Par une requête et un mémoire en réplique enregistrés les 13 janvier 2021 et
31 décembre 2021, M. B... représenté par Me Philippot, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du 12 novembre 2020 du Tribunal administratif de Paris ;
2°) d'annuler la délibération n° 2018-53 du 18 octobre 2018 du collège de l'AFLD ;
3°) de mettre à la charge de l'AFLD la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la délibération litigieuse, en tant qu'elle est signée par la présidente de l'AFLD, est entachée d'incompétence ; elle n'est signée par aucun membre du collège de l'AFLD ;
- le décret du président de la République du 27 juillet 2017 portant nomination de membres du collège de l'AFLD et de sa présidente, qui est un acte réglementaire, est illégal en ce qu'il méconnaît l'article L. 232-6 du code du sport qui exige que le président de l'agence soit membre du collège ; en outre, il méconnaît ces dispositions qui imposent que le collège soit composé de neuf membres ;
- la délibération litigieuse est entachée de vices de procédure, dès lors d'une part, qu'elle a été prise sur proposition du directeur du département des contrôles de l'Agence en méconnaissance de l'article R. 232-10 du code du sport, d'autre part, qu'elle a été adoptée par un collège irrégulièrement composé puisqu'il comportait dix membres et non pas les neuf membres prévus par l'article L. 232-6 du code du sport, enfin, que les membres du collège n'ont pas disposé de l'information suffisante pour apprécier la portée de la délibération qui leur était soumise ;
- elle est entachée d'une erreur de droit, les dispositions du 13° de l'article R. 232-10 du code du sport n'habilitant pas le collège de l'AFLD à définir les modalités de remboursement des frais de déplacements des préleveurs mais seulement leur rémunération ;
- elle méconnaît les dispositions de l'article 3 du décret n° 2006-781 du 3 juillet 2006, dès lors qu'elle subordonne le remboursement des frais de déplacement à l'autorisation préalable du directeur du département des contrôles ;
- le taux d'indemnité kilométrique que la délibération litigieuse instaure déroge au taux usuel prévu par l'arrêté du 3 juillet 2006 modifié par l'arrêté du 26 août 2008 qu'elle vise ; en tout état de cause, l'employeur, qui applique spontanément un règlement qui n'est pas applicable, doit le respecter ; or, la précédente délibération relative à la rémunération et aux frais de déplacement des préleveurs du 22 janvier 2015 se référait au décret du 3 juillet 2006 ;
- la délibération litigieuse est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation dès lors qu'elle instaure un système de rémunération obscur au vu de la diversité des hypothèses de nature à faire varier l'indemnité au titre II ;
- la délibération litigieuse est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation dès lors qu'elle entraîne une baisse significative de rémunération des préleveurs, ce qui est en contradiction avec les objectifs qu'elle vise d'instaurer des " règles plus justes " ;
- elle instaure une rupture d'égalité entre les préleveurs agréés et les personnels du département des analyses également soumis à des astreintes ;
- elle est entachée de détournement de procédure dès lors qu'elle ne vise qu'à réaliser des économies budgétaires sans suivre la procédure spécifique prévue à l'article R. 232-28 et suivants du code du sport.
Par un mémoire en défense enregistré le 9 mars 2021, l'AFLD, en la personne de sa présidente, représentée par la société Matuchansky, Poupot et Valdelièvre, avocat au Conseil d'Etat, conclut au rejet de la requête et à la condamnation de M. B... à lui verser la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code du sport,
- le décret n°2006-781 du 3 juillet 2006,
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Julliard,
- les conclusions de Mme Jimenez, rapporteure publique,
- et les observations de Me Philippot, avocat de M. B....
Une note en délibéré produite pour M. B... a été enregistrée le 2 février 2022.
Considérant ce qui suit :
1. M. D... B..., préleveur agréé, a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler la délibération n° 2018-53 du 18 octobre 2018 du collège de l'Agence française de lutte contre le dopage (AFLD) relative à la rémunération et aux frais de déplacement des préleveurs auxquels l'agence fait appel pour la réalisation de contrôles sur les sportifs. Il relève appel du jugement du 12 novembre 2020 par lequel le tribunal a rejeté sa demande.
