Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 21 juin 2018, le préfet de la Seine-Saint-Denis demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n°1803395 du 16 mai 2018 ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. B... devant le tribunal administratif de Melun.
Il soutient que :
- dès lors qu'il avait été placé en garde à vue hors de la zone d'attente, M.B..., qui se trouvait en France en situation irrégulière, entrait, contrairement à ce qu'a jugé le tribunal, dans les prévisions du 1° de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- l'erreur que comporte l'arrêté daté du 24 avril 2018 alors qu'il a été pris le 26 avril 2018 ainsi qu'il ressort de la motivation qui relate des faits survenus le 25 est sans incidence sur sa légalité ;
- les autres moyens invoqués par M. B...en première instance ne sont pas fondés.
La requête a été communiquée à M. B...qui n'a pas présenté de mémoire en défense.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention de Genève du 28 juillet 1951 ;
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de procédure pénale ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Bernier,
- et les conclusions de Mme Delamarre, rapporteur public.
1. Considérant que le préfet de la Seine-Saint-Denis relève appel du jugement du tribunal administratif de Melun du 16 mai 2018 en tant qu'il a annulé l'arrêté du 24 avril 2018 par lequel il a fait obligation à M. B...de quitter le territoire français, fixé le pays de destination et lui a fait interdiction de retourner sur le territoire français pour une durée de deux ans ;
Sur les motifs d'annulation retenus par le tribunal :
2. Considérant que, pour annuler la décision du 24 avril 2018 par laquelle le préfet de la Seine-Saint-Denis a obligé M. B...à quitter le territoire français et, par voie de conséquence, les décisions du même jour par lesquelles le préfet lui a refusé un délai de départ volontaire, a fixé le pays de destination et a prononcé une interdiction de retour sur le territoire français, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Melun a retenu d'une part le moyen tiré de la violation du 1° de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et d'autre part le moyen tiré de ce que le placement en garde à vue de l'intéressé, et donc son entrée sur le territoire français le 25 avril 2018, étaient postérieurs à l'obligation de quitter le territoire français datée du 24 ;
3. Considérant d'une part qu'aux termes du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne (...), lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : 1° Si l'étranger ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, à moins qu'il ne soit titulaire d'un titre de séjour en cours de validité (...) " ;
4. Considérant que M.B..., ressortissant cubain, est arrivé le 17 avril 2018, muni d'un passeport dépourvu de visa Schengen, à l'aéroport Roissy-Charles de Gaulle par un vol en provenance de la Havane ; qu'en transit pour Moscou, il a sollicité pendant la durée de l'escale son entrée sur le territoire français pour y solliciter l'asile ; que cette entrée lui a été refusée et qu'il a été placé en zone d'attente ; que la demande d'entrée en France qu'il a présentée au titre de l'asile pendant ce placement a été rejetée le 20 avril 2018 par le ministre de l'intérieur qui a prescrit son réacheminement vers Cuba ou tout autre pays vers lequel il serait légalement admissible ; que sa demande tendant à l'annulation de la décision du ministre a été rejetée par jugement du tribunal administratif de Paris du 24 avril 2018 ; qu'il ressort des procès-verbaux de police que M. B...a, le 25 avril 2018, refusé d'embarquer sur le vol à destination de La Havane et qu'il a, par son comportement, rendu impossible le réacheminement vers le pays dont il venait ; que ces faits étant susceptibles de caractériser l'infraction pénale prévue par l'article L. 624-1-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile qui punit d'une peine de trois ans d'emprisonnement l'étranger qui se soustrait ou qui tente de se soustraire à l'exécution d'une mesure de refus d'entrée en France, M. B...a été aussitôt placé en garde à vue ; que le préfet de la Seine-Saint-Denis et le procureur de la République du tribunal de Bobigny ont été saisis de ce refus d'embarquement ; que le 26 avril 2018 à 13h00, sa garde à vue a pris fin, et un arrêté du préfet de la Seine-Saint-Denis daté du 24 avril 2018 lui faisant obligation de quitter le territoire français sur le fondement des dispositions citées au point précédent ainsi qu'un arrêté du même jour ordonnant son placement en rétention lui ont été alors notifiés ; qu'il a été transféré à 14h00 au centre de rétention administrative du Mesnil-Amelot ;
5. Considérant que l'étranger, tant qu'il n'est pas autorisé à entrer sur le territoire français et reste maintenu dans une zone d'attente, ne peut faire l'objet d'une mesure d'éloignement et notamment d'une obligation de quitter le territoire français ; que cependant le placement en garde à vue de cet étranger, en application de l'article 62-2 du code de procédure pénale, résultant de faits commis pendant le temps où il était maintenu en zone d'attente, a pour effet de mettre fin à son maintien dans cette zone ; qu'en raison de ce changement de situation, il entre sur le territoire français ; que la circonstance que l'étranger a cessé d'être maintenu en zone d'attente pour les besoins de la procédure judiciaire engagée à la suite de son refus d'embarquement n'a pas pour effet de régulariser les conditions de son entrée sur le territoire français, qu'il suit de là que cet étranger, qui ne peut justifier d'une entrée régulière sur le territoire, peut être, pour ce motif, obligé de quitter le territoire français en application du 1° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
6. Considérant que l'arrêté du préfet de la Seine-Saint-Denis faisant obligation à M. B... de quitter le territoire, notifié le 26 avril 2018 à 13h00 est daté du 24 avril 2018 ; que si le préfet soutient qu'il s'agit d'une erreur de plume dépourvue d'incidence sur la légalité, la chronologie des faits qui figure dans la motivation est particulièrement obscure et comporte des erreurs substantielles qui ne permettent pas à la Cour de s'assurer de la régularité de la procédure ; qu'en particulier, il ressort des pièces du dossier que M. B...n'a pas été maintenu en zone d'attente le 25 avril 2018, cette date étant celle du refus d'embarquer ; que par ailleurs l'arrêté distinct ordonnant le placement de cet étranger en rétention est également daté du 24 avril 2018 et renvoie à une obligation de quitter le territoire également datée du 24 avril 2018, ce qui ne conforte pas l'hypothèse d'une erreur de plume isolée et fortuite qui affecterait le seul arrêté portant obligation de quitter le territoire, mais suggère plutôt que les arrêtés ont été pris par anticipation ; que le préfet de la Seine-Saint-Denis n'est donc pas fondé à soutenir que c'est à tort que le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Melun a retenu le motif tiré de ce que la décision contestée avait été prise alors que M. B...était encore en zone d'attente ;
7. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le préfet de la Seine-Saint-Denis n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Melun a annulé son arrêté du 24 avril 2018.
DECIDE :
Article 1er : La requête du préfet de la Seine-Saint-Denis est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à M. A... B.... Copie en sera transmise au préfet de la Seine-Saint-Denis.
Délibéré après l'audience du 6 novembre 2018, à laquelle siégeaient :
- M. Bouleau, premier vice-président,
- M. Bernier, président assesseur,
- Mme Pena, premier conseiller,
Lu en audience publique, le 18 décembre 2018.
Le rapporteur,
Ch. BERNIERLe président,
M. BOULEAU
Le greffier,
A. DUCHER
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 10PA03855
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N°18PA02109