Procédure devant la cour :
       I. Par une requête enregistrée le 28 février 2020 sous le n° 20PA00755, le préfet de police demande à la cour : 
       1°) d'annuler ce jugement ;
       2°) de rejeter la demande présentée par M. D... devant le tribunal administratif de Paris.
       Il soutient que : 
       - c'est à tort que le tribunal administratif de Paris a estimé que son arrêté portant transfert de M. D... aux autorités suédoises était entaché d'une méconnaissance de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
       - les autres moyens soulevés par M. D... devant le tribunal administratif de Paris ne sont pas fondés.
       La requête a été communiquée à M. D..., qui n'a pas présenté de mémoire en défense.
       II. Par une requête enregistrée le 2 mars 2020 sous le n° 20PA00787, le préfet de police demande à la cour de prononcer le sursis à exécution du jugement n° 1925331 du 
20 décembre 2019 du tribunal administratif de Paris.
       Il soutient que les conditions fixées par l'article R. 811-15 du code de justice administrative sont en l'espèce remplies.
       Par un mémoire en défense enregistré le 27 octobre 2020, M. D..., représenté par Me E..., demande à la cour :
       1°) de constater qu'il n'y a plus lieu de statuer sur la requête ;
       2°) à titre subsidiaire, de rejeter la requête ;
       3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 2 000 euros à son conseil sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, Me E... renonçant le cas échéant à percevoir la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle.
       Il soutient que :
       - il n'y a plus lieu de statuer sur la requête dès lors que sa demande d'asile a été enregistrée en procédure normale et qu'elle est actuellement en cours d'examen devant l'OFPRA ;
       - les moyens soulevés par le préfet ne sont pas fondés.
       M. D... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Paris du 25 juin 2020.
       Vu les autres pièces du dossier.
       Vu :
       - la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
       - le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;
       - le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
       - la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
       - le code de justice administrative.
       Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
       Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
       Le rapport de Mme B... a été entendu au cours de l'audience publique.
       Considérant ce qui suit :
       1. M. D..., ressortissant afghan né le 22 juin 1993, entré irrégulièrement en France, a sollicité le 5 septembre 2019 son admission au séjour au titre de l'asile. La consultation du fichier " Eurodac " ayant permis d'établir que ses empreintes digitales avaient été relevées par les autorités suédoises, une demande de prise en charge a été adressée à la Suède, qui l'a acceptée le 19 septembre 2019. Le préfet de police a pris à l'égard de M. D... un arrêté de transfert vers la Suède le 25 octobre 2019. Par un jugement du 20 décembre 2019, le tribunal administratif de Paris a annulé cet arrêté et a enjoint au préfet de police de délivrer à M. D... une attestation de demande d'asile dans le délai de dix jours à compter de la notification du jugement.
       Sur la jonction : 
       2. Les requêtes nos 20PA00755 et 20PA00787 portant sur le même jugement et ayant fait l'objet d'une instruction commune, il y a lieu de les joindre pour y statuer par un seul arrêt.
       Sur le motif d'annulation retenu par le tribunal administratif de Paris :
       3. Aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ".
       4. Pour annuler l'arrêté en litige, le tribunal administratif s'est fondé sur la circonstance que la demande d'asile de M. D... aurait été définitivement rejetée par les autorités suédoises et que sa remise à ces dernières aurait pour conséquence un réacheminement vers l'Afghanistan, où il serait exposé à un risque de traitements inhumains ou dégradants au sens des stipulations précitées, compte tenu de la situation de violence généralisée qui prévaudrait dans ce pays. 
       5. Toutefois, l'arrêté contesté a seulement pour objet de renvoyer l'intéressé en Suède. Il n'implique pas, par lui-même, que ce dernier soit automatiquement éloigné à destination de son pays d'origine. La Suède ayant accepté la reprise en charge de M. D..., la mesure d'éloignement qu'elle avait antérieurement édictée à son encontre est devenue caduque. Par ailleurs, le système européen commun d'asile a été conçu de telle sorte qu'il est permis de supposer que l'ensemble des Etats y participant respectent les droits fondamentaux. Ainsi, il est présumé que la Suède, Etat membre de l'Union européenne et partie tant à la convention de Genève du 28 juillet 1951 sur le statut des réfugiés, complétée par le protocole de New York, qu'à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, assure un traitement des demandeurs d'asile respectueux de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne. Cette présomption ne peut être renversée que s'il y a des raisons sérieuses de croire qu'il existe des défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs, qui entraînent un risque de traitements inhumains ou dégradants au sens de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. A cet égard, M. D... ne produit aucun élément de nature à établir qu'il existerait des raisons sérieuses de croire à l'existence de défaillances systémiques dans la procédure d'asile en Suède, ou que les autorités suédoises ne traiteraient pas sa demande d'asile dans des conditions permettant le respect des garanties exigées par le droit d'asile. Enfin, il ne ressort pas des pièces du dossier que M. D... ne pourrait faire valoir, le cas échéant, des éléments nouveaux pour solliciter le réexamen de sa demande d'asile. Dans ces conditions, le préfet de police est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Paris a annulé l'arrêté contesté au motif que ce dernier méconnaissait les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