Sur la légalité externe de la décision litigieuse :
2. Aux termes de l'article L. 232-5 du code du sport dans sa rédaction applicable à la date de la délibération attaquée : " I.- L'Agence française de lutte contre le dopage, autorité publique indépendante, définit et met en œuvre les actions de lutte contre le dopage. (...) A cet effet:/ (...) 2° Elle diligente les contrôles dans les conditions prévues au présent chapitre ". Aux termes de l'article L. 232-6 du code du sport dans sa version alors en vigueur : " Le collège de l'Agence française de lutte contre le dopage comprend neuf membres nommés par décret (...) Le président du collège, président de l'agence, est nommé pour six ans par décret du Président de la République parmi les membres du collège. (....)". Aux termes de l'article R. 232-10 du même code : " Le collège de l'Agence française de lutte contre le dopage, mentionné à l'article
L. 232-6, délibère sur : (...) 13° Les modalités de rémunération des préleveurs auxquels l'agence fait appel pour la réalisation des contrôles (...) ".
3. Si M. B... soutient, en premier lieu, que la délibération litigieuse, en tant qu'elle est signée par la présidente de l'AFLD et qu'elle n'est signée par aucun membre du collège de l'AFLD, est entachée d'incompétence, il résulte des dispositions précitées de l'article L. 232-6 du code du sport que la présidence du collège de l'AFLD est assurée par le président de l'agence qui est en conséquence compétent pour signer au nom de l'organisme collégial qu'il préside, les délibérations de ce collège, sans qu'aucune disposition n'impose la signature de ses autres membres.
4. M. B... soutient, en deuxième lieu, que la délibération litigieuse a été adoptée par un collège irrégulièrement composé puisqu'il comportait dix membres et non pas les neuf membres prévus par l'article L. 232-6 du code du sport. Toutefois, ce moyen manque en fait dès lors que Mme C... A..., membre du collège, nommée au titre des membres des juridictions administratives conformément à cet article par décret du 27 juillet 2017 portant nomination de membres du collège de l'AFLD, est également présidente du collège.
5. En troisième lieu, il y a lieu par adoption des motifs retenus par les premiers juges d'écarter l'exception d'illégalité du décret du président de la République du 27 juillet 2017 portant nomination de membres du collège de l'AFLD et de sa présidente, qui n'est pas, contrairement à ce que soutient M. B..., un acte réglementaire.
6. En quatrième lieu, contrairement à ce que soutient M. B..., il ne ressort pas des pièces du dossier que les membres du collège n'auraient pas disposé de l'information suffisante pour apprécier la portée de la délibération qui leur était soumise, alors qu'il résulte au contraire du compte-rendu de la séance du jeudi 18 octobre 2018 produit par l'AFLD que le projet de délibération a fait l'objet d'une présentation de la part de la secrétaire générale adjointe et de questions de la part d'un membre du collège auquel a répondu le directeur des contrôles, ainsi que d'une proposition d'amendement à l'article 10 de la délibération proposée par la présidente de l'AFLD et adoptée. Ce moyen ne peut qu'être écarté.
7. Enfin, contrairement à ce que soutient M. B..., les dispositions précitées de l'article R. 232-10 du code du sport ne s'opposaient pas à ce que la délibération litigieuse soit prise sur proposition du directeur du département des contrôles de l'Agence.
Sur la légalité interne de la décision litigieuse :
8. En premier lieu, il résulte des termes mêmes de l'article R. 232-10 13° précité du code du sport qu'il habilite le collège de l'AFLD à délibérer sur les modalités de rémunération des préleveurs auxquelles se rattachent les modalités de remboursement de leurs frais de déplacement. Le moyen tiré de l'erreur de droit dont serait entachée la délibération litigieuse doit être écarté.
