Par un jugement n°1618227 du 12 avril 2018, le Tribunal administratif de Paris a condamné solidairement la société Edeis, anciennement dénommée SNC Lavalin Ile-de-France, la société Grudzinski Architecture et Paysage, venant aux droits de la société Grudzinski et Poisay Architectes, la société BTP Consultants et la société Chapey à verser au Muséum national d'histoire naturelle la somme de 818 000 euros HT au titre des travaux de reprise des désordres affectant les ouvrages réalisés en exécution du lot n° 8 du marché de travaux relatif à la réhabilitation et à la restructuration du bâtiment dit du " Grand Herbier ", a condamné la société Edeis à garantir intégralement la société Grudzinski et Poisay Architectes des condamnations prononcées à son encontre, a condamné la société Edeis, la société Chapey, la société MMCSF et la société FMA à garantir la société BTP Consultants à concurrence, respectivement, de 15%, 10%, 35% et 35% des condamnations prononcées à son encontre, a condamné la société BTP Consultants et la société FMA à garantir la société Edeis à concurrence, respectivement, de 5% et 35% des condamnations prononcées à son encontre et a rejeté le surplus des conclusions des parties.
Procédure devant la Cour
I. Par une requête enregistrée sous le n° 18PA01945, le 8 juin 2018, la société BTP Consultants représentée par Me Malarde, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du 12 avril 2018 du Tribunal administratif de Paris en ce qu'il l'a condamnée solidairement à indemniser le Muséum national d'histoire naturelle (MNHN) ;
2°) - à titre principal de rejeter la demande du Muséum national d'histoire naturelle dirigée contre elle ;
- à titre subsidiaire :
- de rejeter la demande du MNHN au titre des travaux réparatoires ou de réduire la condamnation à de plus juste proportions et de rejeter le surplus de sa demande ;
- de condamner in solidum la société Edeis venant aux droits de la SNC Lavalin, la société Quatorze IG, la société FMA, Me de Keating es qualités de liquidateur de la société Chapey et Me Hazane es qualités de liquidateur de la société MMCSF à la garantir intégralement des condamnations qui pourraient être prononcées à son encontre ;
- à tout le moins, de limiter sa part de responsabilité à 5% et de rejeter le surplus des conclusions dirigées contre elle ;
3°) de condamner tout succombant à lui verser la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- l'article 3.1 du CCAP du marché de contrôle technique renvoie au décret n° 99-443 du
28 mai 1999 et à la norme 03.100 qui précise l'étendue et les limites de la mission du contrôleur technique ; l'ensemble des textes qui régissent l'activité de contrôleur technique rappelle qu'il n'a aucune prérogative de conception, ni de suivi de travaux ou encore de réalisation de l'ouvrage ; il ne peut être déduit de la seule existence de défauts sur l'ouvrage la responsabilité du contrôleur technique ;
- il ne peut lui être reproché la défaillance des entreprises ni d'avoir alerté tardivement le maître d'ouvrage sur les menuiseries intérieures dès lors qu'au cours du chantier, elle a émis plusieurs avis suspendus et défavorables sur celles-ci ; les fiches récapitulatives de points bloquants ont été transmises au maître d'ouvrage les 22 janvier 2010, 13 juillet 2011 et 20 avril 2011 ; aux termes du premier rapport final du 30 septembre 2013, elle a émis un avis défavorable D1 sur les menuiseries intérieures et ses observations sont réitérées dans le second rapport final établi le
21 janvier 2014 ; aucune preuve d'une faute du contrôleur technique dans l'exécution de sa mission n'est rapportée ; la Cour devra prononcer sa mise hors de cause ;
- en application de l'article L. 111-24 du code de la construction et de l'habitation, le contrôleur technique ne peut être condamné in solidum avec les constructeurs ;
- à titre subsidiaire, la Cour ne pourra valider le quantum de 818 000 euros HT réclamé par le MNHN et validé par l'expert, en l'absence de tout devis et de toute offre d'entreprises dans le cadre du nouvel appel d'offres pour la reprise des menuiseries intérieures ; le montant du poste " fourniture fabrication et pose " correspond à 200 000 euros de plus que le marché initial, sans aucune justification ; la nécessité d'une reprise des embellissements n'est pas démontrée et ne fait l'objet d'aucune réclamation de la part de MNHN dans le cadre des opérations d'expertise ; dans l'évaluation du préjudice, le tribunal n'a pas tenu compte de l'économie réalisée par le MNHN qui n'a pas versé le solde du marché résilié de la société Chapey ;
- c'est à bon droit que le tribunal a rejeté la demande au hauteur de 50 000 euros au titre des contraintes dans le suivi des désordres ;
- si la Cour retenait sa responsabilité, elle devrait limiter sa condamnation à une quote-part de 5 % ;
- si la Cour faisait droit en tout ou partie aux demandes du MNHN ou à l'appel en garantie de tout autre partie, elle serait fondée à exercer un appel en garantie à l'encontre de la société Edeis, venant aux droits de la SNC Lavalin, de la société Quatorze IG, de la société Chapey, de la société MMCSF et de la société FMA ; la SNC Lavalin mandataire du groupement de maîtrise d'œuvre est intervenue en qualité d'économiste et de bureau d'étude et était chargée de la mission DET des lots techniques, notamment le lot n° 8 et sa responsabilité est engagée au titre du défaut de suivi du chantier ; la société Quatorze IG s'est vu confier la mission DET en sous-traitance de la SNC Lavalin ; la maîtrise d'œuvre d'exécution avait parfaite connaissance des avis défavorables et suspendus émis par le contrôleur technique dès 2010 et avait seul, avec le maître d'ouvrage, les moyens coercitifs pour contraindre l'entreprise à y répondre ; le rapport d'expertise met clairement en évidence les fautes de la société Chapey, entreprise titulaire du lot n° 8 et lui impute une quote-part de 10% et celles des sous-traitantes la société MMCSF et la société FMA à qui l'expert impute une quote-part de 45%.
Par un mémoire en défense et d'appel incident enregistré le 7 août 2018, la société Grudzinski Architecture et Paysage (GAP), venant aux droits de la société Grudzinski et Poisay Architectes (GPA), représentée par Me Malarde, conclut à l'annulation du jugement attaqué en ce qu'il l'a condamnée solidairement avec la société BTP Consultants et à titre subsidiaire, en cas de confirmation du jugement attaqué, au rejet des demandes du Muséum national d'histoire naturelle, à la condamnation in solidum de la société Edeis, venant aux droits de la SNC Lavalin, de la société Quatorze IG, de la société FMA, de Me de Keating es qualités de liquidateur de Chapey et de
Me Hazane es qualités de liquidateur de MMCSF, à garantir intégralement les sociétés BTP Consultants et Grudzinski Architecture et Paysage des condamnations qui pourraient être prononcées à leur encontre au titre des demandes formulées par le Muséum national d'histoire naturelle ou, à tout le moins, à la limitation de la part de responsabilité imputable à la société BTP Consultants à 5% et, en tout état de cause, à la condamnation de tout succombant à verser aux sociétés BTP Consultants et Grudzinski Architecture et Paysage une somme de 3 000 euros chacune au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le jugement attaqué sera annulé en ce qu'il a condamné l'architecte au titre de la solidarité entre les cotraitants ; la mission de la société GAP était strictement limitée à l'aspect architectural et esthétique du projet ; elle n'avait donc pas de mission DET encore moins sur les lots techniques confiés à la seule SNC Lavalin/Edeis ; le lot numéro 8 a été confié à la SNC Lavalin au stade de la conception et au stade du contrôle de l'exécution ; cette répartition n'a jamais été contestée par la SNC Lavalin qui a sous-traité cette mission DET à la société Quatorze IG à compter du 1er avril 2010 ; la mission de la société GAP est totalement étrangère aux ouvrages litigieux et le défaut de suivi du chantier n'est pas établi ; il ne peut être invoqué le moindre manquement de la part de la société GAP comme l'a estimé l'expert et elle devra être mise hors de cause ; le seul défaut reproché par l'expert à la maîtrise d'œuvre relève de l'organisation générale du chantier, de la coordination de l'exécution des travaux, de la surveillance du respect de la conformité de la réalisation du projet avec les documents d'étude du marché ; seule la maîtrise d'œuvre d'exécution des ouvrages menuisés est concernée, soit la société Quatorze IG ; c'est par une appréciation erronée que l'expert a cru devoir retenir une défaillance du maître d'œuvre d'exécution dans sa mission DET ;
- en ce qui concerne l'appel de la société BTP Consultants, le jugement sera annulé en tant qu'il a condamné cette dernière ; il n'est pas démontré que le fait qui est à l'origine du dommage subi entrait dans ses missions légales et contractuelles dès lors qu'il n'entrait pas dans les limites de la mission du contrôleur technique de réaliser les contrôles systématiques de l'exécution des travaux confiés à la société Chapey ; au cours du chantier le contrôleur technique a émis plusieurs avis suspendus et défavorables sur les menuiseries intérieures, alertant ainsi le maître d'ouvrage tout au long du chantier ; au terme du premier rapport final du 30 septembre 2013, la société BTP Consultants a émis un avis défavorable D1 sur les menuiseries intérieures, observation réitérée dans un second rapport final établi le 21 janvier 2014 ;
- la Cour ne pourra confirmer le quantum retenu par le tribunal qui a entériné l'estimation proposée par l'expert sans aucun devis de travaux réparatoires ; le montant du poste fournitures-fabrication et pose des ouvrages menuisés est évalué à 550 000 euros hors-taxes soit près de 200 000 euros hors-taxes de plus que le marché initial sans aucune justification ; la nécessité d'une reprise des embellissements n'est pas démontrée dans son principe alors que l'expert ne relate aucune dégradation de ces embellissements ; une telle prestation n'avait d'ailleurs fait l'objet d'aucune réclamation de la part du MNHN dans le cadre des opérations d'expertise ; à titre subsidiaire, une condamnation in solidum à l'égard du contrôleur technique est radicalement exclue par les textes régissant spécialement sa profession ; la Cour ne pourra que confirmer le rejet de la réclamation présentée au titre des contraintes dans le suivi des désordres ;
- dans l'hypothèse où la Cour confirmerait le jugement entrepris en faisant droit à tout ou partie aux demandes du MNHN ou à l'appel en garantie de toute partie à l'encontre des sociétés GAP et BTP Consultants, l'exposante serait fondée à exercer un appel en garantie à l'encontre de la société Edeis, de la société Quatorze IG, de la société Chapey, de la société MMCSF et de la société FMA.
