Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 2 février et 10 juillet 2017, représenté par la SELARL Deswarte, la caisse de compensation des prestations familiales, des accidents du travail et de prévoyance des travailleurs salariés (CAFAT) demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie du
3 novembre 2016 ;
2°) de rejeter la demande présentée par Mme A...devant le Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie ;
3°) de mettre à la charge de Mme A...le versement de la somme de 3 184,40 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la décision du 6 juin 2016 est suffisamment motivée dès lors qu'elle contient les motifs de droit applicables à sa situation ainsi que les motifs factuels ayant amené l'organisme concerné à prendre la sanction contestée et qu'il y est précisé que ceux-ci lui ont été notifiés avec la plus grande précision au sein de précédents courriers ;
- elle n'est entachée d'aucun vice de forme ou de procédure ;
- le caractère strictement contradictoire de la procédure diligentée à son encontre démontre également que Mme A...avait parfaitement connaissance des faits qui lui étaient reprochés ;
- sur le fond, le caractère infractionnel de ses pratiques au regard des dispositions des articles 20-1 et 54-1 de la convention médicale est établi ;
- la sanction de 8 mois de suspension de conventionnement prononcée à l'égard de MmeA..., dont 4 avec sursis, est totalement proportionnée.
Par un mémoire en défense, enregistré le 18 mai 2017, MmeA..., représentée par Me B... de la SELARL LFC-Avocats, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 2 500 euros soit mise à la charge de la CAFAT au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la décision des organismes de protection sociale n'a pas été notifiée ; elle n'en a eu connaissance qu'au travers de la lettre contestée du 6 juin du directeur de la CAFAT qui doit être annulée pour vice de forme dès lors qu'elle ne comporte que quelques paragraphes et des signatures d'auteurs inconnus ;
- sa motivation n'est que par référence, elle est globale et insuffisante et ne permet en aucune façon d'exercer un contrôle de proportionnalité ;
- cette lettre reproduit en outre des mentions erronées dès lors qu'elle fait état d'un avis qui aurait été requis auprès d'une " commission conventionnelle médicale " qui n'existe pas ;
- elle n'a procédé à aucun dépassement d'honoraires mais a facturé des actes hors convention pratiqués à l'occasion de la réalisation d'actes pris en charge afin de faire économiser les frais généraux aux patients ;
- a position de la CAFAT selon laquelle lorsque deux actes sont pratiqués, seuls le plus coûteux est facturé n'est possible que lorsque les deux actes sont remboursés ; la mastopexie n'est pas dans la nomenclature des actes pris en charge ; interdire le cumul d'actes porte atteinte aux droits des patients et aux droits et obligations des praticiens, et notamment l'obligation d'apporter les meilleurs soins ;
- pour le cas de l'abdominoplastie, elle n'a pas été à l'origine de la demande de prise en charge ; le patient a demandé à bénéficier rapidement d'un acte de chirurgie esthétique à sa charge plutôt que d'attendre de bénéficier d'une chirurgie réparatrice prise en charge ;
- la sanction est totalement disproportionnée.
