Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 6 février 2015, Mme G...H...veuveC..., Melle Carole C...et M. E...C..., en qualité d'ayants-droit de M. F... C...représentés par MeD..., demandent à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du Tribunal administratif de Paris du 9 décembre 2014 ;
2°) de rejeter la demande présentée par la société Les Hôtels Baverez devant le Tribunal administratif de Paris ;
3°) de mettre à la charge de la société Les Hôtels Baverez la somme de 3 600 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- les griefs tirés de l'opposition systématique de M. C... à l'encontre des décisions de sa hiérarchie et de la direction générale et des critiques à l'égard de ses collègues de travail ne sont pas démontrés ;
- la mission confiée à la psychologue du travail visait à sanctionner M. C... d'un point de vue disciplinaire ;
- le refus d'exécuter des tâches et de respecter les consignes ou les nouvelles procédures n'est pas justifié ;
- les reproches tirés d'un comportement qui nuirait au bon fonctionnement du service et créerait des conditions de travail difficile, notamment les débordements verbaux, propos insultants et vexatoires à l'encontre de ses collègues ne sont pas davantage établis ;
- le lien avec les mandats syndicaux de M. C... ne peut être exclu alors que cette situation résulte d'un long processus mis en place par l'employeur de M. C... pour le pousser à bout.
Par un mémoire en défense, enregistré le 13 mai 2005, la société Les Hôtels Baverez conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 2 000 euros soit mise à la charge des consorts C...au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la décision de l'inspectrice du travail est insuffisamment motivée en fait ;
- l'enquête diligentée par l'inspection du travail a méconnu le principe du contradictoire ;
- l'ensemble des faits reprochés à M. C... recensés dans la demande de licenciement sont avérés ;
- le licenciement est sans lien avec les mandats de M.C....
Vu :
- les autres pièces du dossier ;
- le code du travail ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Pena, rapporteur,
- les conclusions de Mme Delamarre, rapporteur public,
- et les observations de MeD..., représentant les consortsC..., et de MeA..., représentant la société Les Hôtels Baverez.
1. Considérant que M. C...a été recruté le 15 mars 1980, en qualité de chasseur-voiturier, par la société Hôtel Régina Paris devenue depuis la société Les Hôtels Baverez ; que depuis 1995, il exerçait les fonctions de concierge de jour ainsi que les mandats de délégué du personnel suppléant, délégué syndical et représentant syndical au comité d'établissement et au comité central d'entreprise ; qu'il a été mis à pied et convoqué le 11 juin 2013 à un entretien préalable à son licenciement le 20 juin de la même année ; qu'il a été entendu le 26 juin suivant par le comité d'établissement qui a émis le jour même un avis favorable à son licenciement ; que, le 2 juillet 2013, l'employeur a demandé à l'inspectrice du travail l'autorisation de le licencier en raison de son opposition systématique aux décisions de sa hiérarchie, des critiques à l'égard de ses collègues de travail, de son refus d'exécuter des tâches et de respecter les consignes et de son comportement nuisant au bon fonctionnement du service et créant des conditions de travail difficiles ; que, par une décision du 7 août 2013, l'inspectrice du travail de l'unité territoriale de Paris (section 1B) a décidé, après enquête contradictoire réalisée les 16 et 17 juillet précédent, de refuser l'autorisation de licencier M.C... ; que les consortsC..., à savoir Mme G...H..., Mme B...C...et M. E...C..., respectivement veuve, fille et fils de M. C... décédé le 8 juin 2014, relèvent appel du jugement du 9 décembre 2014 par lequel le Tribunal administratif de Paris a annulé, à la demande de la société Les Hôtels Baverez, la décision de l'inspectrice du travail refusant le licenciement de M.C... ;
Sur la légalité de la décision du 7 août 2013 :
2. Considérant qu'en vertu des dispositions du code du travail, les salariés légalement investis de fonctions représentatives bénéficient, dans l'intérêt de l'ensemble des salariés qu'ils représentent, d'une protection exceptionnelle ; que, lorsque le licenciement d'un de ces salariés est envisagé, ce licenciement ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou l'appartenance syndicale de l'intéressé ; que, dans le cas où la demande de licenciement est motivée par un comportement fautif, il appartient à l'inspecteur du travail, et le cas échéant au ministre, de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si les faits reprochés au salarié sont d'une gravité suffisante pour justifier son licenciement, compte tenu de l'ensemble des règles applicables au contrat de travail de l'intéressé et des exigences propres à l'exécution normale du mandat dont il est investi ;
3. Considérant que le refus opposé par la décision litigieuse à la demande de licenciement de M. C... a été pris aux motifs que l'employeur ne pouvait se fonder sur un règlement intérieur irrégulièrement adopté pour sanctionner un salarié de l'entreprise, que l'existence d'une opposition systématique de ce salarié aux décisions de sa hiérarchie et d'un comportement nuisant au bon fonctionnement du service n'étaient pas établis, que l'employeur n'avait pris aucune mesure pour faire cesser cette situation qui résulte d'une absence d'organisation et de clarté des procédures entre deux services, qu'un tiers extérieur à l'entreprise est intervenu dans le cadre de l'enquête disciplinaire, M. C... ayant été privé de la possibilité d'avoir accès à son rapport et d'en discuter les termes, enfin, que les débordements verbaux reprochés n'étaient pas établis avec certitude et avaient au demeurant déjà été sanctionnés ;
4. Considérant que, pour annuler le refus de licenciement du 7 août 2013, le tribunal a considéré quant à lui, d'une part, que l'existence d'une situation de tension permanente au sein des services conciergerie et réception de l'hôtel Régina imputable à M. C... étant suffisamment établie, ce salarié a été l'auteur d'une faute d'une gravité suffisante de nature à justifier son licenciement, d'autre part, que l'existence d'un lien entre le licenciement et les mandats exercés par l'intéressé n'était pas établie ;
5. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier, qu'en réponse à une demande du secrétaire du conseil du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail du 18 avril 2013, lui-même saisi par des salariés travaillant à l'accueil de l'hôtel Régina, la direction dudit hôtel a commandé une étude de prévention sur les risques psycho-sociaux dans ses services réception et conciergerie dans le courant du mois de mai 2013 ; que cette étude, réalisée par une psychologue du travail extérieure à l'entreprise, visait à recueillir, après la conduite d'entretiens dans les locaux de l'hôtel, le ressenti et les observations de salariés sur leurs conditions de travail ; que si les conclusions de ce rapport font apparaître que, parmi les dix-huit personnes entendues, quelques-unes ont fait part de problèmes relationnels avec M. C..., d'autres ont toutefois évoqué une ambiance de travail plutôt agréable et de bonnes relations avec l'intéressé ; que la lecture de ce rapport fait apparaître que les difficultés relationnelles évoquées proviennent de plusieurs facteurs et de plusieurs personnes mais également de la direction voire d'un manque de moyens matériels ; qu'il y est également et avant tout fait état de clivages entre les " anciens " et les " nouveaux " employés et de méthodes de travail différentes ; qu'en tout état de cause, l'ensemble des témoignages recueillis dans le cadre de cette enquête interne à l'entreprise, outre qu'ils sont anonymes, sont relativement peu circonstanciés en ce qu'ils concernent directement M. C... ; que si un certain nombre de témoignages écrits d'employés de l'hôtel relatant les débordements verbaux de M. C... ou encore traduisant des tensions au cours des réunions syndicales sont également produits au dossier, ceux-ci sont contrebalancés par les nombreuses attestations et divers courriers en faveur de l'intéressé provenant de collègues ou encore de clients de l'hôtel louant tant ses qualités humaines, que son écoute et son professionnalisme ; que, dans ces conditions, et quand bien même le comportement de M. C... n'aurait pas toujours été exempt de tout reproche, les faits qui lui sont imputés, dont tous ne sont au demeurant pas établis avec certitude, ne revêtent pas le caractère d'une faute d'une gravité suffisante pour permettre de justifier le licenciement d'un salarié protégé ; qu'ainsi, et alors même que la décision contestée est dépourvue de lien avec les mandats exercés par l'intéressé, les consorts C...sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué du
9 décembre 2014, le Tribunal administratif de Paris a annulé la décision de l'inspectrice du travail refusant le licenciement de M. C... ;
6. Considérant, toutefois, qu'il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par la société Les Hôtels Baverez à l'encontre de la décision du 7 août 2013 ;
7. Considérant, en premier lieu, que la décision attaquée comporte, dans ses motifs, tous les éléments de faits tels que rappelés au point 3 du présent arrêt, sur lesquels elle se fonde ; que le moyen tiré de son absence de motivation en fait ne saurait, dès lors, être retenu ;
8. Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article R. 2421-4 du code du travail : " L'inspecteur du travail procède à une enquête contradictoire au cours de laquelle le salarié peut, sur sa demande, se faire assister d'un représentant de son syndicat " ; que la société Les Hôtels Baverez soutient que le principe du contradictoire a été méconnu dès lors que les salariés du service " réception et conciergerie ", les membres des institutions représentatives du personnel, malgré leur demande, et le médecin du travail n'ont pas été entendus ; que toutefois, outre la circonstance que les dispositions invoquées visent à mettre l'employeur et le salarié à même de prendre connaissance de l'ensemble des éléments déterminants recueillis par l'autorité administrative et n'ont ni pour objet, ni pour effet de l'obliger à entendre l'ensemble des salariés cités par une partie, il ressort des pièces du dossier, et notamment des visas de la décision attaquée, que tous les salariés des services concernés qui le souhaitaient ont pu témoigner lors de l'enquête qui s'est déroulée dans les locaux de l'hôtel les 16 et 17 juillet 2013 ; qu'il y a lieu, par suite, d'écarter le moyen soulevé ;
9. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que les consorts C...sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a annulé la décision de l'inspecteur du travail du 7 août 2013 refusant d'autoriser le licenciement de M. C... ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
10. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge des consortsC..., qui ne sont pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que la société Les Hôtels Baverez demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société Les Hôtels Baverez la somme de 3 000 euros au titre de ces mêmes frais ;
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement du 9 décembre 2014 du tribunal administratif de Paris est annulé.
Article 2 : La demande présentée par la société Les Hôtels Baverez devant le Tribunal administratif de Paris ainsi que les conclusions qu'elle a présentées devant la Cour sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : La société Les Hôtels Baverez versera aux consorts C...la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme G...H...veuveC..., à Melle CaroleC..., à M. E...C..., à la société Les Hôtels Baverez et au ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social.
Délibéré après l'audience du 17 novembre 2016, à laquelle siégeaient :
- M. Bouleau, premier vice-président,
- Mme Julliard, premier conseiller
- Mme Pena, premier conseiller,
Lu en audience publique, le 8 décembre 2016.
Le rapporteur,
E. PENALe président,
M. BOULEAU
Le greffier,
E. MOULIN
La République mande et ordonne au ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 10PA03855
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N° 15PA00577