Par des mémoires en défense et d'appel incident enregistrés le 12 septembre 2018 et le
11 avril 2019, la société Edeis anciennement dénommée SNC Lavalin, représentée par Me Arroyo, conclut, à titre principal, au rejet de la requête, à l'annulation du jugement attaqué en ce qu'il l'a condamnée à verser au Muséum national d'histoire naturelle (MNHN), solidairement avec la société Grudzinski, la société BTP Consultants et la société Chapey, les sommes de 818 000 euros HT au titre de l'indemnisation et 24 845 ,83 euros au titre des frais d'expertise, à garantir intégralement la société GAP des condamnations prononcées à son encontre, l'a condamnée à garantir la société BTP Consultants à concurrence de 15% des condamnations prononcées à son encontre et au rejet de l'ensemble des demandes formées contre elle, à titre subsidiaire, à la réformation du jugement en ce qu'il a alloué la somme de 818 000 euros hors-taxes au MNHN au titre des travaux de reprise des désordres et de ramener ce montant à de plus justes proportions, à ce que la Cour précise les parts de responsabilité incombant à chacune des parties, et, en tout état de cause, à la condamnation de tout succombant à lui verser la somme de 10 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- à titre principal, c'est à tort que le tribunal l'a condamnée au titre de sa responsabilité contractuelle vis-à-vis du MNHN ; aucun manquement n'a été relevé au titre des prestations de maîtrise d'œuvre de conception ; le sinistre apparaît donc exclusivement imputable aux sociétés FMA, MMCSF et Chapey, titulaire du lot ; l'expert judiciaire n'a jamais caractérisé la faute qui aurait été commise par la maîtrise d'œuvre d'exécution ; la mission de direction de l'exécution des travaux qui a été sous-traitée à la société Quatorze IG a été parfaitement exécutée ; cette dernière a en effet attiré à de nombreuses reprises l'attention des intervenants du chantier sur les différents défauts de pause dont étaient affectés les ensembles menuisés fournis par la société FMA et mis en œuvre par la société MMCSF ; de même, la maîtrise d'œuvre a sollicité de multiples fois auprès des sociétés Chapey et MMCSF la communication des procès-verbaux de résistance au feu des ensembles fabriqués par la société FMA ; la maîtrise d'œuvre a été rendue destinataire des procès-verbaux de réunion de chantier et des échanges de courriels avec les sociétés Chapey et MMCSF ;
- la somme de 818 000 euros correspond à l'estimation du coût des travaux de reprise par l'expert judiciaire sans qu'aucun devis ne lui ait été communiqué ; il appartient au MNHN de communiquer les résultats de son nouvel appel d'offres lancé en novembre 2015 pour justifier le montant de ses demandes ; le poste fourniture, fabrication et pose des ensembles menuisés a été estimé par l'expert à la somme de 550 000 euros hors-taxes soit près de 200 000 euros de plus que le montant du marché initial, sans aucune justification ; le tribunal n'a pas tenu compte du montant correspondant au solde du marché passé avec la société Chapey que le MNHN n'a pas réglé puisque ce marché a été résilié en raison du placement de l'entreprise Chapey en liquidation judiciaire ; la Cour devra rejeter les demandes du MNHN ou les ramener à de plus justes proportions ;
- à titre subsidiaire, la Cour devra confirmer le jugement déféré en ce qu'il a condamné la société FMA à garantir la société Edeis des condamnations prononcées à son encontre au profit du MNHN dans les limites de la part de responsabilité qui sera mise à sa charge et qui ne saurait être inférieure à 36 % ;
- la Cour devra rectifier l'omission du tribunal dès lors que la société Edeis avait demandé que soit fixée la part de responsabilité incombant à chacune des parties dans le cadre des recours entre constructeurs, ce que le tribunal a fait dans le corps de son jugement mais n'a pas repris dans le dispositif de celui-ci ; si la Cour devait confirmer le jugement en ce qu'il a retenu une part de responsabilité de la maîtrise d'œuvre d'exécution, elle confirmera que la société Edeis n'a commis aucune faute dans le cadre des missions qu'elle a elle-même exécutées ; la Cour n'est pas compétente pour se prononcer sur la demande de la SMABTP tendant à ce qu'elle répartisse les parts de responsabilité entre la société Edeis et son sous-traitant ; en tout état de cause, la société Edeis a entièrement sous-traité à la société Quatorze IG sa mission DET ;
- la Cour confirmera la condamnation de la société BTP Consultants sur le fondement de la responsabilité extra-contractuelle à la garantir des condamnations qui seraient prononcées à son encontre dans la limite de la part de responsabilité qui sera mise à sa charge et qui ne saurait être inférieure à 5 % ; de même, les sociétés Chapey et MMCSF seront condamnées à la garantir à hauteur de leur part de responsabilité respective ; la compagnie Areas est mal fondée à soutenir que son appel en garantie formé à l'encontre de la société MMCSF serait une demande nouvelle en appel dès lors que cette demande était contenue dans la demande de première instance de fixation des parts de responsabilité incombant aux parties.
Par un mémoire en défense enregistrés le 26 mars 2019 et le 25 avril 2019, le Muséum d'histoire naturelle, représenté par la SCP August Debouzy, conclut au rejet de la requête de la société BTP Consultants et de tous les appels incidents et à la condamnation de la société BTP Consultants et de la société Edeis à lui verser la somme de 3 000 euros chacune sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- c'est à juste titre que le tribunal a condamné solidairement la société BTP Consultants dès lors qu'en tant que contrôleur technique, elle a commis une faute contractuelle qui a été retenue par l'expert judiciaire ; il résulte du rapport d'expertise qu'elle n'a pas satisfait à son obligation de contribution à la prévention des aléas techniques vis-à-vis du maître d'ouvrage ; la mission du contrôleur technique comprend la vérification des niveaux de réaction et de résistance au feu en vertu de l'article 3.4.3.1 du CCAP ; sa responsabilité est donc bien engagée ; la responsabilité solidaire est envisageable pour tous les intervenants à l'opération de construction sans que la société BTP Consultants puisse opposer les dispositions de l'article L. 111-24 alinéa 2 du code de la construction et de l'habitation ;
- l'expert a chiffré les travaux réparatoires à la somme de 818 000 euros à la suite de très nombreuses réunions et échanges de dires entre les parties ; si un nouvel avis d'appel public à candidature a été publié en novembre 2015, il a été classé sans suite en raison de difficultés financières du Muséum ; en septembre 2017, l'économiste de la construction sollicité par le Museum a estimé le coût de la mise en conformité et de l'achèvement des travaux de menuiseries métalliques intérieures à 1 198 400 euros TTC ;
- en ce qui concerne l'appel incident de la société Edeis et de la société GAP, elles ont commis des fautes contractuelles de nature à engager leur responsabilité dans la mesure où elles ont manqué aux obligations de conception et de suivi de l'exécution des travaux qui se rattachent à leur mission de maîtrise d'œuvre telles que définies par les pièces du marché, en particulier l'article 1. 6 du CCAP du marché ; la société Edeis a engagé sa responsabilité envers le Museum non seulement en raison des fautes contractuelles qu'elle a elle-même commises mais aussi à raison de celles commises par son sous-traitant, la société Quatorze IG ; la société Edeis ne saurait se retrancher derrière les alertes de cette dernière, chargée de la direction d'exécution des travaux, dès lors que, comme l'a estimé le tribunal, le Muséum n'a pas été informé de manière suffisante sur les difficultés rencontrées sur le chantier.
