Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 5 juin 2015, M. B...demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1427001 du 2 avril 2015 du Tribunal administratif de Paris ;
2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du 21 août 2014 du ministre de l'intérieur prononçant à son encontre une exclusion temporaire de fonctions pour une durée de huit jours avec sursis ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 8 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- l'arrêté contesté a été pris à l'issue d'une procédure irrégulière dès lors que l'enquête administrative a été confiée à un fonctionnaire qui avait été auditionné par l'inspection générale des services dans le cadre de la plainte pour harcèlement moral qu'il avait déposée en juillet 2006 ; que la procédure disciplinaire est, à ce titre, entachée d'un défaut d'impartialité ;
- c'est sur ordre de son supérieur hiérarchique qu'il a supprimé en août 2008 des fichiers des missions de surveillance, comme l'a d'ailleurs relevé le tribunal sans toutefois en tirer de conséquences sur la légalité de l'arrêté contesté ;
- il a ensuite refusé d'exécuter l'ordre tendant à la remise en place de ces fichiers car cet ordre était manifestement illégal et de nature à compromettre gravement un intérêt public ; cet ordre était manifestement constitutif d'un abus d'autorité, dès lors que cette tâche ne relevait pas de ses fonctions et que les fichiers à reconstituer étaient toujours accessibles ;
- il a transmis un échantillon de photographies à l'inspection générale des services afin de pouvoir utilement se défendre dans le cadre de la procédure disciplinaire ; les photographies litigieuses n'ont donc jamais été diffusées en dehors de l'institution policière ;
- la sanction dont il fait l'objet est disproportionnée au regard de la nature et de la gravité des faits reprochés ;
- le tribunal n'a pas pris en compte la circonstance que la sanction faisait suite à l'arrêté du 14 avril 2010 qui était fondé sur les mêmes faits et qui a été annulé par un jugement du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise du 30 mai 2012, devenu définitif ; il a ainsi déjà exécuté une sanction de déplacement d'office pendant plus de deux ans.
Par un mémoire en défense, enregistré le 12 septembre 2016, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;
- le décret n° 84-961 du 25 octobre 1984 ;
- le décret n° 86-592 du 18 mars 1986 ;
- le décret n° 95-654 du 9 mai 1995 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Larsonnier,
- les conclusions de M. Lemaire, rapporteur public.
1. Considérant que M.B..., titulaire du grade de gardien de la paix depuis le
1er janvier 2000, a été affecté, à compter du 28 février 2006, sur un emploi d'archiviste au sein de l'unité photos-vidéos de la direction opérationnelle des services techniques et logistiques de la préfecture de police ; que, par un arrêté du 14 avril 2010 du ministre de l'intérieur, l'intéressé a été déplacé d'office par mesure disciplinaire, et affecté à la circonscription de sécurité publique de Sarcelles ; que, par un jugement du 30 mai 2012, devenu définitif, le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a annulé cet arrêté pour vice de procédure et M. B...a été réintégré à la direction opérationnelle des services techniques et logistiques de la préfecture de police à compter du 3 mai 2010 ; que, par un arrêté du 21 août 2014, le ministre de l'intérieur a exclu temporairement M. B...de ses fonctions pour une durée de huit jours avec sursis ; que
M. B...fait appel du jugement du 2 avril 2015 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté ;
Sur la légalité externe de l'arrêté du 21 août 2014 :
2. Considérant, d'une part, que la circonstance que l'enquête administrative a été confiée à l'un des supérieurs hiérarchiques de M. B...contre lequel ce dernier avait déposé plainte auprès de l'inspection générale des services pour harcèlement en juillet 2006 ainsi qu'au moment des faits en litige n'est pas, par elle-même, de nature à établir, alors qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que ce supérieur hiérarchique aurait manifesté une animosité particulière à l'égard de M.B..., qu'il aurait fait preuve de partialité à son égard ; que, d'autre part, si le requérant soutient que l'administration a volontairement omis de prendre en considération certains éléments et qu'il a été privé de son poste de travail, et en particulier de son ordinateur professionnel, dès le 4 septembre 2008 afin de l'empêcher de préparer sa défense, il ne ressort pas des pièces du dossier que la procédure à l'issue de laquelle a été prise l'arrêté contesté n'aurait pas été menée de manière impartiale ;