9. M. B... soutient, en deuxième lieu, que la délibération litigieuse méconnaît les dispositions de l'article 3 du décret du 3 juillet 2006 fixant les conditions et les modalités de règlement des frais occasionnés par les déplacements temporaires des personnels civils de l'Etat, dès lors qu'elle subordonne le remboursement des frais de déplacement à l'autorisation préalable du directeur du département des contrôles et que le taux d'indemnité kilométrique qu'elle instaure, déroge au taux usuel prévu par ce décret. Toutefois, l'AFLD n'est pas au nombre des services et établissements énumérés par les dispositions de l'article 1er du décret du 3 juillet 2006. Par suite, et nonobstant la circonstance que la délibération litigieuse ou que la précédente délibération du 22 janvier 2015 qu'elle remplace, vise à tort ce décret, le moyen tiré de sa méconnaissance est inopérant.
10. En troisième lieu, si M. B... soutient que la délibération litigieuse instaure un système de rémunération obscur au vu de la diversité des hypothèses de nature à faire varier l'indemnité au titre II, il ressort de ces dispositions relatives aux cas particuliers, notamment aux hypothèses dans lesquelles les prélèvements ne peuvent être opérés, qu'elles ne sont pas d'une particulière complexité. Le moyen doit par suite être écarté.
11. En quatrième lieu, M. B... soutient que la délibération litigieuse est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation dès lors qu'elle entraîne une baisse significative de rémunération des préleveurs, en contradiction avec ses objectifs tendant à instaurer des " règles plus justes ". S'il ressort en effet du préambule de la délibération qu'elle indique " qu'il convient de mettre en place un régime de rémunération des préleveurs et de remboursement de leurs frais de mission reposant sur des règles plus justes, plus simples et plus lisibles ", M. B... n'établit pas en quoi l'instauration de règles plus justes ferait par elle-même obstacle à la baisse de rémunération de certains préleveurs.
12. Si M. B... soutient, en cinquième lieu, que la délibération litigieuse instaure une rupture d'égalité entre les préleveurs agréés et les personnels du département des analyses également soumis à des astreintes, il y a lieu d'écarter ce moyen par adoption des motifs retenus par les premiers juges.
13. Enfin, M. B... soutient que la délibération litigieuse est entachée de détournement de procédure dès lors qu'elle ne vise qu'à réaliser des économies budgétaires sans suivre la procédure spécifique prévue à l'article R. 232-28 et suivants du code du sport. Toutefois, d'une part, M. B... ne précise pas quelle procédure des articles R. 232-28 et suivants du code du sport, qui sont relatifs aux règles budgétaires et comptables de l'AFLD, aurait été méconnue par la délibération litigieuse, d'autre part, il ne ressort pas de cette délibération qu'elle viserait à réaliser des économies budgétaires. En outre, il résulte de la lettre du 9 octobre 2018 du secrétaire général de l'AFLD de présentation de la réforme qu'il y souligne que " l'objectif n'est ni de réaliser des économies ni de revaloriser les tarifs en vigueur : la réforme devra se faire enveloppe budgétaire constante. " Par suite, le moyen tiré du détournement de procédure doit être écarté.
14. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.
Sur les frais de l'instance :
15. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'AFLD, qui n'est pas la partie perdante, le versement de la somme que M. B... demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens. Il y n'a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de ce dernier la somme que demande l'AFLD sur le fondement des mêmes dispositions.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Les conclusions de l'AFLD au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent jugement sera notifié à M. D... B... et à l'Agence française de lutte contre le dopage.
Délibéré après l'audience du 25 janvier 2022 à laquelle siégeaient :
- M. Ivan Luben, président de chambre,
- Mme Marianne Julliard, présidente assesseure,
- Mme Gaëlle Mornet, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 15 février 2022.
La rapporteure,
M. JULLIARDLe président,
I. LUBENLe greffier,
É. MOULIN
La République mande et ordonne à la ministre chargée des sports, en ce qui la concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N°21PA00194 2