II. Par une requête enregistrée sous le n° 18PA01975 le 12 juin 2018 et un mémoire en réplique enregistré le 29 avril 2019, la société FMA, représentée par Me Sansot, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du 12 avril 2018 du Tribunal administratif de Paris ;
2°) de rejeter les conclusions d'appel en garantie de la société Edeis à son encontre ;
3°) de condamner le Muséum national d'histoire naturelle aux entiers dépens et à lui verser une somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- les conditions de mise en jeu de sa responsabilité ne sont pas réunies ;
- aucune faute ne peut être retenue à son encontre alors que le laboratoire avait émis un avis de chantier favorable, que l'expert chargé de la réception avait conclu à la conformité des ouvrages sous quelques réserves liées à des problèmes de pose et non de fabrication et que c'est à tort que l'expert a conclu à la nécessité d'une réalisation à neuf des ouvrages alors que des travaux de reprise étaient possibles ; aucune faute ne peut être retenue à son encontre ni dans les problèmes résultant de la pose du matériel dont elle n'était pas chargée et ni dans les problèmes résultant de la fabrication du matériel dès lors qu'elle a exécuté les plans conçus par la société MMCSF qui n'a émis aucune réserve lors de leur réception ;
- aucun lien de causalité entre le dommage et son intervention ne peut être retenu : contrairement à ce qu'a retenu l'expert, elle n'a réalisé qu'une partie des menuiseries et ne peut voir sa responsabilité engagée pour les ouvrages MICH 1, MICH 2, MICHF 1, MICHF 2, MICHF 2 CF, MICF 1 CF 1/2H, MICF 3bis CF 1/2H auxquels elle est étrangère dès lors que c'est la société MMCSF qui les a conçus et réalisés et les lui a fournis ; elle n'est pas intervenue dans la pose des menuiseries ;
- l'expert a procédé à une estimation du coût des réparations qui comporte une amélioration de l'ouvrage initial ; en l'absence de devis pour chaque ouvrage que l'expert aurait dû solliciter, aucun élément objectif ne peut justifier l'écart de prix entre son estimation à 550 000 euros HT du coût de la fourniture et la pose de nouveaux ouvrages et la commande de la société MMCF d'un montant de 214 999,85 euros HT ; dans l'évaluation du préjudice, le tribunal n'a pas tenu compte de l'économie réalisée par le MNHN qui n'a pas versé le solde du marché résilié de la société Chapey.
Par un mémoire en défense et d'appel incident enregistré le 9 août 2018, la société Grudzinski Architecture et Paysage (GAP), venant aux droits de la société Grudzinski et Poisay Architectes, représentée par Me Malarde, conclut au rejet de la requête, à l'annulation du jugement attaqué en ce qu'il l'a condamnée solidairement avec la société BTP Consultants et à titre subsidiaire, en cas de confirmation du jugement, en ce qu'il a accueilli les demandes du Muséum national d'histoire naturelle, à la condamnation de la société FMA, in solidum avec la société Edeis venant aux droits de la SNC Lavalin, la société Quatorze IG, Me de Keating es qualités de liquidateur de Chapey et Me Hazane es qualités de liquidateur de MMCSF, à garantir intégralement les sociétés BTP Consultants et Grudzinski Architecture et Paysage des condamnations qui pourraient être prononcées à leur encontre au titre des demandes formulées par le Museum national d'histoire naturelle ou à tout le moins à la limitation de la part de responsabilité imputable à la société BTP Consultants à 5% et, enfin, à la condamnation du Muséum national d'histoire naturelle à lui verser, ainsi qu'à la société BTP Consultants, une somme de 3 000 euros chacune au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la Cour devra rejeter l'appel de la société FMA et confirmer la responsabilité de cette société compte-tenu des fautes commises dans l'exécution des prestations commandées par MMCSF ; l'expert a mis en exergue les défauts de fabrication des menuiseries et a conclu aux défaillances de cette société ;
- le jugement attaqué sera annulé en ce qu'il a condamné l'architecte au titre de la solidarité entre les cotraitants ; la mission de la société GAP était strictement limitée à l'aspect architectural et esthétique du projet ; elle n'avait donc pas de mission DET encore moins sur les lots techniques fluides et structures confiés à la seule SNC Lavalin/Edeis ; le lot numéro 8 a été confié à la SNC Lavalin au stade de la conception et au stade du contrôle de l'exécution ; cette répartition n'a jamais été contestée par la CNC Lavalin qui a sous-traité cette mission DET à la société Quatorze IG à compter du 1er avril 2010 ; la mission de la société GAP est totalement étrangère aux ouvrages litigieux et le défaut de suivi du chantier n'est pas établi ; il ne peut être invoqué le moindre manquement de la part de la société GAP comme l'a estimé l'expert et elle devra être mise hors de cause ; le seul défaut reproché par l'expert à la maîtrise d'œuvre relève de l'organisation générale du chantier, de la coordination de l'exécution des travaux, de la surveillance du respect de la conformité de la réalisation du projet avec les documents d'étude du marché ; seule la maîtrise d'œuvre d'exécution des ouvrages menuisés est concernée, soit la société Quatorze IG ; c'est par une appréciation erronée que l'expert a cru devoir retenir une défaillance du maître d'œuvre d'exécution dans sa mission DET ;
- en ce qui concerne l'appel incident de la société BTP Consultants, le jugement sera annulé en tant qu'il a condamné cette dernière ; il n'est pas démontré que le fait qui est à l'origine du dommage subi entrait dans ses missions légales et contractuelles dès lors qu'il n'entrait pas dans les limites de la mission du contrôleur technique de réaliser les contrôles systématiques de l'exécution des travaux confiés à la société Chapey ; le contrôleur technique a émis plusieurs avis suspendus et défavorables sur les menuiseries intérieures alertant ainsi le maître d'ouvrage tout au long du chantier ; au terme du premier rapport final du 30 septembre 2013, la société BTP Consultants a émis un avis défavorable D1 sur les menuiseries intérieures, observation réitérée dans un second rapport final établi le 21 janvier 2014 ;
- la Cour ne pourra confirmer le quantum retenu par le tribunal qui a entériné l'estimation proposée par l'expert sans aucun devis de travaux réparatoires ; le montant du poste fournitures-fabrication et pose des ouvrages menuisés est évalué à 550 000 euros hors-taxes soit près de 200 000 euros hors-taxes de plus que le marché initial sans aucune justification ; la nécessité d'une reprise des embellissements n'est pas démontrée dans son principe alors que l'expert ne relate aucune dégradation de ces embellissements ; une telle prestation n'avait d'ailleurs fait l'objet d'aucune réclamation de la part du MNHN dans le cadre des opérations d'expertise ; à titre subsidiaire, une condamnation in solidum à l'égard du contrôleur technique est radicalement exclue par les textes régissant spécialement sa profession ; la Cour ne pourra que confirmer le rejet de la réclamation présentée au titre des contraintes dans le suivi des désordres ;
- dans l'hypothèse où la Cour confirmerait le jugement entrepris en faisant droit à tout ou partie aux demandes du MNHN ou à l'appel en garantie de toute partie à l'encontre des sociétés GAP et BTP Consultants, l'exposante serait fondée à exercer un appel en garantie à l'encontre de la société Edeis, de la société Quatorze IG, de la société Chapey, de la société MMCSF et de la société FMA.
Par un mémoire enregistré le 10 août 2018 la société Amlin Insurance SE venant aux droits de la société Amlin N.V. Europe représentée par Me Laurent, conclut à la confirmation du jugement entrepris en ce qu'il a mis hors de cause la société VD Industry et à la condamnation de la société FMA ou toute partie succombante au paiement d'une somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article L.761-1 du code de justice administrative ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel.
Elle soutient que :
- la société Amlin Insurance SE n'est pas visée par la société FMA dans sa requête ; le Museum national d'histoire naturelle n'a formulé aucune demande de condamnation à son encontre ;
- l'action formée à l'encontre de la société Amlin Insurance SE ne relèverait pas de la compétence de la juridiction administrative ; en tout état de cause, l'expert n'a retenu aucune responsabilité à l'égard de la société VD Industry.
Par des mémoires enregistrés le 22 août 2018 et 22 juin 2021, la société Planitec BTP, représentée par Me Danilowiez conclut dans le dernier état de ses écritures à la confirmation du jugement attaqué en ce qu'il l'a mise hors de cause et à la condamnation de la société FMA et de tout succombant à lui verser la somme de 6 000 euros en application des dispositions de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- l'expert judiciaire n'a pas retenu la responsabilité de la société Planitec BTP et le Muséum national d'histoire naturelle n'a articulé aucun grief à son encontre ni aucune demande d'engagement de sa responsabilité et de condamnation ;
- les conclusions de la SMABTP dirigée à son encontre sont irrecevables car nouvelles en appel et en tout état de cause infondées.
