Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 11 mai 2015, M.C..., représenté par MeB..., demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1418796/5-3 du 18 février 2015 du Tribunal administratif de Paris ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet de police du 17 octobre 2013 lui refusant la délivrance d'un titre de séjour, l'obligeant à quitter le territoire français et fixant son pays de destination ;
3°) d'enjoindre au préfet de police de procéder au réexamen de sa situation et de lui délivrer un titre de séjour dans un délai d'un mois, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;
Il soutient que :
- la décision portant refus de titre de séjour n'est pas suffisamment motivée ;
- le préfet n'a pas saisi la commission du titre de séjour alors qu'il justifie d'une résidence continue en France supérieure à dix années ;
- la décision méconnait les dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le préfet a commis une erreur manifeste d'appréciation ;
- la décision méconnait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la décision portant fixation du pays de destination n'a pas été soumise au contradictoire ;
- la décision méconnait les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
La requête a été communiquée au préfet de police, qui n'a pas présenté de mémoire en défense.
M. C...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal de grande instance de Paris du 16 avril 2015.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de justice administrative.
Vu la décision du président de la formation de jugement de dispenser le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Julliard a été entendu au cours de l'audience publique.
1. Considérant que M.C..., ressortissant sénégalais né le 4 juin 1974, a sollicité auprès de la préfecture de police son admission au séjour sur le fondement du 11° de l'article
L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ainsi que son admission exceptionnelle au séjour sur le fondement des dispositions de l'article L. 313-14 du même code ; que, par un arrêté du 17 octobre 2013, le préfet de police a opposé un refus à sa demande et l'a assorti d'une obligation de quitter le territoire français en fixant le pays de destination ; que M. C...relève appel du jugement en date du 18 février 2015 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation dudit arrêté ;
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
Sur la décision portant refus de titre de séjour :
2. Considérant que l'arrêté attaqué, qui vise les articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, en particulier son article L. 511-1, précise l'identité, la date et le lieu de naissance de l'intéressé ainsi que sa situation administrative et le fondement de sa demande de délivrance de titre de séjour ; qu'il indique que M. C...nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité mais qu'il peut bénéficier d'un traitement ainsi que d'un suivi médical approprié dans son pays d'origine ; que le préfet mentionne également les raisons pour lesquelles M. C...ne saurait bénéficier d'un titre de séjour sur le fondement des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; qu'il ajoute que l'intéressé, marié, est sans charge de famille en France et que son épouse, ses trois enfants et ses parents résident toujours au Sénégal ; qu'ainsi, la décision attaquée comporte les considérations de fait et de droit sur lesquelles elle se fonde et est suffisamment motivée ;
3. Considérant qu'aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée au 1° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 311-7. / L'autorité administrative est tenue de soumettre pour avis à la commission mentionnée à l'article L. 312-1 la demande d'admission exceptionnelle au séjour formée par l'étranger qui justifie par tout moyen résider en France habituellement depuis plus de dix ans. / [...] " ;
4. Considérant, d'une part, que si M. C...soutient résider en France de façon ininterrompue depuis le 24 novembre 2001, date de son entrée sur le territoire selon ses déclarations, soit depuis plus de dix ans à la date de la décision litigieuse, il ne produit, pour les années 2004 et 2005, qu'un résultat d'analyses médicales ainsi qu'une facture de l'Assistance publique-hôpitaux de Paris ; qu'à compter de 2006, les documents produits par M. C...se résument essentiellement en des documents médicaux, des factures manuscrites, des attestations de présence à des cours d'alphabétisation ainsi que des avis d'imposition sur le revenu ne mentionnant aucun revenu ; que, dans ces conditions, la présence habituelle et continue en France de M. C...depuis plus de dix ans ne peut être regardée comme établie ; que, par suite, le moyen tiré de ce que le préfet de police aurait dû saisir la commission du titre de séjour doit être écarté ;
5. Considérant, d'autre part, que M.C..., qui se borne à faire état des dix années qu'il a passées en France, ne se prévaut d'aucun motif exceptionnel ou raison humanitaire au sens des dispositions précitées de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; qu'en tout état de cause, et ainsi qu'il a été dit au point précédent, le caractère continu et habituel de la présence en France de l'intéressé n'est pas établi ; que, par suite, il y a lieu d'écarter le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
6. Considérant qu'aux termes des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ;
7. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. C...est sans charge de famille en France alors que son épouse, ses trois enfants ainsi que ses parents résident toujours au Sénégal où il a lui-même vécu jusqu'à l'âge de 27 ans ; que nonobstant la durée alléguée de sa présence sur le territoire français, il ne se prévaut d'aucune insertion particulière ; que, par suite, la décision contestée n'a pas porté au droit de M. C...au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise, et n'a pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Sur la décision fixant le pays de destination :
8. Considérant que les dispositions de l'article 24 de la loi du 12 avril 2000, reprises aux articles L. 121-1 et L. 121-2 du code des relations entre le public et l'administration disposent que : " Exception faite des cas où il est statué sur une demande, les décisions individuelles qui doivent être motivées en application des articles 1er et 2 de la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public n'interviennent qu'après que la personne intéressée a été mise à même de présenter des observations écrites et, le cas échéant, sur sa demande, des observations orales. (...) - Les dispositions de l'alinéa précédent ne sont pas applicables : - (...) 3º Aux décisions pour lesquelles des dispositions législatives ont instauré une procédure contradictoire particulière (...) " ;
9. Considérant que si M. C...soutient que les dispositions précitées ont été méconnues par le préfet de police, qui ne l'a pas invité à présenter ses observations avant de prendre à son encontre la décision fixant le pays de destination, le législateur a, par les dispositions de l'article L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, entendu déterminer l'ensemble des règles de procédures administrative et contentieuse auxquelles sont soumises les décisions portant obligation de quitter le territoire français, ainsi que les décisions qui l'accompagnent, telle la décision mentionnant le pays de destination ; qu'il suit de là que le moyen tiré de la méconnaissance de ces dispositions est inopérant et doit être écarté ;
10. Considérant qu'aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants." ;
11. Considérant que pour soutenir que la décision fixant le pays de destination méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, M. C...se prévaut du caractère ancien de son séjour en France ; que, toutefois, cette circonstance, à la supposer établie, n'est pas de nature à établir qu'il encourrait des risques de traitements inhumains ou dégradants en cas de retour dans son pays d'origine ; que, par suite, le moyen ne peut qu'être écarté ;
12. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. C...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande ; que, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles présentées sur le fondement de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ne peuvent qu'être rejetées ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. C...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. D...C...et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet de police.
Délibéré après l'audience du 17 novembre 2016, à laquelle siégeaient :
- M. Bouleau, premier vice-président,
- Mme Julliard, première conseillère,
- MmeA..., première conseillère,
Lu en audience publique, le 8 décembre 2016.
La rapporteure,
M. JULLIARDLe président,
M. BOULEAU
Le greffier,
E. MOULIN
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
5
N° 10PA03855
2
N° 15PA01876