Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 10 septembre 2018, Mme C... D..., en qualité de représentante légale de la SAS Reçu Point de Permis de Conduire (RPPC), représentée par Me E..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1708803-1708798 du 9 juillet 2018 du tribunal administratif de Paris ;
2°) d'annuler la décision du 28 mars 2017 par laquelle le préfet de police a refusé la validation des stages de sensibilisation à la sécurité routière organisés les 17 et 18 février 2017 et la décision du 3 avril 2017 par laquelle il a refusé la validation des stages de sensibilisation à la sécurité routière organisés les 1er et 2 mars 2017 ;
3°) d'enjoindre au préfet de police de valider les stages dans un délai d'un mois à compter de la signification de la décision à intervenir, sous astreinte de 1 500 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- les décisions attaquées, prises au seul visa de l'article 6 de l'arrêté du 26 juin 2012 fixant les conditions d'exploitation des établissements chargés d'organiser les stages de sensibilisation à la sécurité routière, ne sont pas suffisamment motivées en droit ;
- ces décisions méconnaissent l'arrêté du 26 juin 2012 ; elle a prévenu l'administration dans le délai de deux mois prévu par l'article 6 en cas de changement de locaux ; aucun texte ne prévoit qu'un changement de salle doive faire l'objet d'un arrêté modificatif ; en l'absence de texte, la circonstance que les stages auraient été organisés dans une salle qui n'aurait pas été préalablement agréée ne saurait justifier un refus de validation ; les décisions attaquées, qui lui ont causé un préjudice financier, présentent le caractère de sanctions ;
- la visite de la salle étant facultative, elle n'avait pas à établir qu'une précédente visite avait été effectuée pour un autre organisme.
Par un mémoire, enregistré le 16 octobre 2018, le préfet de police indique que la défense de l'Etat sera assurée par le ministre de l'intérieur.
Par un mémoire en défense, enregistré le 19 août 2019, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête.
Il soutient que la requête est irrecevable dès lors que Mme D..., qui se prévaut de sa qualité de représentante légale de la SARL RPPC, en liquidation judiciaire depuis le
14 septembre 2016 et dont elle n'était plus gérante depuis le 15 août 2015, ne justifie pas de sa capacité à agir au nom et pour le compte de cette société ; à titre subsidiaire, que les moyens de la requête ne sont pas fondés.
Par ordonnance du 16 juillet 2019, la clôture de l'instruction a été fixée au 16 septembre 2019.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de la route ;
- l'arrêté du 26 juin 2012 fixant les conditions d'exploitation des établissements chargés d'organiser les stages de sensibilisation à la sécurité routière ;
- l'arrêté du 26 juin 2012 relatif à l'autorisation d'animer les stages de sensibilisation à la sécurité routière ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme A...,
- les conclusions de Mme Pena, rapporteur public,
- et les observations de Me E..., pour la société RPPC.
Considérant ce qui suit :
1. Par un arrêté du 20 avril 2015, le préfet de police a autorisé Mme C... D..., gérante de la SARL Reçu Points Permis de Conduire (RPPC), à organiser des stages de sensibilisation à la sécurité routière pour l'établissement situé au 42 rue des Mousses à Marseille et il a également habilité l'établissement à organiser des stages dans la salle de formation Galliéni CISP Kellermann, 17 boulevard Kellermann 75013 à Paris. Dans le courant du mois de novembre 2016, Mme D... a avisé le préfet de police d'un changement de salle et a demandé que les stages puissent être organisés à l'hôtel Ibis Styles, 21 rue de Tolbiac dans le 13ème arrondissement. Par un premier arrêté en date du 9 février 2017, son dossier a été déclaré complet et, par un second arrêté du 12 avril 2017, le préfet de police a modifié l'agrément délivré pour tenir compte de ce changement de salle. Cependant, dans l'intervalle, par deux décisions des 28 mars 2017 et 3 avril 2017, le préfet a, refusé de valider les stages de sensibilisation à la sécurité routière organisés par la société RPPC les 17 et 18 février 2017 et
1er et 2 mars 2017, au motif qu'ils avaient été organisés dans une salle qui, à ces dates, n'avait pas encore été agréée. Mme D..., en qualité de représentante légale de la SAS RPPC, relève appel du jugement du 9 juillet 2018 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté ses demandes tendant à l'annulation de ces deux décisions.
Sur les fins de non-recevoir opposées par le ministre de l'intérieur :
2. L'autorisation d'organiser des stages de sensibilisation à la sécurité routière est délivrée à un établissement caractérisé par un exploitant, personne physique nommément désignée. Il est constant que les décisions litigieuses concernent la SAS RPPC, dont Mme D... est la présidente et représentante légale, qui a succédé à la SARL RPPC. Dès lors, et quand bien même Mme D... ne serait plus la gérante depuis le 15 août 2015 de la SARL RPPC, mise en liquidation le 14 septembre 2016, elle justifie d'un intérêt suffisant et de sa qualité à attaquer les décisions qu'elle conteste.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
3. Il résulte des dispositions de l'article L. 213-1 du code de la route que l'animation des stages de sensibilisation à la sécurité routière mentionnés à l'article L. 223-6 du même code ne peut être organisée que par un établissement dont l'exploitation est subordonnée à un agrément délivré par l'autorité administrative. En vertu des dispositions de l'article R 223-8 du même code, à l'issue d'un stage et au vu de l'attestation délivrée par le titulaire d'un agrément à toute personne l'ayant suivi dans le respect de conditions d'assiduité et de participation fixées par arrêté ministériel, le préfet procède à la reconstitution du nombre de points.