Par des mémoires en défense et d'appel incident enregistrés le 12 septembre 2018 et le
1er mars 2019, la société Edeis anciennement dénommée SNC Lavalin représentée par Me Arroyo conclut, à titre principal, à l'annulation du jugement attaqué en ce qu'il l'a condamnée à verser au Muséum national d'histoire naturelle (MNHN) solidairement avec la société GAP, la société BTP Consultants et la société Chapey les sommes de 818 000 euros HT et 24 845 ,83 euros, à garantir intégralement la société GAP des condamnations prononcées à son encontre, l'a condamnée à garantir la société BTP Consultants à concurrence de 15% des condamnations prononcées à son encontre et au rejet de l'ensemble des demandes formées contre elle, à titre subsidiaire, à la réformation du jugement en ce qu'il a alloué la somme de 818 000 euros hors-taxes au MNHN au titre des travaux de reprise des désordres et de ramener ce montant à de plus justes proportions, à ce que la Cour précise les parts de responsabilité incombant à chacune des parties, au rejet de la requête de la société FMA en ce qu'elle demande à la Cour d'annuler sa condamnation à garantir la société Edeis des condamnations qui seraient prononcées à son encontre et, en tout état de cause, à la condamnation de tout succombant à lui verser la somme de 10 000 euros au titre de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- à titre principal, c'est à tort que le tribunal l'a condamnée au titre de sa responsabilité contractuelle vis-à-vis du MNHN ; aucun manquement n'a été relevé au titre des prestations de maîtrise d'œuvre de conception ; le sinistre apparaît donc exclusivement imputable aux sociétés FMA, MMCSF et Chapey, titulaire du lot ; l'expert judiciaire n'a jamais caractérisé la faute qui aurait été commise par la maîtrise d'œuvre d'exécution ; la mission de direction de l'exécution des travaux qui a été sous-traitée à la société Quatorze IG, a été parfaitement exécutée ; cette dernière a en effet attiré à de nombreuses reprises l'attention des intervenants du chantier sur les différents défauts de pause dont étaient affectés les ensembles menuisés fournis par la société FMA et mis en œuvre par la société MMCSF ; de même, la maîtrise d'œuvre a sollicité à de multiples reprises des sociétés Chapey et MMCSF la communication des procès-verbaux de résistance au feu des ensembles fabriqués par la société FMA ; la maîtrise d'œuvre a été rendue destinataire des procès-verbaux de réunion de chantier et des échanges de courriels avec les sociétés Chapey et MMCSF ;
- la somme de 818 000 euros correspond à l'estimation du coût des travaux de reprise par l'expert judiciaire sans qu'aucun devis ne lui ait été communiqué ; il appartient au MNHN de communiquer les résultats de son nouvel appel d'offres lancé en novembre 2015 pour justifier le montant de ses demandes ; le poste fourniture, fabrication et pose des ensembles menuisés a été estimé par l'expert à la somme de 550 000 euros hors-taxes, soit près de 200 000 euros de plus que le montant du marché initial, sans aucune justification ; le tribunal n'a pas tenu compte du montant correspondant au solde du marché passé avec la société Chapey que le MNHN n'a pas réglé puisque ce marché a été résilié en raison du placement de l'entreprise en liquidation judiciaire ; la Cour devra rejeter les demandes du MNHN ou les ramener à de plus justes proportions ;
- à titre subsidiaire, la Cour devra confirmer le jugement déféré en ce qu'il a condamné la société FMA à la garantir des condamnations prononcées à son encontre au profit du MNHN dans les limites de la part de responsabilité qui sera mise à sa charge et qui ne saurait être inférieure à
36 % ;
- la Cour devra rectifier l'omission du tribunal dès lors qu'elle avait demandé que soit fixée la part de responsabilité incombant à chacune des parties dans le cadre des recours entre constructeurs, ce que le tribunal a fait dans le corps de son jugement mais n'a pas repris dans le dispositif de celui-ci ; si la Cour devait confirmer le jugement en ce qu'il a retenu une part de responsabilité de la maîtrise d'œuvre d'exécution, elle confirmera que la société Edeis n'a commis aucune faute dans le cadre des missions qu'elle a elle-même exécutées ; la Cour n'est pas compétente pour se prononcer sur la demande de la SMABTP tendant à ce qu'elle répartisse les parts de responsabilité entre la société Edeis et son sous-traitant ; en tout état de cause, la société Edeis a entièrement sous-traité à la société Quatorze IG sa mission DET ;
- la Cour confirmera la condamnation de la société BTP Consultants sur le fondement de la responsabilité extra-contractuelle à la garantir des condamnations qui seraient prononcées à son encontre dans la limite de la part de responsabilité qui sera mise à sa charge et qui ne saurait être inférieure à 5 % ; de même, les sociétés Chapey et MMCSF seront condamnées à la garantir à hauteur de leur part de responsabilité respective ; la compagnie Areas est mal fondée à soutenir que son appel en garantie formé à l'encontre de la société MMCSF serait une demande nouvelle en appel dès lors que cette demande était contenue dans la demande de première instance de fixation des parts de responsabilité incombant aux parties.
Par un mémoire enregistré le 20 septembre 2018, la société VD Industry France, représentée par Me Oliveira, conclut à la confirmation du jugement attaqué en ce qu'il l'a mise hors de cause, à ce que la Cour juge irrecevable et non fondée toute demande éventuelle en appel dirigée contre elle, enfin, à la condamnation de la société FMA ou tout succombant au paiement de la somme de 10 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que la société FMA ne demande pas que sa responsabilité soit retenue ni ne présente de demande de condamnation à son encontre ;
Par des mémoires en défense enregistrés le 27 septembre 2018 et le 6 juillet 2021, la société Mutuelle d'assurance du bâtiment et des travaux publics (SMABTP), en sa qualité d'assureur de la société Quatorze IG, représentée par Me Chamard-Sablier conclut dans le dernier état de ses écritures, à titre principal à la confirmation du jugement attaqué en ce qu'il a rejeté les conclusions du MNHM et des sociétés GAP et BTP Consultants d'appel en déclaration de jugement commun, à titre subsidiaire, à la confirmation du jugement attaqué en ce qu'il a rejeté les conclusions d'appel en garantie dirigées contre la société Quatorze IG et a prononcé sa mise hors de cause, à titre très subsidiaire, à la confirmation du jugement attaqué en ce qu'il a rejeté la demande du MNHM tendant à l'indemnisation à hauteur de 50 000 euros des " contraintes dans le suivi des désordres " et à la limitation de la part de responsabilité de la société Quatorze IG à hauteur de 25% des 15% retenus à l'encontre de la maîtrise d'œuvre d'exécution, en limitant l'indemnisation du préjudice du MNHN à la somme maximum de 413 000 euros HT et à ce que la Cour condamne la société Edeis à garantir la société Quatorze IG de toute condamnation qui serait prononcée à son encontre et à ce qu'elle condamne la société FMA ou toute autre partie à lui verser la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- aucune demande de condamnation n'a jamais été dirigée à son encontre, tant par le MNHN en première instance que par la société FMA en appel ; sa mise hors de cause devra donc être confirmée ;
- aucune partie ne sollicite l'infirmation du jugement attaqué en ce qu'il a rejeté les demandes visant à déclarer commun le jugement aux assureurs ; la juridiction administrative est incompétente pour connaître de conclusions relatives à l'application des garanties d'un assureur de droit privé ;
- à titre subsidiaire, elle ne saurait intervenir au titre des garanties souscrites par la société Quatorze IG en raison d'une part, de la connaissance par cette dernière des faits à l'origine du sinistre à la date de la souscription de la police d'assurances, d'autre part, de l'absence de démonstration d'une quelconque faute de la société Quatorze IG ;
- à titre subsidiaire, si le rejet de la demande d'indemnisation à hauteur de 50 000 euros des " contraintes dans le suivi des désordres " doit être confirmé en l'absence de justificatifs, le jugement attaqué sera réformé en ce qu'il a retenu un montant total de 818 000 euros HT au titre des travaux de reprises dès lors que le poste " fourniture, fabrication et pose des menuiseries " doit être évalué à 270 000 euros HT, le poste " frais de maîtrise d'œuvre (DET, PRO et DCE) " doit être ramené à la somme de 5% des travaux, soit une somme de 20 000 euros HT et que la demande au titre du poste " embellissements " devra être rejetée faute de justification ; le préjudice global du MNHN doit être ramené à la somme maximale de 413 000 euros HT ;
- dans l'hypothèse où une part de responsabilité devait être retenue à l'encontre de la maîtrise d'œuvre d'exécution, elle serait imputable à la société Planitec BTP en charge de la mission OPC qui devra supporter 50% des 15% retenus par l'expert et la société Edeis qui devra supporter environ 25% des 15% retenus par l'expert.
Par un mémoire enregistré le 18 octobre 2018, la société Axa France Iard, représentée par Me Moureu, conclut à la confirmation du jugement entrepris en ce qu'il a déclaré le tribunal incompétent pour statuer sur l'appel en déclaration de jugement commun, en ce qu'il n'a pas retenu la responsabilité de la société Quatorze IG, au rejet de l'appel incident formé par les sociétés BTP Consultants et Grudzinski Architecture et Paysage à l'encontre du liquidateur judiciaire de la société MMCSF et à la réformation du jugement en réduisant à un maximum de 20% de la somme de 413 000 euros, soit 82 600 euros, la part de responsabilité revenant à la société MMCSF.
