Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 6 mai 2015, la société Sanna, représentée par Me F..., demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du 4 mars 2015 du Tribunal administratif de Paris ;
2°) d'annuler la décision du 6 mars 2014 par laquelle le directeur général de l'OFII a mis à sa charge une contribution spéciale pour l'emploi d'un salarié étranger sans autorisation de travail et dépourvu de titre de séjour ;
3°) de mettre à la charge de l'OFII le versement de la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la décision contestée du 6 mars 2014 méconnaît l'autorité de la chose jugée dès lors que le Tribunal de Grande instance de Paris a prononcé la relaxe de la société et de son gérant, du chef d'emploi d'étranger, par un jugement du 10 janvier 2013 dont le ministère public n'a pas relevé appel ;
- l'URSSAF a également abandonné les redressements qu'elle avait notifiés et s'est désistée de son action devant le Tribunal des affaires de sécurité sociale ;
- la matérialité des faits ne saurait être regardée comme établie dès lors que M. E...n'a pas été découvert en action de travail, que le tribunal administratif a retenu pour responsable du restaurant un simple employé et que les opérations de contrôle se sont déroulées en dehors de la présence de son gérant, M.D..., qui conteste formellement avoir embauché M.E....
Par un mémoire en défense, enregistré le 11 avril 2016, l'Office français de l'immigration et de l'intégration conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code du travail ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Julliard,
- et les conclusions de Mme Delamarre, rapporteur public.
1. Considérant qu'à l'issue d'un contrôle effectué le 19 septembre 2012 dans le restaurant Sanna, situé 78 rue Miromesnil à Paris et géré par M. C...D..., les services de l'URSSAF et de la police ont constaté que cette société employait M. E...H..., de nationalité pakistanaise, dépourvu de titre l'autorisant à exercer une activité salariée en France ; que par une décision en date du 6 mars 2014, l'OFII a mis à la charge de cette société la contribution spéciale pour l'emploi d'un salarié étranger sans autorisation de travail et dépourvu de titre de séjour prévue par l'article L. 8253-2 du code du travail et dont le taux est fixé à l'article R. 8253-2 du même code et un titre de recette a été émis le 21 mars suivant d'un montant de 17 450 euros ; que la société Sanna relève appel du jugement du 4 mars 2015 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 6 mars 2014 du directeur général de l'OFII ;
Sur le bien-fondé de l'application de la contribution spéciale :
2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 8251-1 du code du travail : " Nul ne peut, directement ou indirectement, embaucher, conserver à son service ou employer pour quelque durée que ce soit un étranger non muni du titre l'autorisant à exercer une activité salariée en France. (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 8253-1 de ce code dans sa rédaction en vigueur à la date de la décision litigieuse : " Sans préjudice des poursuites judiciaires pouvant être intentées à son encontre, l'employeur qui a employé un travailleur étranger en méconnaissance des dispositions du premier alinéa de l'article L. 8251-1 acquitte, pour chaque travailleur étranger sans titre de travail, une contribution spéciale. Le montant de cette contribution spéciale est déterminé dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat. (...) " ; que l'article
R. 8253-1 du même code dispose que : " La contribution spéciale prévue par l'article L. 8253-1 est due pour chaque étranger employé en méconnaissance des dispositions du premier alinéa de l'article L. 8251-1. " ;
3. Considérant que si les faits constatés par le juge pénal et qui commandent nécessairement le dispositif d'un jugement ayant acquis force de chose jugée s'imposent à l'administration comme au juge administratif, la même autorité ne saurait s'attacher aux motifs d'un jugement de relaxe tirés de ce que les faits reprochés ne sont pas établis ou de ce qu'un doute subsiste sur leur réalité ; qu'il appartient, dans ce cas, à l'autorité administrative d'apprécier si les mêmes faits sont suffisamment établis et, dans l'affirmative, s'ils justifient l'application d'une sanction administrative ;
4. Considérant que la société Sanna soutient que l'administration a violé l'autorité de la chose jugée au pénal qui s'attache au jugement définitif du 10 janvier 2013 du Tribunal de grande instance de Paris statuant en matière correctionnelle et prononçant la relaxe de la société et de son gérant des faits qualifiés d'exécution d'un travail dissimulé, au motif que l'enquête n'avait pas permis de mettre à jour les éléments caractéristiques des infractions reprochées à
M. C...D... et qu'il n'était notamment pas démontré qu'il était à l'origine de l'embauche de M. E...H... ; qu'il ressort des pièces du dossier et n'est pas contesté que
M. E...H...était, au moment du contrôle le 19 septembre 2012, dépourvu d'un titre de séjour l'autorisant à travailler et n'avait pas fait l'objet d'une déclaration préalable à l'embauche ; qu'il ressort également des pièces du dossier, en particulier des procès-verbaux dressés par les services de police des déclarations des employés présents sur les lieux du contrôle, que M. E...H...avait commencé à travailler dans le restaurant depuis la veille en qualité d'aide cuisinier-plongeur ; que ce fait a été corroboré par l'intéressé lui-même et par deux autres employés du restaurant, M. G...et M.B..., dans leurs déclarations aux services de police ; qu'ainsi et nonobstant les dénégations de M. C...D... concernant le recrutement de M. E...H... et la circonstance que ce dernier n'était pas en situation de travail au moment du contrôle, le fait d'emploi d'un étranger non muni du titre l'autorisant à exercer une activité salariée en France doit être regardé comme établi ;
5. Considérant que la circonstance que l'URSSAF ait abandonné les redressements qu'elle avait notifiés et se soit désistée de son action devant le Tribunal des affaires de sécurité sociale ne fait pas obstacle au maintien de la contribution spéciale pour l'emploi, mise à la charge de la société appelante par l'OFII ;
6. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la société Sanna n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande ; que, par voie de conséquence, ses conclusions présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la société Sanna est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société Sanna et à l'Office français de l'immigration et de l'intégration.
Délibéré après l'audience du 17 novembre 2016, à laquelle siégeaient :
- M. Bouleau, premier vice-président,
- Mme Julliard, première conseillère,
- MmeA..., première conseillère,
Lu en audience publique, le 8 décembre 2016.
La rapporteure,
M. JULLIARDLe président,
M. BOULEAU
Le greffier,
E. MOULIN
La République mande et ordonne au ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 10PA03855
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N° 15PA01829