       6. Il y a lieu pour la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés en première instance par M. D....
       Sur les autres moyens soulevés par M. D... :
       7. En premier lieu, par un arrêté n° 2019-00832 du 18 octobre 2019, régulièrement publié au bulletin officiel de la ville de Paris, le préfet de police a donné à Mme F..., attachée principale d'administration de l'Etat, signataire de l'arrêté contesté, délégation à l'effet de signer les décisions en matière de police des étrangers en cas d'absence ou d'empêchement d'autorités dont il n'est pas établi qu'elles n'étaient pas absentes ou empêchées lors de la signature de l'arrêté contesté. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de cet arrêté manque en fait.
       8. En deuxième lieu, en application de l'article L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la décision de transfert dont fait l'objet un ressortissant de pays tiers ou un apatride qui a déposé auprès des autorités françaises une demande d'asile, dont l'examen relève d'un autre Etat membre ayant accepté de le prendre ou de le reprendre en charge, doit être motivée, c'est-à-dire qu'elle doit comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. Pour l'application de ces dispositions, est suffisamment motivée une décision de transfert qui mentionne le règlement du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 et comprend l'indication des éléments de fait sur lesquels l'autorité administrative se fonde pour estimer que l'examen de la demande présentée devant elle relève de la responsabilité d'un autre Etat membre, une telle motivation permettant d'identifier le critère du règlement communautaire dont il est fait application.
       9. L'arrêté prononçant le transfert de M. D... aux autorités suédoises vise le règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013, le règlement n° 1560/2003 portant modalité d'application du règlement n° 343/2003 du Conseil établissant les critères et mécanismes de détermination de l'Etat membre responsable d'une demande d'asile ainsi que le règlement n° 603/2013 relatif à la création d'Eurodac pour la comparaison des empreintes digitales. Il relève le caractère irrégulier de l'entrée en France de M. D..., rappelle le déroulement de la procédure suivie lorsque l'intéressé s'est présenté devant les services de la préfecture de police et précise que la consultation du système Eurodac a montré que M. D... a sollicité l'asile auprès des autorités suédoises le 14 décembre 2015. Il précise également que les autorités suédoises ont accepté le 19 septembre 2019 de le reprendre en charge en application des dispositions du d) du paragraphe 1 de l'article 18 du règlement (UE) n° 604/2013 et qu'au regard des éléments de fait et de droit caractérisant sa situation, il ne relève pas des dérogations prévues aux articles 3-2 ou 17 dudit règlement. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de l'arrêté litigieux ne peut qu'être écarté.
       10. En troisième lieu, aux termes de l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. Dès qu'une demande de protection internationale est introduite au sens de l'article 20, paragraphe 2, dans un État membre, ses autorités compétentes informent le demandeur de l'application du présent règlement (...) / 2. Les informations visées au paragraphe 1 sont données par écrit, dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend. Les États membres utilisent la brochure commune rédigée à cet effet en vertu du paragraphe 3 (...) ". Il résulte de l'annexe X au règlement (CE) susvisé du 2 septembre 2003 que ladite brochure comprend une partie A intitulée " Informations sur le règlement de Dublin pour les demandeurs d'une protection internationale en vertu de l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 " et une partie B intitulée " Procédure de Dublin - Informations pour les demandeurs d'une protection internationale dans le cadre d'une procédure de Dublin en vertu de l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 ".