Elle soutient que :
- aucune partie ne sollicite l'infirmation du jugement attaqué en ce qu'il a rejeté les demandes visant à déclarer commun le jugement aux assureurs ; la juridiction administrative est incompétente pour connaître de conclusions relatives à l'application des garanties d'un assureur de droit privé ;
- aucune demande n'est présentée à l'encontre d'Axa France ni en sa qualité d'assureur prétendu de la société Quatorze IG, ni en sa qualité d'assureur prétendu de MMCSF ; le jugement entrepris ne comporte aucune condamnation à l'égard de la société Quatorze IG ; seules les sociétés BTP Consultants et GAP forment à titre subsidiaire un appel en garantie à l'encontre du liquidateur judiciaire de MMCSF par les mêmes motifs que ceux développés en première instance ;
- en ce qui concerne l'étendue réelle des désordres, les constats de l'expert reprennent les observations de la société EFECTIS consultée par le maître d'ouvrage en cours de chantier et consignées dans son rapport technique du 20 juin 2013 qui aboutit à considérer que les six ouvrages menuisés litigieux remplissaient les performances coupe-feu, ce qui a conduit ce laboratoire à émettre un avis de chantier favorable ; les constatations effectuées sur place par l'expert judiciaire n'ont pas permis d'objectiver un vice de conception des ouvrages menuisés mais uniquement à incriminer leur assemblage sur site ;
- le défaut d'identification de l'auteur des malfaçons de pose concerne la moitié des ensembles litigieux ; il en résulte une légitime réduction tant de l'assiette matérielle des désordres que de leur imputabilité à la société MMCSF au regard de l'étendue réelle de ses prestations ;
- en ce qui concerne les pourcentages d'imputabilité issus du rapport d'expertise judiciaire, ce dernier conduit à minorer la responsabilité de la maîtrise d'œuvre d'exécution qui a laissé poser les ouvrages litigieux sans exiger au préalable l'obtention de l'avis de chantier, ce qui engage sa responsabilité dans une plus large mesure que le taux de 15 % suggéré par le rapport ; en tout état de cause, les erreurs de pose et d'assemblage au cours du chantier ne pouvaient échapper à la maîtrise d'œuvre au titre de la direction des travaux ; la responsabilité du contrôle technique qui a été écartée repose sur la production de deux rapports datés du 30 septembre 2013 et 21 janvier 2014 qui ont été rédigés postérieurement au démarrage des opérations expertales ordonnées le 28 août 2013 ; ils sont donc non probants ; en tout état de cause, ils n'établissent pas que la société BTP Consultants aurait exercé pleinement son devoir de conseil et sa responsabilité devrait être largement supérieure au taux de 5 % proposé par l'expert ; le maître d'ouvrage doit voir sa responsabilité engagée en raison du lancement tardif, mi-novembre 2015, d'un nouvel appel d'offres qui a paralysé tout action éventuelle de la société MMCSF ; la résiliation du marché Chapey le 8 octobre 2012 a constitué pour la société MMCSF un cas de force majeure lui interdisant de poursuivre l'exécution des ouvrages ; la responsabilité du maître d'ouvrage ne saurait être inférieure à 20 % ;
- en ce qui concerne le coût des travaux de mise en conformité, le remplacement des ensembles MICF2 et MICF3 ne s'imposent aucunement faute d'établissement de leur prétendue non-conformité ; le poste " embellissements " n'est pas justifié ; l'estimation des frais de maîtrise d'œuvre semble disproportionnée ; les frais relatifs aux études et dossier de consultation ne sont pas justifiées dès lors que ces documents existaient déjà ; le coût d'une direction des travaux est évalué à 5 % ; le coût de la fourniture des menuiseries peut être estimé à environ 196 000 euros hors-taxes ; le coût de la mise en œuvre paraît sur évalué.
Par des mémoires en défense et d'appel incident enregistrés le 19 octobre 2018 et le
28 mars 2019, la société Areas Dommages en qualité d'assureur de la société MMSCF, représentée par Me Cormier conclut au rejet de l'appel en garantie de la société Edeis à l'encontre de la société MMCSF, à la confirmation du jugement attaqué en ce qu'il a jugé la société FMA responsable des désordres, à l'annulation du jugement en ce qu'il a retenu un montant de travaux de reprise à hauteur de 818 000 euros et au rejet de la demande du MNHN.
Elle soutient que :
- l'appel en garantie de la société Edeis formé pour la première fois en appel à l'encontre de la société MMCSF est irrecevable ; contrairement à ce que soutient la société Edeis un appel en garantie ne peut être formé que par une demande de condamnation et non seulement par une demande de fixation des parts de responsabilité ;
- la société FMA ne contestant pas avoir fabriqué les menuiseries dont les défauts de fabrication sont retenus par l'expert comme cause des désordres, elle ne saurait être mise hors de cause comme elle le demande, d'autant qu'elle n'a pas participé aux opérations d'expertise ;
- les sommes retenues par l'expert au titre des travaux réparatoires sont globales et forfaitaires, sans aucun détail des calculs et sur la durée des travaux, et sont surévaluées ; c'est à tort qu'il a considéré que l'ensemble des ouvrages étaient à démolir ; les embellissements ne se justifient pas ; il appartient au MNHM de justifier le coût des travaux qu'il a fait réaliser dans le cadre du nouveau marché.
Par un mémoire enregistré le 25 mars 2019, la société Acte Iard représentée par
Me Mathurin conclut à titre principal à la confirmation du jugement entrepris en ce que le tribunal s'est déclaré incompétent pour statuer sur l'appel en déclaration de jugement commun, au rejet de la requête de la société FMA, ainsi que de toutes les demandes qui pourraient être formulées à son encontre et à l'encontre de la société Quatorze IG et à sa mise hors de cause, à titre subsidiaire, à l'infirmation du jugement attaqué en ce qu'il a retenu un montant de 818 000 euros hors-taxes au titre des travaux de reprise en la réduisant à la somme maximale de 413 000 euros hors-taxes et, en tout état de cause, à la condamnation de la société FMA ou de toute autre partie succombante à lui verser une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la société FMA ne présente aucune demande de condamnation à son encontre ni à l'encontre de son ancienne assurée la société Quatorze IG ; aucune partie en cause d'appel ne formule de demande de condamnation à leur encontre ; aucune des parties ne sollicite l'infirmation du jugement de première instance en ce qu'il a, à bon droit, rejeté l'ensemble des demandes visant à déclarer le jugement commun à l'égard des assureurs ;
- le jugement attaqué ne prononce aucune condamnation à l'encontre de la société Quatorze IG et a rejeté les appels en garantie formulés à l'encontre des assureurs dont la société Acte Iard et le Museum national d'histoire naturelle n'a formulé aucune demande de condamnation à l'encontre de la société Quatorze IG ; la société FMA ne présentant aucune demande de condamnation à son encontre, sa requête d'appel est dépourvue d'objet ;
- les demandes de condamnation à l'encontre de la société Quatorze IG formulées par les sociétés GAP et BTP Consultants ne sauraient prospérer dès lors qu'il n'est pas établi que la société Quatorze IG aurait manqué à sa mission ; il ressort du rapport d'expertise que les désordres sont imputables aux sociétés FMA, MMCSF et Chapey intervenant sur le chantier ; le tribunal administratif n'a retenu aucune condamnation à l'encontre de la société Quatorze IG qui a été parfaitement diligente dans le cadre de sa mission de direction de l'exécution des travaux sous-traités par la société Edeis, anciennement dénommée SNC Lavalin, et qui a attiré à plusieurs reprises l'attention des constructeurs sur les défauts et non-conformités des ouvrages, dès 2011 et en 2012 ; la société Planitec BTP était titulaire de la mission d'OPC et devait à ce titre prendre en charge l'organisation générale du chantier et la coordination des travaux ; en conséquence, la prétendue défaillance dans la surveillance de chantier ne saurait être uniquement imputée à la maîtrise d'œuvre ; c'est donc à tort que le tribunal a mis hors de cause la société Planitec BTP ;
- en ce qui concerne le quantum du préjudice financier, l'évaluation de l'expert n'est fondée sur aucun devis et apparaît excessive.
Par des mémoires en défense enregistrés le 26 mars 2019 et le 17 mai 2019, le Museum d'histoire naturelle (MNHN), représenté par la SCP August Debouzy, conclut au rejet de la requête de la société FMA et de tous les appels incidents et à la condamnation solidaire des " sociétés condamnées " à lui verser la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- les menuiseries conçues par la société MMCSF sont affectées de désordres dans leur conception et les menuiseries conçues par la société FMA sont affectées de désordres dans leur fabrication, de nature à rendre les ouvrages impropres à leur destination ; contrairement à ce que soutient la société FMA, l'expert n'a pas considéré que certains des désordres étaient liés à la pose mais a bien indiqué qu'il s'agissait de désordres dans les ouvrages fabriqués par la société FMA qui rendent nécessaires des travaux réparatoires ; la société FMA, tout comme la société MMCSF ont manqué aux règles de l'art en réalisant des travaux non conformes aux prescriptions techniques du marché ;
- l'expert a chiffré les travaux réparatoires à la somme de 818 000 euros à la suite de très nombreuses réunions et échanges de dires entre les parties ; si un nouvel avis d'appel public à candidature a été publié en novembre 2015, il a été classé sans suite en raison de difficultés financières du Muséum ; en septembre 2017, l'économiste de la construction sollicité par le Museum a estimé le coût de la mise en conformité et de l'achèvement des travaux de menuiseries métalliques intérieures à 1 198 400 euros TTC ;
- en ce qui concerne l'appel incident de la société BTP Consultants, il résulte du rapport d'expertise qu'elle n'a pas satisfait à son obligation de contribution à la prévention des aléas techniques vis-à-vis du maître d'ouvrage ; la mission du contrôleur technique comprend la vérification des niveaux de réaction et de résistance au feu en vertu de l'article 3.4.3.1 du CCAP ; sa responsabilité est donc bien engagée ; la responsabilité solidaire est envisageable pour tous les intervenants à l'opération de construction sans que la société BTP Consultants puisse opposer les dispositions de l'article L. 111-24 alinéa 2 du code de la construction et de l'habitation ;
- en ce qui concerne l'appel incident de la société Edeis et de la société GAP, elles ont commis des fautes contractuelles de nature à engager leur responsabilité dans la mesure où elles ont manqué aux obligations de conception et de suivi de l'exécution des travaux qui se rattachent à leur mission de maîtrise d'œuvre telles que définies par les pièces du marché, en particulier l'article 1. 6 du CCAP du marché ; la société Edeis a engagé sa responsabilité envers le Muséum non seulement en raison des fautes contractuelles qu'elle a elle-même commise mais aussi à raison de celles commises par son sous-traitant la société Quatorze IG ;
- en ce qui concerne l'appel incident de la société Axa France Iard, cette dernière n'est pas plus fondée à soutenir qu'il n'est pas démontré que des désordres seraient imputables à la société MMCSF qu'à reprocher une abstention fautive du maître d'ouvrage dans la gestion du contentieux alors que la société Chapey, dont le marché avait été résilié de plein droit, n'entendait pas réaliser les prestations qu'elle avait intégralement confiées à un tiers ; la force majeure invoquée par l'assureur est inopérante.
