article 7 de ce même arrêté : " Dispositions générales relatives à l'eau, l'assainissement et l'électricité. / Avant le début des travaux, le pétitionnaire prendra obligatoirement l'attache des services techniques des concessionnaires. D'une manière générale, les nouveaux ouvrages destinés à être incorporés dans le domaine public, devront être conformes aux normes définies dans les cahiers des prescriptions techniques générales par les services techniques de la commune et le fermier. Tous renforcements de réseaux nécessités par l'opération seront à la charge du lotisseur ".
4. Le certificat délivré sur le fondement des dispositions précitées a seulement pour objet de constater l'achèvement, total ou partiel, des travaux du lotissement au regard des prescriptions de l'autorisation de lotir.
5. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier qu'avant le début des travaux la société Karikaté II a pris l'attache de la société des eaux urbaines et rurales de la commune de Païta et qu'une convention a été conclue conformément à l'article 5 de l'arrêté du 29 juin 2010. Par ailleurs, il ne ressort pas des pièces du dossier que les nouveaux ouvrages, qui restaient la propriété du lotisseur, étaient destinés à être incorporés dans le domaine public. Dès lors, leur conformité aux normes définies dans les cahiers des prescriptions techniques générales par les services techniques de la commune et le fermier ne pouvait être exigée sur le fondement de l'article 7 du même arrêté. La commune de Païta n'est pas fondée à soutenir que les dispositions de l'arrêté du 29 juin 2010 citées au point précédent ont été méconnues.
6. En second lieu, pour accorder à la société Kirikaté II le certificat de conformité du
28 juillet 2015, la province Sud avait statué au vu d'un dossier comportant notamment les procès-verbaux de limite des lots, les plans de récolement du réseau d'adduction en eau potable du lotissement visés par la Calédonienne des Eaux, ainsi que des autres plans de récolement (Enercal, OPT, CDE, voirie et assainissement), le procès-verbal de visite du 16 janvier 2015 et le procès-verbal du 18 février 2015 par lequel le service topographique et foncier de la province Sud a validé l'ensemble des plans de récolement et le plan d'abornement. Ce dossier a été complété par des procès-verbaux des réunions de chantier des 19 mars, 26 mars et 2 avril 2013 confirmant la réalisation du réseau d'adduction en eau potable interne au lotissement, les procès-verbaux des essais de pression validés par la Calédonienne des eaux en 2012, des factures d'analyses sanitaires et des factures de raccordement. Les dispositions citées au point 2 de l'article 19 de la délibération du 27 juillet 2006 n'exigent pas de la province Sud qu'elle statue au vu d'un acte par lequel la commune ou son service des eaux attesterait de la bonne exécution de la convention passée avec le lotisseur. La commune de Païta n'est dès lors pas fondée à soutenir que la province Sud aurait délivré le certificat de conformité du 5 janvier 2017 au vu d'un dossier incomplet.
7. En troisième lieu, il ressort des pièces du dossier que l'ensemble des travaux prévus ont été réalisés. Les analyses biologiques et les tests de pression ont été réalisés par la société Calédonienne des Eaux, sous-concessionnaire de la société des eaux urbaines et rurales de Païta, elle-même concessionnaire de la commune de Païta, chargée d'une mission étendue portant sur la gestion technique du réseau. La circonstance que les factures produites seraient anciennes est sans incidence. Si la requérante fait valoir que la société Calédonienne des Eaux ne pouvait valider les plans de récolement tant qu'un différend opposait la commune au lotisseur et que le raccordement au réseau aurait été irrégulier, la Calédonienne des Eaux n'a pas excédé sa compétence en procédant aux vérifications techniques et en constatant que les travaux du lotissement étaient achevés et que les canalisations étaient en état de fonctionnement.
8. En dernier lieu, il ressort des pièces du dossier que le différend qui oppose la commune de Païta et la société des eaux urbaines et rurales à la société Karikaté II porte sur l'étendue de l'obligation du lotisseur de contribuer financièrement au renforcement du réseau qui amène l'eau au lotissement et au retard mis par le promoteur, qui avait été placé en procédure de sauvegarde, à régler des sommes que lui réclamait la commune. Si la commune et la SEUR ont refusé d'ouvrir les vannes du réseau communal d'adduction d'eau pour alimenter en eau les canalisations du lotissement jusqu'à ce que le litige ait été réglé, cette circonstance est sans incidence sur l'achèvement du réseau de distribution d'eau du lotissement que la province Sud, ainsi qu'elle le devait, s'est bornée à constater pour en donner quitus au lotisseur. La décision contestée n'est donc pas entachée d'une erreur manifeste d'appréciation. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de statuer sur la recevabilité de la requête, que la commune de Païta n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de la Nouvelle-Calédonie a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 5 janvier 2017 du président de l'assemblée de la province Sud.
Sur les frais liés au litige :
9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions de la commune de Païta tendant à ce que soit mise à la charge de la province Sud la somme qu'elle lui réclame au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune de Païta la somme de 2 000 euros à verser à la province Sud au titre de ces dispositions.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de la commune de Païta est rejetée.
Article 2 : La commune de Païta versera à la province Sud la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Païta, à la province Sud et à la société Karikaté II.
Délibéré après l'audience du 3 novembre 2020, à laquelle siégeaient :
- M. C..., premier vice-président,
- M. B..., président assesseur,
- Mme Jayer, premier conseiller,
Rendu public par mise à disposition au greffe le 1er décembre 2020.
Le rapporteur,
Ch. B...Le président,
M. C...
Le greffier,
N. DAHMANI
La République mande et ordonne au ministre des outre-mer, en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 10PA03855
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N° 18PA01429