Vu :
- les autres pièces du dossier ;
- la loi organique n° 99-209 du 19 mars 1999 modifiée relative à la Nouvelle-Calédonie ;
- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public ;
- l'ordonnance n° 2015-1341 du 23 octobre 2015 relative aux dispositions législatives du code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi de pays n° 2001 016 du 11 janvier 2002 relative à la sécurité sociale en Nouvelle-Calédonie ;
- la délibération modifié n° 490 du 11 août 1994 portant plan de promotion de la santé et de maîtrise des dépenses des soins sur le territoire de Nouvelle-Calédonie ;
- la délibération n° 214/CP du 15 octobre 1997 relative au contrôle médical des régimes d'assurances maladie des travailleurs salariés et de l'aide médicale ;
- la convention médicale du 3 juillet 2006 ;
- le code de justice administrative dans sa version applicable en Nouvelle-Calédonie.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Pena,
- et les conclusions de Mme Delamarre, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. Mme A...est chirurgien dans la discipline de chirurgie plastique et reconstructrice en Nouvelle-Calédonie. Par courrier du 15 octobre 2014, elle a été informée par la caisse de compensation des prestations familiales, des accidents du travail et de prévoyance des travailleurs salariés (CAFAT), d'irrégularités dans la facturation à l'égard de ses patients en raison de dépassements d'honoraires. Suite à de nouveaux signalements de la part d'assurés, les organismes de protection sociale de Nouvelle-Calédonie ont décidé, le 26 mai 2016, de sanctionner le docteur A...en prononçant à son encontre, une suspension de conventionnement d'une durée de 8 mois dont 4 avec sursis. Cette décision a été notifiée à l'intéressée par le directeur de la CAFAT par courrier daté du 6 juin 2016, remis en main propre contre émargement le 7 juin suivant. Mme A...a alors saisi le tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie d'une demande d'annulation de cette décision que le tribunal a annulé par un jugement du 3 novembre 2016.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
2. D'une part, aux termes de l'article 20 de la convention médicale susvisée : " 20.1. Actes non remboursables - Les médecins sont autorisés à s'affranchir des tarifs opposables lorsqu'ils effectuent à la demande du patient un acte, une prescription ou un examen ne donnant pas lieu à remboursement par les organismes : - actes techniques, examens, prescriptions et bilans réalisés dans les contextes de médecine du travail, médecine du sport non motivée par un traumatisme ou une pathologie, médecine aéronautique, médecine d'assurance et médecine légale (certificat d'aptitude à l'exercice d'une profession ou à la pratique d'un sport, bilans de santé non justifiés par un état pathologique, certificat d'aptitude au permis de conduire, certificat prénuptial, certificat de décès, etc.) ; - soins faisant appel à des techniques non répertoriées dans la nomenclature ; - actes hors références de bonne pratique exclus du remboursement par les organismes ; - soins à visée esthétique ; - actes non médicalement justifiés ; - constitution de dossiers administratifs (certificats demandés pour l'admission en colonies de vacances, la naturalisation d'un assuré étranger ou l'adoption d'un enfant, etc.) ; - constitution d'une réserve de médicaments... ".
3. Aux termes de l'article 54.1 de cette convention : " Non-respect des tarifs et/ou des dispositions administratives : En cas de constatation, par un organisme, du non-respect répété par un médecin des dispositions à caractère purement administratif ou financier de la présente convention et notamment : - non-respect des tarifs opposables en dehors des cas autorisés, - non-respect des dispositions générales administratives de la nomenclature applicable en Nouvelle-Calédonie, - non-utilisation ou mauvaise utilisation, des documents auxquels sont subordonnées la constatation des soins et leur prise en charge par les organismes, - non-inscription du montant des honoraires perçus ou de la cotation des actes, - facturation irrégulière, / L'organisme adresse au médecin concerné, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception ou par courrier remis en mains propres contre émargement, un courrier d'avertissement lui rappelant la ou les règles qu'il n'a pas observées. / En cas de nouveau non-respect des tarifs et/ou des dispositions administratives par le médecin après la réception du courrier d'avertissement, l'organisme lui communique le relevé de ses constatations par lettre recommandée avec demande d'avis de réception ou par courrier remis en mains propres contre émargement, avec copie au président et au vice-président de la commission conventionnelle paritaire ainsi qu'au directeur de la CAFAT. / Par dérogation aux dispositions des deux alinéas ci-dessus, l'organisme communique au médecin sans délai le relevé de ses constatations lorsque ledit médecin a déjà fait l'objet d'un avertissement dans les douze mois précédents. / Le médecin dispose d'un délai d'un mois à compter de la date de communication du relevé des constatations pour présenter ses observations éventuelles ou être entendu à sa demande par le représentant du ou des organismes concernés ; il peut se faire assister par un avocat ou par un confrère de son choix. / La commission donne son avis dans un délai d'un mois à compter de la date de remise des observations du médecin ou de la date de son audition. A l'issue de ce délai, son avis est réputé rendu. / A l'issue de la procédure, la CAFAT et au moins un second organisme signataire gestionnaire d'un régime de base décident de l'éventuelle sanction selon la gravité des manquements constatés ".