Par un courrier du 20 septembre 2021, les parties ont été informées, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, que la décision à intervenir était susceptible d'être fondée sur deux moyens soulevés d'office.
La société SMABTP a produit un mémoire enregistré le 23 septembre 2021 en réponse au moyen d'ordre public soulevé par la Cour.
La société Axa France Iard a produit un mémoire enregistré le 24 septembre 2021 en réponse au moyen d'ordre public soulevé par la Cour.
Vu :
- le code de la construction et de l'habitation ;
- le code des assurances ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme A...,
- les conclusions de Mme Pena, rapporteure publique,
- et les observations de Me Billery, pour le Muséum national d'histoire naturelle, de Me Caleix, pour la société Edeis, de Me Garderes, pour la société Axa France Iard, de Me Cormier, pour la société Areas Dommages, de Me Gritti, pour la société Planitec BTP et de Me Sablier, pour la société SMABTP.
Considérant ce qui suit :
1. Le Muséum national d'histoire naturelle (MNHN) a engagé en 2007 une opération de réaménagement et de modernisation des locaux dits du " Grand Herbier ". Un marché de maîtrise d'œuvre portant sur la réhabilitation et les travaux de restructuration de ce bâtiment a été notifié, le 10 janvier 2007, à un groupement solidaire formé par les sociétés Grudzinski et Poisay Architectes et Lavalin Ile-de-France. Cette dernière a sous-traité la mission de direction d'exécution des travaux (DET) à la société Quatorze IG qui a été agréée par acte spécial du 26 septembre 2011. Le lot n° 8 du marché de travaux, relatif aux menuiseries intérieures, cloisons, doublages, isolation et faux plafonds, a été confié à la société Chapey par acte d'engagement signé le 8 juin 2009. Une partie des travaux de ce lot a été sous-traitée à la société VD Industry et à la société MMCSF, cette dernière ayant été agréée par le MNHN le 28 septembre 2011. La société MMCSF a, à son tour, sous-traité une partie des travaux qui lui avait été confiée à la société FMA, sans que cette sous-traitance ait fait l'objet d'un agrément du maître d'ouvrage. La mission de contrôle technique de l'opération a été confiée à la société BTP Consultants et la mission d'ordonnancement, de pilotage et de coordination (OPC) a été confiée à la société Planitec BTP. A la suite du placement en liquidation judiciaire de la société Chapey, le marché a été considéré comme résilié de plein droit par le MNHN qui a lancé, le 26 octobre 2012 puis le 8 janvier 2013, une nouvelle consultation incluant les travaux de finition des ouvrages du lot n° 8 aux étages du bâtiment du " Grand Herbier ". Pendant cette procédure, les candidats à l'attribution du nouveau marché ont alerté le maître d'ouvrage des malfaçons affectant les ouvrages réalisés, à savoir les châssis et les portes, et de leur absence de conformité aux normes de sécurité contre l'incendie. Le MNHN a demandé au juge des référés du Tribunal administratif de Paris d'ordonner une expertise en vue de recenser les malfaçons, de déterminer leurs causes ainsi que les diverses responsabilités et d'évaluer le coût nécessaire pour remédier à ces désordres. L'expert a déposé son rapport définitif le 19 novembre 2015. Sur le fondement des conclusions de ce rapport, le MNHN a demandé au tribunal administratif la condamnation solidaire, à titre principal, des sociétés Edeis, (anciennement dénommée SNC Lavalin Ile-de-France), Grudzinski Architecture et Paysage (GAP) venant aux droits de la société Grudzinski et Poisay Architectes, BTP Consultants, Chapey, MMCSF et FMA à l'indemniser des préjudices qu'il a subis en raison des désordres affectant les ouvrages réalisés au titre du lot n° 8 du marché de travaux sur le fondement de leur responsabilité contractuelle ou quasi-délictuelle. Par un jugement du 12 avril 2018 dont les sociétés BTP Consultants et FMA relèvent appel, le Tribunal administratif de Paris a condamné solidairement la société Edeis, la société GAP, la société BTP Consultants et la société Chapey à verser au MNHM la somme de 818 000 euros HT au titre des travaux de reprise des désordres affectant les ouvrages réalisés en exécution du lot n°8, a condamné la société Edeis à garantir intégralement la société GAP des condamnations prononcées à son encontre, a condamné la société Edeis, la société Chapey, la société MMCSF et la société FMA à garantir la société BTP Consultants à concurrence, respectivement, de 15%, 10%, 35% et 35% des condamnations prononcées à son encontre, a condamné la société BTP Consultants et la société FMA à garantir la société Edeis à concurrence, respectivement, de 5% et 35% des condamnations prononcées à son encontre.
2. Les requêtes susvisées sont dirigées contre un même jugement. Il y a lieu de les joindre pour qu'il y soit statué par un même arrêt.
Sur la recevabilité des conclusions incidentes des sociétés Axa France Iard et SMABTP :
3. Les sociétés Axa France Iard et SMABTP, qui ne démontrent ni être subrogées dans les droits de leur assurée, respectivement la société MMCSF et la société Quatorze IG, ni d'aucune autre qualité pour agir en leur nom, ne sont pas recevables à présenter des conclusions tendant respectivement à la limitation de la part de responsabilité et de l'indemnisation mise à la charge de la société MMCSF et à la mise hors de cause de la société Quatorze IG, ou subsidiairement à la limitation de la part de responsabilité et de l'indemnisation mise à la charge de cette société, ainsi qu'à appeler en garantie la société Edeis.
Sur l'appel principal de la société BTP Consultants et la responsabilité du contrôleur technique :
4. D'une part, aux termes de l'article L. 111-23, alors en vigueur, du code la construction et de l'habitation : " Le contrôleur technique a pour mission de contribuer à la prévention des différents aléas techniques susceptibles d'être rencontrés dans la réalisation des ouvrages. Il intervient à la demande du maître de l'ouvrage et donne son avis à ce dernier sur les problèmes d'ordre technique, dans le cadre du contrat qui le lie à celui-ci. Cet avis porte notamment sur les problèmes qui concernent la solidité de l'ouvrage et la sécurité des personnes. " Aux termes de l'article L. 111-24, aujourd'hui abrogé, du même code : " (...) Le contrôleur technique n'est tenu vis-à-vis des constructeurs à supporter la réparation de dommages qu'à concurrence de la part de responsabilité susceptible d'être mise à sa charge dans les limites des missions définies par le contrat le liant au maître d'ouvrage. ".