Sur la légalité interne de l'arrêté du 21 août 2014 :
3. Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article 28 de la loi du 13 juillet 1983 susvisée : " Tout fonctionnaire, quel que soit son rang dans la hiérarchie, est responsable de l'exécution des tâches qui lui sont confiées. Il doit se conformer aux instructions de son supérieur hiérarchique, sauf dans le cas où l'ordre donné est manifestement illégal et de nature à compromettre gravement un intérêt public. " ; qu'aux termes de l'article 17 du décret du
18 mars 1986 portant code de déontologie de la police nationale : " Le subordonné est tenu de se conformer aux instructions de l'autorité, sauf dans le cas où l'ordre donné est manifestement illégal et de nature à compromettre gravement un intérêt public. Si le subordonné croit se trouver en présence d'un tel ordre, il a le devoir de faire part de ses objections à l'autorité qui l'a donné, en indiquant expressément la signification illégale qu'il attache à l'ordre litigieux. / Si l'ordre est maintenu et si, malgré les explications ou l'interprétation qui lui en ont été données, le subordonné persiste dans sa contestation, il en réfère à la première autorité supérieure qu'il a la possibilité de joindre. Il doit être pris acte de son opposition. / Tout refus d'exécuter un ordre qui ne répondrait pas aux conditions ci-dessus engage la responsabilité de l'intéressé " ;
4. Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article 29 de la loi du 13 juillet 1983 susvisée : " Toute faute commise par un fonctionnaire dans l'exercice ou à l'occasion de ses fonctions l'expose à une sanction disciplinaire (...) " ; qu'aux termes de l'article 66 de la loi du 11 janvier 1984 susvisée : " Les sanctions disciplinaires sont réparties en quatre groupes. Premier groupe : - l'avertissement ; - le blâme. Deuxième groupe : - la radiation du tableau d'avancement ; - l'abaissement d'échelon ; - l'exclusion temporaire de fonctions pour une durée maximale de quinze jours ; - le déplacement d'office. (...) L'exclusion temporaire de fonctions, qui est privative de toute rémunération, peut être assortie d'un sursis total ou partiel. (...) L'intervention d'une sanction disciplinaire du deuxième ou troisième groupe pendant une période de cinq ans après le prononcé de l'exclusion temporaire entraîne la révocation du sursis. En revanche, si aucune sanction disciplinaire, autre que l'avertissement ou le blâme, n'a été prononcée durant cette même période à l'encontre de l'intéressé, ce dernier est dispensé définitivement de l'accomplissement de la partie de la sanction pour laquelle il a bénéficié du sursis " ; qu'il appartient au juge de l'excès de pouvoir, saisi de moyens en ce sens, de rechercher si les faits reprochés à un agent public ayant fait l'objet d'une sanction disciplinaire constituent des fautes de nature à justifier une sanction et si la sanction retenue est proportionnée à la gravité de ces fautes ;
5. Considérant que, pour prononcer à l'encontre de M. B...la sanction d'exclusion temporaire de ses fonctions pour une durée de huit jours avec sursis, le ministre de l'intérieur s'est fondé sur les motifs tirés de ce que l'intéressé avait " refusé d'exécuter des instructions hiérarchiques, lesquelles n'étaient pas manifestement illégales et de nature à compromettre gravement un intérêt public, tendant à l'archivage et la sauvegarde sur une base de données numériques d'images extraites de fichiers photographiques ", qu'il avait, " contrairement aux instructions reçues, procédé, de sa propre initiative, sans en informer sa hiérarchie, à la destruction des clichés ", qu'il avait également " sans autorisation hiérarchique, diffusé des photographies à caractère professionnel et confidentiel à l'extérieur de son service " et que, dans ces circonstances, il avait " manqué à ses obligations statutaires et déontologiques, notamment d'obéissance hiérarchique, de réserve et de discrétion professionnelle " ;
