Par une requête, enregistrée le 6 février 2015, Mme F...G...veuveB..., Melle Carole B...et M. D...B..., venant aux droits de M. E... B...représentés par MeC..., demandent à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du Tribunal administratif de Paris du 9 décembre 2014 en ce qu'il a rejeté le recours de M. B...contre les conclusions du médecin du travail du 22 août 2013 ;
2°) de faire droit à l'intégralité de ses conclusions de première instance ;
3°) de mettre à la charge la société les Hôtels Baverez la somme de 3 600 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- les conclusions du médecin du travail du 22 août 2013 sont susceptibles de modifier sa situation juridique et constituent ainsi une décision faisant grief ;
- l'initiative de l'employeur de le faire examiner par le médecin du travail visait à contourner son obligation de lui laisser reprendre ses fonctions ;
- les dispositions de l'article L. 1226-2 et suivants du code du travail ont été méconnues ;
- le médecin du travail n'a pas prescrit d'examens complémentaires comme le permet l'article R. 4624-25 du code du travail ;
- aucune explication ne lui a été donnée sur les conclusions querellées ;
- le médecin du travail était de parti pris ;
- l'employeur a cherché à le pousser à bout au moins depuis 2001 ;
- les conclusions du médecin inspecteur régional du travail contredisent celles du médecin du travail.
Par un mémoire en défense, enregistré le 26 juin 2015, la société Les Hôtels Baverez conclut au rejet de la requête, à titre incident, à l'annulation du jugement en ce qu'il a annulé la décision implicite de l'inspecteur du travail prise sur recours ainsi que celle du ministre du travail prise sur recours hiérarchique, et à ce que la somme de 1 500 euros soit mise à la charge des consorts B...au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le recours effectué à l'encontre de l'avis d'inaptitude est irrecevable ;
- aucun des moyens soulevé à l'encontre des décisions implicites de l'inspecteur du travail et du ministre du travail n'est fondé.
Vu :
- les autres pièces du dossier ;
- le code du travail ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Pena, rapporteur,
- les conclusions de Mme Delamarre, rapporteur public,
- et les observations de MeC..., représentant les consortsB..., et de MeA..., représentant la société Les Hôtels Baverez.
1. Considérant que M. B...a été recruté le 15 mars 1980, en qualité de chasseur-voiturier, par la société Hôtel Régina Paris devenue depuis la société Les Hôtels Baverez ; que depuis 1995, il exerçait les fonctions de concierge de jour ainsi que les mandats de délégué du personnel suppléant, délégué syndical et représentant syndical au comité d'établissement et au comité central d'entreprise ; qu'il a été mis à pied et convoqué le 11 juin 2013 à un entretien préalable à son licenciement le 20 juin de la même année ; qu'il a été entendu le 26 juin suivant par le comité d'établissement qui a émis le jour même un avis favorable à son licenciement ; que, le 2 juillet 2013, l'employeur a demandé à l'inspectrice du travail l'autorisation de le licencier en raison de son opposition systématique aux décisions de sa hiérarchie, des critiques à l'égard de ses collègues de travail, de son refus d'exécuter des tâches et de respecter les consignes et de son comportement nuisant au bon fonctionnement du service et créant des conditions de travail difficiles ; que, par une décision du 7 août 2013, l'inspectrice du travail de l'unité territoriale de Paris (section 1B) a décidé, après enquête contradictoire réalisée les 16 et 17 juillet précédent, de refuser l'autorisation de licencier M. B... ; que dispensé de toute activité par lettre du 8 août 2013, le médecin du travail l'a examiné le 22 août 2013 à la demande l'hôtel Régina ; qu'il a alors été déclaré définitivement inapte au poste de concierge mais apte à un poste sans contact avec les autres salariés ; que cet avis d'inaptitude a fait l'objet d'un recours de M. B...auprès de l'inspectrice du travail puis du ministre du travail qui a été implicitement rejeté, le médecin inspecteur régional du travail ayant conclu, dans un avis du 7 novembre 2013, à l'aptitude de M. B... " avec une organisation du travail clarifiée entre le service de la conciergerie et le service de la réception " ; que M. B... a demandé au Tribunal administratif de Paris l'annulation des conclusions du médecin du travail du 22 août 2013 et des décisions implicites de rejet de l'inspecteur du travail et du ministre du travail ; que, par jugement du 9 décembre 2014, ledit tribunal a annulé les deux décisions implicites rejetant le recours de M. B...contre les conclusions de M. B... du 22 août 2013 et a rejeté le surplus des conclusions de la requête ; que les ayants-droit de M.B..., décédé le 8 juin 2014, demandent l'annulation de ce jugement en tant qu'il a rejeté le recours de M. B... formé à l'encontre des conclusions du médecin du travail le 22 août 2013 ; que de son côté, la société Les Hôtels Baverez conclut au rejet de la requête et, à titre incident, à l'annulation du jugement en ce qu'il a annulé la décision implicite de l'inspecteur du travail prise sur recours ainsi que celle du ministre du travail prise sur recours hiérarchique ;