5. D'autre part, l'article 1.9 du cahier des clauses administratives particulières (CCAP) du marché de maîtrise d'œuvre prévoit que : " Le maître d'ouvrage est assisté d'un contrôleur technique qui intervient dans les conditions prévues par le titre II de la loi du 4 janvier 1978 et dans les conditions de la norme NPF 03. 100 relative à la responsabilité et à l'assurance dans le domaine de la construction. Par application du décret n° 99-443 du 28 mai 1999, les missions confiées par le maître d'ouvrage au contrôleur technique sont relatives notamment : à la solidité des ouvrages (mission LP) à la sécurité des personnes (mission SEI) à la solidité des existants (mission LE) au fonctionnement des installations (mission F) " et aux termes de l'article 3.4.1 du cahier des clauses particulières (CCP) de la mission de contrôle technique relatif à l'engagement du contrôleur technique : " Le contrôleur technique s'engage à accomplir tous les actes qui apparaîtront nécessaires compte tenu des natures et domaines d'intervention qui lui sont confiés par le présent marché pour mettre en garde le maître d'ouvrage contre les conséquences des dispositions qu'il est possible de relever à l'examen du projet et des dispositions prises par l'entrepreneur pour en assurer la qualité de l'exécution. Le contrôleur technique est juge, sous sa responsabilité, du caractère de nécessité des actes en cause. Ces actes comprennent en tout premier lieu l'évaluation technique du projet par rapport aux dispositions des documents réglementaires et normatifs existants.". L'article 3.4.2.2 de ce même cahier stipule que : " L'intervention du contrôleur technique pendant l'exécution des travaux comporte autant de visites de chantier qu'il est nécessaire pour renseigner la personne responsable du marché sur le respect par les entreprises des clauses concernant (...) la qualité de l'exécution, notamment lors des phases particulièrement importantes de celle-ci. / Dans ce but, le contrôleur technique : / a) examine les plans et autres documents techniques d'exécution réalisés dans le cadre des marchés de travaux se rapportant aux ouvrages et aux équipements, / b) s'assure que la qualité des produits utilisés dans la construction a été normalement surveillée et qu'elle est appropriée au projet; il doit notamment signaler à la personne responsable du marché les essais qu'il estimerait nécessaire, / (...) g) examine les travaux en cours de réalisation. / (...) Pendant cette phase d'exécution, le contrôleur technique notifie, chaque fois qu'il l'estime nécessaire et suffisamment tôt, ses avis et observations au maître d'ouvrage, de manière à permettre à ce dernier d'obtenir avant réception, les rectifications propres à satisfaire à ces avis et observations qui seront regroupés selon les domaines concernés : solidité des ouvrages, sécurité des personnes, prévention des autres aléas techniques affectant les performances du bâtiment, essais et vérification, et de fonctionnement des installations. (...) ".
6. Il résulte de l'instruction, en particulier des conclusions du rapport du 20 juin 2013 de l'expert en menuiseries métalliques mandaté par le MNHN, la société EFECTIS, relatives à la non-conformité des châssis du bâtiment du " Grand Herbier " aux mesures de sécurité s'appliquant aux lieux recevant du public et des conclusions du rapport d'expertise judiciaire, que les désordres affectant les travaux du lot n° 8 sont de nature à rendre les ouvrages impropres à leur destination. L'expert judiciaire a estimé que " le contrôleur technique n'a pas satisfait à son obligation de contribution à la prévention des aléas techniques vis à vis du maître d'ouvrage ", a relevé qu'" en transmettant au maître d'ouvrage des rapports datés du 30 septembre 2013 et du 21 janvier 2014, la société BTP Consultants n'a pas contribué à la prévention des aléas techniques, les opérations d'expertise étant ordonnées depuis le 26 août 2013 " et a estimé que le contrôleur technique avait concouru à hauteur de 5% à la réalisation des dommages. Si la société BTP Consultants se prévaut de la fiche récapitulative des points bloquants n° 5, qui fait état de l'absence de transmission des procès-verbaux de résistance au feu des châssis ou des portes installés en exécution du lot n° 8, elle ne conteste pas que sa transmission au maître d'ouvrage le 4 mai 2013 soit postérieure à l'interruption des travaux consécutive au placement en liquidation judiciaire de la société Chapey ainsi qu'au commencement de la mission confiée à la société EFECTIS. Par suite, la société BTP Consultants a failli à sa mission d'alerte en temps utile du maître d'ouvrage sur les anomalies affectant les ouvrages et ayant pour effet de rendre ceux-ci impropres à leur destination au regard des exigences de sécurité des personnes. Elle n'est par suite pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal a estimé qu'elle avait commis une faute contractuelle de nature à engager sa responsabilité vis-à-vis du maître de l'ouvrage. Elle n'est pas davantage fondée à soutenir que les dispositions précitées de l'article L. 111-24 du code la construction et de l'habitation alors en vigueur, auraient fait obstacle à la condamnation solidaire du contrôleur technique dès lors qu'il lui est loisible d'appeler en garantie les autres intervenants à l'opération de construction co-responsables des dommages.
Sur les appels incidents et la responsabilité solidaire des membres du groupement de maîtrise d'œuvre :
7. A l'appui de leur demande de mise hors de cause, la société GAP, d'une part, soutient que sa responsabilité ne saurait être engagée dès lors que sa mission était strictement limitée à l'aspect architectural et esthétique du projet et que la maîtrise d'œuvre d'exécution était confié à la seule société Lavalin devenue Edeis, laquelle fait valoir, d'autre part, qu'elle a entièrement sous-traité cette mission à la société Quatorze IG qui l'a parfaitement exécutée et que le sinistre est exclusivement imputable aux sociétés Chapey, titulaire du lot, MMCSF et FMA.
8. Aux termes de l'article 23.1 du cahier des clauses administratives particulières (CCAP) du marché de maîtrise d'œuvre : " Le contrôle de la qualité des travaux fait partie de la mission du maître d'œuvre ". Aux termes de l'article 24.1 du CCAP : " Conformément aux dispositions de l'article 1.6 du présent CCAP, le contrôle de l'exécution des contrats de travaux incombe au maître d'œuvre qui est l'unique responsable du contrôle de l'exécution des ouvrages et qui est l'unique interlocuteur des entrepreneurs. Il est tenu de faire respecter par les entreprises l'ensemble des stipulations du marché de travaux et ne peut y apporter aucune modification, sans accord écrit du maître d'ouvrage ". L'article 31.9 du CCAP stipule que : " (...) b) la maîtrise d'œuvre est tenue d'une obligation de conseil portant sur tous les aspects de sa mission, qui sera entendue de la manière la plus large et l'obligera à attirer l'attention du maître de l'ouvrage sur toutes les difficultés ou questions ressortissant à sa spécialité. ".
9. Il résulte de ces stipulations que la maîtrise d'œuvre confiée au groupement formé par les sociétés Grudzinski et Poisay Architectes et Lavalin Ile-de-France consistait notamment à contrôler la bonne exécution des travaux et à prévenir la survenance de malfaçons en alertant et en conseillant le maître d'ouvrage sur toutes difficultés au nombre desquelles figurait nécessairement une absence de respect par le titulaire d'un lot technique des normes de sécurité incendie. Il résulte de l'instruction que l'expert judiciaire a estimé que la maîtrise d'œuvre avait été défaillante dans l'organisation générale du chantier, la coordination de l'exécution des travaux, la surveillance du respect de la conformité de la réalisation du projet avec les documents d'études de marché et a imputé à la maîtrise d'œuvre d'exécution 15% de responsabilité dans la survenue des dommages. Si la société Edeis fait valoir qu'elle a entièrement sous-traité la mission de maîtrise d'œuvre d'exécution à la société Quatorze IG, sauf dans le cas où leur responsabilité ne peut être utilement recherchée, il appartient en principe au maître d'ouvrage de diriger son action contre les personnes avec lesquels il a conclu un contrat. Par suite, c'est à bon droit que le tribunal a considéré que, du fait des défaillances constatées dans la mission de direction d'exécution du projet incombant à la maîtrise d'œuvre, la responsabilité contractuelle des sociétés Grudzinski Architecture et Paysage et Edeis était engagée quand bien même elles auraient été le fait de la société Quatorze IG en sa qualité de sous-traitante.
10. En l'absence de stipulations contraires, les entreprises qui s'engagent conjointement et solidairement envers le maître de l'ouvrage à réaliser une opération de construction, s'engagent conjointement et solidairement non seulement à exécuter les travaux, mais encore à réparer le préjudice subi par le maître de l'ouvrage du fait de manquements dans l'exécution de leurs obligations contractuelles. Un constructeur ne peut échapper à sa responsabilité conjointe et solidaire avec les autres entreprises co-contractantes, au motif qu'il n'a pas réellement participé aux travaux révélant un tel manquement, que si une convention, à laquelle le maître de l'ouvrage est partie, fixe la part qui lui revient dans l'exécution des travaux.
11. L'article 2.1 du CCAP du marché de maîtrise d'œuvre relatif aux pièces constitutives du marché énumère les annexes à l'acte d'engagement : " l'annexe 1 : demandes d'acceptation des sous-traitants et d'agrément des conditions de paiement du contrat de sous-traitance, l'annexe 2 : organigramme du groupement et composition des équipes au stade de la conception, annexe 3 : décomposition des forfaits de rémunération et répartition des honoraires entre les co-traitants du groupement ".
12. Si, pour contester sa condamnation solidaire avec la société Edeis, la société GAP se prévaut d'une note méthodologique définissant la répartition des tâches entre les membres du groupement, il résulte de l'instruction que ce document, qui n'est pas contresigné par le maître d'ouvrage et ne peut être considéré comme une convention à laquelle le MNHN était partie, ne figure pas au nombre des pièces constitutives du marché énumérées à l'article 2.1 précité du CCAP. Par suite, c'est à bon droit que le tribunal a jugé que les sociétés GAP et Edeis étaient solidairement responsables de la totalité des préjudices causés au maître d'ouvrage par la faute contractuelle commise par l'une d'entre elles au titre de la maîtrise d'œuvre d'exécution.