       11. Contrairement à ce que soutient le requérant, il ressort des pièces versées par le préfet de police devant le tribunal administratif de Paris que les documents d'information A et B, intitulés respectivement " J'ai demandé l'asile dans l'Union européenne - quel pays sera responsable de l'analyse de ma demande ' " et " Je suis sous procédure Dublin - qu'est-ce que cela signifie ' ", nécessaires pour bénéficier d'une information complète sur l'application du règlement du 
26 juin 2013, lui ont bien été remises le 4 septembre 2019 en dari, langue que l'intéressé avait préalablement déclaré comprendre. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées doit être écarté.
       12. En quatrième lieu, aux termes de l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 susvisé : " 1. Afin de faciliter le processus de détermination de l'Etat membre responsable, l'Etat membre procédant à cette détermination mène un entretien individuel avec le demandeur. Cet entretien permet également de veiller à ce que le demandeur comprenne correctement les informations qui lui sont fournies conformément à l'article 4. / (...) / 4. L'entretien individuel est mené dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend et dans laquelle il est capable de communiquer. Si nécessaire, les États membres ont recours à un interprète capable d'assurer une bonne communication entre le demandeur et la personne qui mène l'entretien individuel. / 5. L'entretien individuel a lieu dans des conditions garantissant dûment la confidentialité. Il est mené par une personne qualifiée en vertu du droit national ".
       13. Il ressort des pièces du dossier, et notamment du compte-rendu signé par l'intéressé, qu'un entretien individuel a été accordé à M. D... le 5 septembre 2019, à l'occasion duquel l'intéressé a pu faire part de sa situation personnelle et de ses conditions d'entrée en France, et à la fin duquel il a indiqué qu'il n'avait rien à déclarer. Cet entretien a été mené par un agent du 12ème bureau de la préfecture de police, identifié, contrairement à ce qui est soutenu, par des initiales et un numéro, avec l'assistance d'un interprète en langue dari. En l'absence de tout élément contraire versé au dossier, cet agent doit être regardé comme une personne qualifiée en vertu du droit national. Dans ces conditions, alors par ailleurs qu'il n'est pas sérieusement allégué par l'intéressé qu'il aurait été privé de la possibilité de faire valoir d'autres observations que celles qui sont retranscrites dans le compte-rendu de cet entretien, M. D... n'est pas fondé à soutenir que les dispositions précitées auraient été méconnues.
       14. En dernier lieu, en se bornant à renvoyer à des rapports internationaux relatifs à l'insécurité qui règne en Afghanistan ainsi qu'à l'existence d'affrontements fréquents entre des groupes armés, M. D... ne fait état d'aucun élément circonstancié et précis propre à sa situation personnelle de nature à établir que le préfet de police aurait dû faire application de la clause discrétionnaire prévue par l'article 17 du règlement (UE) n°604/2013 du 26 juin 2013. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de cet article doit être écarté. Il en est de même, pour les mêmes motifs, du moyen tiré d'une erreur manifeste d'appréciation des conséquences de la décision attaquée sur la situation personnelle de l'intéressé.
       15. Il résulte de tout ce précède que le préfet de police est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté du 25 octobre 2019, et à demander l'annulation de ce jugement ainsi que le rejet de la demande de première instance de M. D....
       Sur la demande de sursis à exécution :
       16. Le présent arrêt statuant sur les conclusions du préfet de police tendant à l'annulation du jugement attaqué, les conclusions tendant à ce qu'il soit sursis à l'exécution de ce jugement sont privées d'objet. Il n'y a dès lors pas lieu d'y statuer.
       Sur les frais liés au litige :
       17. Les dispositions de l'article L. 761-1 font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante au cours de la présente instance, une somme au titre des frais exposés par M. D... et non compris dans les dépens.
D E C I D E :
Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur la requête n° 20PA00787 du préfet de police tendant au sursis à exécution du jugement n° 1925331 du 20 décembre 2019 du tribunal administratif de Paris.
Article 2 : Le jugement n°1925331 du 20 décembre 2019 du tribunal administratif de Paris est annulé.
Article 3 : La demande présentée par M. D... devant le tribunal administratif de Paris est rejetée, ainsi que ses conclusions d'appel tendant à l'application des dispositions combinées de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... G... D... et au ministre de l'intérieur. 
Copie en sera transmise au préfet de police.
Délibéré après l'audience du 3 novembre 2020 à laquelle siégeaient :
- M. C..., premier vice-président,
- M. Bernier, président-assesseur,
- Mme B..., premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 1er décembre 2020.
Le rapporteur,
G. B...Le président,
M. C...Le greffier,
N. DAHMANI
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 20PA00755, 20PA00787										2