4. Il résulte des dispositions combinées des articles R. 212-1, R. 213-2 du code de la route, que l'autorisation d'animer les stages de sensibilisation est délivrée, pour une durée de cinq ans, à la personne assurant l'exploitation effective d'un établissement organisant des stages justifiants, notamment, de garanties minimales concernant les locaux. L'article 2 de l'arrêté du 26 juin 2012 fixant les conditions d'exploitation des établissements chargés d'organiser les stages de sensibilisation à la sécurité routière, prévoit que, parmi les pièces devant figurer au dossier de demande d'agrément, figurent les caractéristiques des salles dans lesquelles les stages sont organisés, lesquelles doivent être décentes et répondre à des conditions de sécurité. Dans sa version en vigueur à la date des décisions litigieuses, l'article 6 de ce même arrêté dispose qu'en cas de changement de salle, l'exploitant d'un établissement agréé doit adresser au préfet, au plus tard deux mois avant la date du changement, une demande de modification accompagnée, entre autres, des pièces justifiant de la conformité des locaux à leur destination. Le préfet a la possibilité de faire vérifier cette conformité par une visite des lieux.
5. Enfin, les articles 8 et 9 de l'arrêté du 26 juin 2012 fixant les conditions d'exploitation des établissements chargés d'organiser les stages de sensibilisation à la sécurité routière d'une part, d'autre part, les articles 6 et 7 de l'arrêté du même jour relatif à l'autorisation d'animer les stages de sensibilisation à la sécurité routière, fixent le régime des sanctions susceptibles d'être infligées aux organisateurs de stage pour des manquements limitativement énumérés. Ces sanctions sont le retrait et la suspension de l'agrément.
6. Le préfet de police a refusé de valider les stages organisés par la SAS RPPC les 17 et 18 février 2017 et 1er et 2 mars 2017 au motif, qu'à ces dates, la salle dans laquelle ils avaient été organisés n'avait pas encore été agréée. Ce refus de validation sanctionne le retard mis par la société à produire des documents qui lui avaient été réclamés. Si la société RPPC n'a pas fait diligence pour produire les pièces demandées dans le cadre de l'instruction de sa demande de transfert de salle, le refus de validation des stages n'est cependant pas au nombre des sanctions prévues par les deux arrêtés du 26 juin 2012 mentionnés au point précédent, et le retard mis par un organisateur à compléter son dossier en cas de changement de locaux ne figure pas au nombre des manquements pour lesquels une sanction est prévue. Il en résulte que le préfet ne tirait d'aucun texte le pouvoir de refuser de valider les stages pour le motif opposé à la société RPPC. Dans ces conditions, les décisions contestées, qui présentent le caractère d'une sanction qui au demeurant pénalise tout autant les stagiaires que l'organisateur des stages, sont dépourvues de base légale.
7. Il résulte ainsi de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que la société RPPC est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.
Sur les conclusions à fins d'injonction sous astreinte :
8. Aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution ". Aux termes de l'article L. 911-3 du même code : " La juridiction peut assortir, dans la même décision, l'injonction prescrite en application des articles L. 911-1 et L. 911-2 d'une astreinte qu'elle prononce dans les conditions prévues au présent livre et dont elle fixe la date d'effet ".
9. Le présent arrêt implique nécessairement qu'il soit enjoint au préfet de police de valider dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt, s'il ne l'a pas déjà fait, les stages de sensibilisation à la sécurité routière organisés par la société Reçu Points Permis de Conduire les 17 et 18 février 2017 et les 1er et 2 mars 2017. Il n'y a en revanche pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'assortir cette injonction d'une astreinte.
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
10. Il y a lieu dans les circonstances de l'espèce de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros à verser à la société Reçu Points Permis de Conduire au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1708803-1708798 du 9 juillet 2018 du tribunal administratif de Paris et les décisions du 28 mars 2017 et du 3 avril 2017 par lesquelles le préfet de police a refusé la validation des stages de sensibilisation à la sécurité routière organisés par la société Reçu Points Permis de Conduire les 17 et 18 février 2017 et 1er et 2 mars 2017 sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet de police, s'il ne l'a pas déjà fait, de valider les stages de sensibilisation à la sécurité routière organisés par la société Reçu Points Permis de Conduire les 17 et 18 février 2017 et les 1er et 2 mars 2017 dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 3 : L'Etat versera à la société Reçu Points Permis de Conduire une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la société Reçu Points Permis de Conduire et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée pour information au préfet de police
Délibéré après l'audience publique du 5 novembre 2019 à laquelle siégeaient :
- M. Bernier, président-assesseur, assurant la présidence de la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,
- Mme A..., premier conseiller,
- Mme Mornet, premier conseiller.
Lu en audience publique le 19 novembre 2019.
Le rapporteur,
M-F... A... Le président de la formation de jugement,
Ch. BERNIER Le greffier,
E. MOULIN
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui la concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 10PA03855
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N° 18PA03024