Sur le montant des préjudices :
13. Il résulte du rapport d'expertise que l'expert a évalué les travaux nécessaires à la réparation des désordres affectant les ouvrages menuisés à la somme globale de 818 000 euros HT, incluant les frais de dépose et d'enlèvements des existants, de protection des cloisons provisoires, de fabrication et de pose de nouvelles menuiseries, de frais de maîtrise d'œuvre, d'étude et de conception, de contrôle technique, de sécurité et de " reprise des embellissements ", et contestée tant par les parties appelantes qu'intimées. Elles font valoir que les sommes retenues par l'expert sans aucun devis sont forfaitaires et surévaluées, sans aucun détail des calculs opérés et de la durée des travaux à exécuter. Elles contestent également que l'ensemble des ouvrages seraient à démolir et font valoir que " les embellissements " ne se justifient pas. Il résulte toutefois du rapport d'expertise que l'expert estime que des travaux de reprise sont incompatibles avec les objectifs performanciels des ouvrages et que procéder à de tels travaux ne serait pas de nature à permettre aux ouvrages de répondre aux exigences souhaitées. Il estime indispensable de procéder à un démontage des existants, à une évacuation en décharge sans réemploi et à la mise en place d'ouvrages conformes aux procès-verbaux EFECTIS tant pour la partie conception que pour la partie mise en œuvre. Si les travaux réparatoires ont été chiffrés en l'absence de devis, aucune partie n'a produit de devis au cours des opérations d'expertise comme elle en avait la possibilité ainsi que le relève l'expert, tout comme au cours de la procédure de première instance et d'appel. En outre, si un nouvel avis d'appel public à candidature pour la réalisation des travaux de menuiseries métalliques intérieures a été publié en novembre 2015, le MNHN soutient sans être contredit qu'il a été classé sans suite en raison de difficultés financières. Enfin, ce dernier produit une estimation du coût de la mise en conformité et de l'achèvement des travaux réalisée par un économiste de la construction, le cabinet Aude Masson, sollicité par le Museum qui a estimé le montant total des travaux à la somme de 1 198 400 euros TTC en septembre 2017. Par suite, en l'absence de démonstration du caractère excessif de l'évaluation des travaux retenue par l'expert, et en l'absence de contestation par le MNHN du rejet de sa demande au titre des préjudices résultant des contraintes dans le suivi des désordres, il y a lieu de confirmer l'estimation des préjudices de ce dernier, retenue par les premiers juges.
Sur les appels en garantie :
Sur l'appel principal de la société FMA :
14. La société FMA qui a été condamnée à garantir la société BTP Consultants à hauteur de 35 % du montant de la condamnation solidaire mise à sa charge et la société Edeis à hauteur de
35 % du montant de sa condamnation solidaire, se borne à demander à la Cour de rejeter les conclusions d'appel en garantie de la société Edeis à son encontre. Elle soutient qu'elle n'a commis aucune faute ni dans la pose des menuiseries dont elle n'était pas chargée, ni dans leur fabrication dès lors qu'elle a exécuté les plans conçus par la société MMCSF qui n'a émis aucune réserve lors de leur réception. Toutefois, il ressort tant du rapport d'EFECTIS que du rapport judiciaire, que les menuiseries que la société FMA a en partie fabriquées sont affectées de malfaçons et ne sont pas conformes aux normes de sécurité incendie. Si elle a produit en première instance trois procès-verbaux de classement relatifs à la résistance au feu d'une cloison avec vitrage, d'un bloc porte vitrée et d'un ventail pivotant demandés par la société Verotech Saint Gobain International, elle n'établit pas qu'ils concerneraient la totalité des ensembles menuisés dont elle assurait la fourniture. En outre, contrairement à ce qu'elle soutient, l'expert n'a retenu sa responsabilité que pour une partie des menuiseries fabriquées et ne retient aucune responsabilité de sa part pour la pose des ouvrages. En outre, si elle conteste les conclusions de l'expert qui lui a imputé 35% de part de responsabilité dans la survenue des dommages, il résulte du rapport qu'elle n'a été présente à aucune opération d'expertise en dépit des convocations qui lui ont été adressées et n'a produit aucune des pièces qui lui ont été demandées à de nombreuses reprises par l'expert. Pas plus en appel qu'en première instance elle n'établit être étrangère aux désordres affectant les menuiseries ni ne démontre le caractère excessif du taux de responsabilité de 45% des 80% imputables aux intervenants du lot n° 8, retenu par l'expert. Elle n'est, par suite, pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal l'a condamnée à garantir la société BTP Consultants à hauteur de 35 % du montant de la condamnation solidaire mise à sa charge.
Sur les conclusions subsidiaires de la société BTP Consultants :
15. La société BTP Consultants demande à titre subsidiaire la condamnation " in solidum " de la société Edeis, de la société Quatorze IG, de la société FMA, de Me de Keating es qualités de liquidateur de la société Chapey et de Me Hazane es qualités de liquidateur de la société MMCSF, à la garantir intégralement de la condamnation solidaire prononcée à son encontre. Toutefois, dès lors qu'il a été dit au point 6 que le tribunal a retenu à bon droit l'existence d'une faute contractuelle du contrôleur technique, et compte tenu du partage général des responsabilités dans l'apparition des désordres retenu par l'expert, c'est à bon droit que le tribunal a condamné à l'article 6 du jugement attaqué les sociétés Edeis, Chapey, MMCSF et FMA à la garantir à hauteur respectivement de 15%, 10%, 35% et 35% des préjudices indemnisables du MNHN et en laissant à sa charge une part de 5% de ce montant.
Sur les conclusions d'appel incident et provoqués :
16. Si par la voie de l'appel incident, la société Edeis demande l'annulation du jugement attaqué en ce qu'il l'a condamnée à garantir la société BTP Consultants à concurrence de 15% des condamnations prononcées à son encontre, il résulte de l'instruction que l'expert impute à la maîtrise d'œuvre 15 % de part de responsabilité dans la survenue des dommages et la société Edeis n'apporte pas plus en appel qu'en première instance d'éléments de nature à atténuer cette responsabilité.
17. Si la société Edeis demande également que la Cour procède au partage de responsabilité entre les membres du groupement de maîtrise d'œuvre, dès lors que le tribunal a fait droit aux conclusions de MNHN de condamnation solidaire, il lui appartenait pour obtenir un partage de responsabilité de présenter des conclusions d'appel en garantie. Elle demande, en outre, à titre subsidiaire l'annulation du jugement attaqué en ce qu'il l'a condamnée à garantir intégralement la société GAP des condamnations prononcées à son encontre. Toutefois, le rejet de l'appel principal de la société BTP en vue d'obtenir la décharge ou la réduction de la condamnation solidaire prononcée à son encontre, retenue au points 7 à 12 du présent arrêt, ou subsidiairement, d'être déchargée de son obligation de garantir la société Edeis retenue au point 15, entraîne l'irrecevabilité de l'appel provoqué de cette dernière visant à être déchargée de son obligation de garantir intégralement la société GAP. En tout état de cause, il résulte de l'instruction que cette dernière en tant qu'architecte n'a aucune responsabilité dans les désordres affectant les travaux du lot n° 8. Il y a donc lieu de confirmer la condamnation de la société Edeis, en tant que membre du groupement solidaire de maîtrise d'œuvre responsable de l'intégralité de la faute contractuelle, à la garantir intégralement.
18. Par la voie de l'appel provoqué, la société GAP demande à titre subsidiaire la condamnation " in solidum " de la société Edeis, de la société Quatorze IG, de la société FMA, de Me de Keating es qualités de liquidateur de la société Chapey et de Me Hazane es qualités de liquidateur de la société MMCSF, à la garantir intégralement des condamnations prononcées à son encontre. Toutefois, les premiers juges ont condamné la société Edeis à la garantir intégralement de la condamnation solidaire prononcée à son encontre. Par conséquent, ni l'appel principal de la société BTP en vue d'obtenir la décharge ou la réduction de la condamnation solidaire prononcée à son encontre ou subsidiairement d'être déchargée de son obligation de garantir la société Edeis, ni celui de la société FMA qui vise seulement à être déchargée de son obligation de garantir la société Edeis des condamnations prononcées à l'encontre de celle-ci, ne sont susceptibles d'aggraver sa situation. Par suite ces conclusions sont irrecevables.
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
19. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de rejeter les conclusions des parties présentées au titre de ces dispositions.
DÉCIDE :
Article 1er : Les requêtes de la société BTP Consultants et de la société FMA, ainsi que les conclusions des autres parties sont rejetées.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société BTP Consultants, à la société FMA, au Muséum national d'histoire naturelle, à Me de Keating en qualité de liquidateur de la société Chapey, à
Me Hazane en qualité de liquidateur de la société MMCSF, à la société Edeis, à la société Grudzinski Architecture et Paysage, à la société Planitec BTP, à la société VD Industry, à la société Quatorze IG, à la société Aréas Assurances, à la société Axa France IARD, à la société Equinox CA Europe Limited, à la société Acte IARD, à la société SMABTP et à la société Amlin Insurance SE.
Délibéré après l'audience publique du 28 septembre 2021, à laquelle siégeaient :
- M. Ivan Luben, président de chambre,
- Mme Marianne Julliard, présidente-assesseure,
- Mme Gaëlle Mornet, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 19 octobre 2021.
La rapporteure,
M. A...Le président,
I. LUBEN
Le greffier,
E. MOULIN
La République mande et ordonne à la ministre de la culture en ce qui la concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 18PA01945, 18PA01975