6. Considérant, en premier lieu, qu'il ressort des pièces du dossier, en particulier de l'échange de courriels du 1er août 2008 entre M. B...et M.A..., un de ses supérieurs hiérarchiques, que le retrait des fichiers du support de stockage de la direction effectué par le requérant entre le 1er août et le 4 septembre 2008, date à laquelle un autre de ses supérieurs hiérarchiques lui a ordonné de remettre en place ces fichiers, a été exécuté sur instructions de
M.A..., qui a en outre validé le travail du requérant par un courriel du même jour portant la mention " ok " ; que le seul procès-verbal de l'audition de M. A...ne permet pas, en l'absence de toutes autres pièces versées au dossier, d'établir que M. B...aurait, avant les instructions qui lui ont été données le 1er août 2008, procéder de sa propre initiative à la suppression de fichiers de photographies, ni qu'il aurait retiré un nombre plus important de documents que ceux évoqués dans les instructions reçues le 1er août 2008 et n'aurait pas créé de fichier texte comme il lui avait été demandé de le faire ; que, par suite, les faits reprochés à M. B...ne sont pas établis ;
7. Considérant, en deuxième lieu, qu'à l'issue d'une réunion de service portant sur les conditions de conservation des photographies présentant des personnes identifiables, le brigadier major B, adjoint au chef de l'unité photos-vidéos, a par courriel du 3 septembre 2008, demandé à M. B...de remettre en place les fichiers supprimés du serveur concernant les missions de surveillance ou de manifestations et l'a informé que la Commission Nationale de l'Informatique et des Libertés avait indiqué qu'une simple déclaration de la base de données " photo Haute Définition " était nécessaire, dès lors que cette base avait pour finalité de conserver des fichiers dans un seul but de mémoire du 20ème et du 21ème siècles ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que cet ordre était manifestement illégal et de nature à compromettre gravement un intérêt public ; que M. B...a néanmoins refusé d'exécuter ce dernier, confirmé pourtant par le brigadier major G, chef de l'unité photo-vidéos ; que le refus réitéré d'exécuter les ordres de ses supérieurs hiérarchiques, admis par l'intéressé, est constitutif d'une faute justifiant le prononcé d'une sanction ; que le ministre de l'intérieur pouvait légalement, pour ce seul motif, prendre une mesure de sanction à l'encontre de M.B... ;
8. Considérant, en troisième lieu, que l'annulation par le jugement du 30 mai 2012 du Tribunal administratif de Cergy Pontoise de l'arrêté du 14 avril 2010 du ministre de l'intérieur déplaçant d'office M. B...fait obstacle, en tout état de cause, à ce que ce dernier puisse utilement soutenir que les mêmes faits auraient été sanctionnés deux fois ;
9. Considérant, en quatrième lieu, que contrairement à ce que soutient M.B..., il ressort des termes de l'arrêté contesté que le motif tiré de la suppression des fichiers de photographies ne constitue pas le motif principal de la sanction litigieuse ; qu'en revanche, comme il a déjà été dit au point 8, le seul motif tenant au refus réitéré de M. B...de ne pas exécuter les ordres de sa hiérarchie était suffisant pour justifier le prononcé d'une sanction ;
10. Considérant, enfin, que compte tenu du caractère répété du refus de M. B...de déférer à un ordre émanant de deux de ses supérieurs hiérarchiques, la sanction d'exclusion temporaire de fonctions pour une durée de huit jours avec sursis n'est pas disproportionnée ; que le requérant ne peut utilement invoquer à cet égard la révocation du sursis assortissant une précédente sanction portant exclusion temporaire de fonctions d'une durée de quinze jours, prononcée par un arrêté du 29 octobre 2012 du ministre de l'intérieur et fondée sur des faits différents ;
11. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. B...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande ; que, par voie de conséquence, ses conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. B...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C...B...et au ministre de l'intérieur.
Délibéré après l'audience du 24 novembre 2016, à laquelle siégeaient :
- M. Formery , président de chambre,
- Mme Coiffet, président assesseur,
- Mme Larsonnier, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 8 décembre 2016.
Le rapporteur,
V. LARSONNIERLe président,
S.-L. FORMERY Le greffier,
S. JUSTINE La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 15PA02276