Sur l'appel principal :
2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 4624-1 du code du travail : " Le médecin du travail est habilité à proposer des mesures individuelles telles que mutations ou transformations de postes, justifiées par des considérations relatives notamment à l'âge, à la résistance physique ou à l'état de santé physique et mentale des travailleurs./ L'employeur est tenu de prendre en considération ces propositions et, en cas de refus, de faire connaître les motifs qui s'opposent à ce qu'il y soit donné suite./ En cas de difficulté ou de désaccord, l'employeur ou le salarié peut exercer un recours devant l'inspecteur du travail. Ce dernier prend sa décision après avis du médecin inspecteur du travail " ;
3. Considérant que l'avis du médecin du travail ne peut faire l'objet, tant de la part de l'employeur que de la part du salarié, que d'un recours administratif devant l'inspecteur du travail ; que c'est ainsi à bon droit que les premiers juges ont rejeté comme irrecevables les conclusions présentées par M. B...à l'encontre des conclusions du médecin du travail du 22 août 2013 le déclarant définitivement inapte au poste de concierge, lesquelles ne constituent pas une décision faisant grief ;
Sur l'appel incident :
4. Considérant qu'aux termes de l'article R. 4624-17 du code du travail : " Indépendamment des examens périodiques, le salarié bénéficie d'un examen par le médecin du travail à la demande de l'employeur ou à sa demande (...) " ; qu'aux termes de l'article
R. 4624-31 du même code : " Le médecin du travail ne peut constater l'inaptitude médicale du salarié à son poste de travail que s'il a réalisé : 1° Une étude de ce poste ; 2° Une étude des conditions de travail dans l'entreprise ; 3° Deux examens médicaux de l'intéressé espacés de deux semaines, accompagnés, le cas échéant, des examens complémentaires./ Lorsque le maintien du salarié à son poste de travail entraîne un danger immédiat pour sa santé ou sa sécurité ou celles des tiers ou lorsqu'un examen de préreprise a eu lieu dans un délai de trente jours au plus, l'avis d'inaptitude médicale peut être délivré en un seul examen " ;
5. Considérant que si, dans ses conclusions du 22 août 2013, le médecin du travail a déclaré M. B... définitivement inapte au poste de concierge en indiquant qu'il serait apte à un poste sans contact avec les autres salariés, il ressort néanmoins des pièces du dossier que, dans un avis postérieur du 7 novembre 2013 adopté dans le cadre de l'instruction du recours de M. B... auprès de l'inspecteur du travail, ce même médecin a estimé que le salarié était apte au travail, avec une organisation clarifiée entre le service de la conciergerie et celui de la réception ; que, dans ces conditions, l'inspecteur et le ministre du travail ne pouvaient, sans commettre d'erreur manifeste d'appréciation, confirmer une inaptitude définitive de M. B...à tout poste le mettant en contact avec d'autres salariés ; que la société Les Hôtels Baverez n'est par suite pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a annulé les deux décisions implicites de rejet de l'inspecteur du travail et du ministre du travail ;
Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
6. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de laisser à chacune des parties en litige la charge de ses propres frais de procédure ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête des consorts B...et l'appel incident de la société Les Hôtels Baverez sont rejetés.
Article 2 : Les conclusions présentées par la société Les Hôtels Baverez sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme F...G...veuveB..., à Melle CaroleB..., à M. D...B..., à la société Les Hôtels Baverez et au ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social.
Délibéré après l'audience du 17 novembre 2016, à laquelle siégeaient :
- M. Bouleau, premier vice-président,
- Mme Julliard, premier conseiller
- Mme Pena, premier conseiller,
Lu en audience publique, le 8 décembre 2016.
Le rapporteur,
E. PENALe président,
M. BOULEAU
Le greffier,
E. MOULIN
La République mande et ordonne au ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
5
N° 10PA03855
2
N° 15PA00579