Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 6 janvier 2021 et un mémoire enregistré le 14 avril 2021 non communiqué, Mme C..., représentée par Me D..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 2011888 du 3 décembre 2020 du tribunal administratif de Paris ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet de police du 16 juin 2020 ;
3°) d'enjoindre à ce dernier, dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt et sous astreinte de 50 euros par jour de retard, de lui délivrer une carte de séjour mention " vie privée et familiale ", ou, à défaut, dans le même délai et sous la même astreinte, de procéder au réexamen de sa situation ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Mme C... soutient que :
- la décision portant refus de titre de séjour est entachée d'un défaut d'examen de sa situation personnelle ;
- cette décision méconnaît les dispositions du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention internationale de New York relative aux droits de l'enfant ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.
Par un mémoire en défense, enregistré le 30 mars 2021, le préfet de police conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que les moyens de la requête ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Le rapport de Mme A... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme C..., née en 1983 et de nationalité camerounaise, serait entrée en France en 2015. Elle y a sollicité la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du
16 juin 2020, le préfet de police a rejeté sa demande. Mme C... relève appel du jugement du 3 décembre 2020 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
2. Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 6° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France, à la condition qu'il établisse contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins deux ans, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée / Lorsque la filiation est établie à l'égard d'un parent, en application de l'article 316 du code civil, le demandeur, s'il n'est pas l'auteur de la reconnaissance de paternité ou de maternité, justifie que ce dernier contribue effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant, dans les conditions prévues à l'article 371-2 du même code, ou produit une décision de justice relative à la contribution à l'éducation et à l'entretien de l'enfant. Lorsque le lien de filiation est établi mais que la preuve de la contribution n'est pas rapportée ou qu'aucune décision de justice n'est intervenue, le droit au séjour du demandeur s'apprécie au regard du respect de sa vie privée et familiale et au regard de l'intérêt supérieur de l'enfant ; (...) ".".
3. Il résulte de ces dispositions, qui visent à permettre aux parents d'enfants français mineurs de demeurer sur le territoire national pour pourvoir, dans de meilleures conditions, à leur éducation et à leur entretien, que lorsque la carte de séjour temporaire " vie privée et familiale " est demandée par un étranger au motif qu'il est parent d'un enfant français, la délivrance de plein droit de ce titre est subordonnée à la condition, notamment, qu'il établisse contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant depuis la naissance de celui-ci ou au moins depuis deux ans. Il appartient, dès lors, pour l'application de ces dispositions, à l'autorité administrative d'apprécier dans chaque cas sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, au vu de l'ensemble des circonstances de l'espèce et des justifications produites, si le demandeur contribue effectivement à l'entretien et à l'éducation de cet enfant.
4. Pour leur application, seul un doute suffisant sur l'identité, la nationalité du parent français ou le lien de filiation entre ce parent ou l'enfant peut justifier le refus de délivrance du titre de séjour. Il incombe également à l'administration de faire échec à toute fraude commise en vue d'obtenir l'application de ces dispositions de droit public, même dans le cas où cette fraude revêt la forme d'un acte de droit privé, en refusant de faire droit à la demande, s'il est établi de façon certaine lors de l'examen de la demande que l'acte dont se prévaut le demandeur a été dressé dans ce but exclusif.
5. Il ressort en l'espèce des pièces du dossier que, pour refuser la délivrance du titre de séjour sollicité, le préfet de police s'est uniquement fondé sur la circonstance que le père français, qui a reconnu l'enfant, ne justifiait pas contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de sa fille dans les conditions prévues à l'article 371-2 du code civil, sans cependant opposer formellement à la requérante la nullité de l'acte de naissance de sa fille ou la fraude commise par l'intéressée en vue d'obtenir l'application de dispositions de droit public. Il ressort toutefois des pièces du dossier que l'enfant de Mme C..., née le 10 juillet 2018 à Paris, a été reconnue le 17 mai 2018 par M. B..., ressortissant français et que le lien de filiation entre le père déclaré et l'enfant n'est pas contesté. Par l'effet de cette reconnaissance paternelle, la fille de la requérante a ainsi acquis la nationalité française. En outre, il n'est pas allégué ni établi que Mme C... ne résiderait pas avec son enfant depuis sa naissance, en conséquence de quoi elle est ainsi nécessairement présumée depuis lors contribuer à son entretien et son éducation. Par ailleurs, il ressort des pièces versées par la requérante en première instance que le père de l'enfant contribue par le versement régulier de sommes, certes modestes, à l'entretien du bébé. Dès lors, en refusant la délivrance du titre du séjour au motif que Mme C... n'avait pas justifié que le père de sa fille, M. B..., contribuait également à l'entretien et l'éducation de cet enfant, le préfet de police a commis une erreur de droit.
6. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que Mme C... est fondée à soutenir que la décision du préfet de police du 16 juin 2020 portant refus de délivrance d'un titre de séjour méconnait les dispositions précitées du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande d'annulation de cette décision, à demander l'annulation de cette unique décision contenue dans l'arrêté litigieux.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
7. Eu égard au motif d'annulation retenu, le présent arrêt implique qu'il soit enjoint au préfet de police de délivrer à Mme C... un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent jugement. Il n'y a en revanche pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'assortir cette injonction d'une astreinte.
Sur les frais liés à l'instance :
8. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Mme C... de la somme de 1 500 euros au titre des frais liés à l'instance en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D É C I D E :
Article 1er : Le jugement n°2011888 du 3 décembre 2020 du tribunal administratif de Paris est annulé.
Article 2 : L'arrêté du préfet de police du 16 juin 2020 est annulé.
Article 3 : Il est enjoint au préfet de police de délivrer à Mme C... un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent jugement.
Article 4 : L'Etat versera la somme de 1 500 euros à Mme C... sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à Mme E... C... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de police.
Délibéré après l'audience publique du 20 avril 2021 à laquelle siégeaient :
- M. Bernier, président-assesseur, assurant la présidence de la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,
- Mme A..., premier conseiller,
- Mme Mornet, premier conseiller,
Rendu public par mise à disposition au greffe le 4 mai 2021.
Le rapporteur,
M-D. A...Le président de la formation de jugement,
Ch. BERNIER
Le greffier,
E. MOULIN
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
1
N° 08PA04258
2
N° 21PA00054