4. Aux termes de l'article 55 de cette convention : " Sans préjudice d'éventuelles poursuites contentieuses, lorsqu'un médecin ne respecte pas les dispositions de la convention, il peut, après mise en oeuvre des procédures prévues à l'article 54, encourir l'une des mesures suivantes : - suspension de son conventionnement, avec ou sans sursis ; - déconventionnement. / Les suspensions du conventionnement sont prononcées pour une durée de trente-six mois au plus, suivant l'importance des griefs... La CAFAT, chargée de la conduite du dispositif conventionnel par la délibération modifiée n° 490 du 11 août 1994, notifie la décision des organismes au praticien concerné par lettre recommandée avec demande d'avis de réception ou par courrier remis en mains propres contre émargement. Elle en informe simultanément le ou les syndicat(s) signataire(s). Les décisions entrent en vigueur un mois après la réception du courrier de notification, sous réserve des éventuels effets suspensifs d'une procédure juridictionnelle ".
5. D'autre part, aux termes de l'article L. 100-3 du code des relations entre le public et l'administration : " Au sens du présent code et sauf disposition contraire de celui-ci, on entend par : 1° Administration : les administrations de l'Etat, les collectivités territoriales, leurs établissements publics administratifs et les organismes et personnes de droit public et de droit privé chargés d'une mission de service public administratif, y compris les organismes de sécurité sociale... ". Aux termes de l'article L. 211-2 de ce code : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. / A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : 2° Infligent une sanction... ". Enfin, aux termes de l'article L. 211-5 de ce code : " La motivation exigée par le présent chapitre doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision ".
6. Pour annuler le courrier contesté du directeur de la CAFAT du 6 juin 2016, le tribunal a considéré qu'alors que Mme A...n'avait jamais eu connaissance de la décision des organismes de protection sociale du 26 mai 2016 lui infligeant la sanction de huit mois de suspension de conventionnement dont quatre avec sursis, l'obligation de motivation qui résulte des dispositions précitées ne pouvait être examinée qu'au regard des termes de cette lettre. Les premiers juges en ont alors déduit que, ne comportant pas l'énoncé des considérations de fait qui constituent le fondement de la sanction, nonobstant la circonstance que les courriers mentionnés en son sein et qui n'y étaient pas joints y auraient procédé, la décision du 26 mai 2016 devait être annulée.
7. Si, ainsi qu'il a été dit, Mme A...a bien demandé l'annulation du courrier du
6 juin 2016, elle doit être, en réalité, regardée comme ayant contesté la seule véritable décision de sanction prise à son encontre qui est celle prise par les organismes de protection sociale de Nouvelle-Calédonie le 26 mai 2016. Il résulte toutefois de l'instruction que cette décision qui est produite au dossier comporte une motivation pour le moins sommaire qui n'est pas de nature à éclairer l'intéressée sur les motifs de fait qui la fondent.
8. Dans ces conditions, la CAFAT n'est pas fondée à se plaindre de ce que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie a annulé la décision infligeant au docteur A...la sanction de suspension du conventionnement pendant huit mois dont quatre avec sursis.
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de MmeA..., qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que la CAFAT demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Il y a lieu, en revanche, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la CAFAT une somme de 2 000 euros à verser à Mme A...au titre de ces mêmes frais.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la CAFAT est rejetée.
Article 2 : La CAFAT versera à Mme A...une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la caisse de compensation des prestations familiales, des accidents du travail et de prévoyance des travailleurs salariés (CAFAT) et à Mme C...A....
Délibéré après l'audience du 5 février 2019, à laquelle siégeaient :
- M. Bouleau, premier vice-président,
- M. Bernier, président assesseur,
- Mme Pena, premier conseiller,
Lu en audience publique, le 19 février 2019.
Le rapporteur,
E. PENALe président,
M. BOULEAU
Le greffier,
A. DUCHER
La République mande et ordonne au ministre des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 10PA03855
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N° 17PA00417