Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 6 février 2018, le préfet de police demande à la cour d'annuler ce jugement et de rejeter la demande de M.A....
Il soutient que :
- M. A...a bien reçu, dans une langue qu'il comprend, les informations visées à l'article R. 556-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA) lors de la notification de l'arrêté de placement en rétention, le 2 novembre 2017, ainsi que lors de son arrivée au centre de rétention ;
- la circonstance que ces informations ne lui auraient pas été de nouveau délivrées lorsqu'il a sollicité le 11 décembre 2017 le réexamen de sa demande d'asile n'a pas eu pour effet de le priver d'une garantie et n'a pas eu d'incidence sur le sens de la décision de l'OFPRA qui a rejeté sa demande pour tardiveté ;
- la décision de l'OFPRA comporte les voies et délais de recours ;
- c'est donc à tort que le tribunal a retenu le moyen tiré de l'irrégularité de la procédure pour annuler son arrêté du 11 décembre 2017 ;
- les autres moyens soulevés devant le tribunal administratif n'étaient pas fondés.
La requête a été communiquée à M.A..., qui n'a pas présenté de mémoire en défense.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié, relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour en France des ressortissants algériens et de leurs familles ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 et son décret d'application n° 91-1266 du 19 décembre 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Bernier a été entendu au cours de l'audience publique.
1. Considérant que M.A..., ressortissant nigérian né le 17 août 1980, entré en France de façon irrégulière en 2013, a été placé en retenue administrative après un contrôle d'identité le 2 novembre 2017 ; qu'il a fait l'objet, le même jour, d'une obligation de quitter le territoire français et a été placé en centre de rétention administrative ; que le 11 décembre 2017, M. A... a déclaré désirer effectuer une demande d'asile et a reçu le formulaire correspondant qu'il a ensuite remis au fonctionnaire du centre de rétention ; que le même jour, le préfet de police a maintenu M. A...en centre de rétention le temps nécessaire à l'examen de sa demande par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et, en cas de rejet, jusqu'à son départ de France ; que le préfet de police relève régulièrement appel du jugement du 15 décembre 2017 par lequel le tribunal administratif de Paris a retenu le moyen tiré de l'irrégularité de la procédure pour annuler l'arrêté de maintien en rétention ;
Sur le motif d'annulation retenu par le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Paris :
2. Considérant d'une part qu'aux termes de l'article L. 551-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " A son arrivée au centre de rétention, l'étranger reçoit notification des droits qu'il est susceptible d'exercer en matière de demande d'asile. A cette fin, il peut bénéficier d'une assistance juridique et linguistique. Il lui est notamment indiqué que sa demande d'asile ne sera plus recevable pendant la période de rétention si elle est formulée plus de cinq jours après cette notification... " ;
3. Considérant d'autre part qu'aux termes de l'article L. 556-1 du même code : " Lorsqu'un étranger placé en rétention en application de l'article L. 551-1 présente une demande d'asile, l'autorité administrative peut, si elle estime, sur le fondement de critères objectifs, que cette demande est présentée dans le seul but de faire échec à l'exécution de la mesure d'éloignement, maintenir l'intéressé en rétention le temps strictement nécessaire à l'examen de sa demande d'asile par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et, en cas de décision de rejet ou d'irrecevabilité de celui-ci, dans l'attente de son départ.(...). La décision de maintien en rétention est écrite et motivée.../ L'étranger peut demander au président du tribunal administratif l'annulation de la décision de maintien en rétention dans les quarante-huit heures suivant sa notification pour contester les motifs retenus par l'autorité administrative pour estimer que sa demande d'asile a été présentée dans le seul but de faire échec à l'exécution de la mesure d'éloignement... " ;
4. Considérant enfin qu'aux termes de l'article R. 556-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger maintenu en centre ou local de rétention administrative qui souhaite demander l'asile est informé, sans délai, dans une langue qu'il comprend ou dont il est raisonnable de penser qu'il la comprend, de la procédure de demande d'asile, de ses droits et de ses obligations au cours de cette procédure, des conséquences que pourrait avoir le non-respect de ces obligations ou le refus de coopérer avec les autorités et des moyens dont il dispose pour l'aider à présenter sa demande " ;
5. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. A... a reçu, avec l'assistance d'un interprète, l'ensemble des informations prévues par l'article L. 551-3 précité dès son arrivée au centre de rétention le 2 novembre 2017 et qu'il a été mis en mesure de déposer en temps utile sa demande d'asile ; que la demande d'asile formulée le 11 décembre 2017 étant tardive et de ce fait vouée au rejet, la circonstance que M. A...n'ait pas reçu lorsqu'il l'a déposée l'ensemble des informations prévues par les dispositions précitées de l'article R. 556-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile n'a pas été susceptible d'exercer, en l'espèce, une influence sur le sort réservé à sa demande et n'a pas privé l'intéressé d'une garantie ; qu'en tout état de cause, le vice de procédure retenu par le premier juge est sans incidence sur la légalité de la décision contestée qui se borne à prononcer son maintien en rétention administrative le temps de l'examen de sa demande d'asile ; que, par suite, le préfet de police est fondé à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Paris s'est fondé sur la circonstance que les informations prévues par l'article R. 556-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile n'avaient pas été communiquées à M. A...quand ce dernier a effectivement formé sa demande d'asile le 11 décembre 2017, pour annuler l'arrêté du même jour prolongeant la rétention ;
6. Considérant, toutefois, qu'il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. A...devant la juridiction administrative ;
7. Considérant que si M. A...soutient qu'il n'aurait pas été mis en mesure de comprendre parfaitement la teneur de l'arrêté du 11 décembre 2017 prolongeant sa rétention, les conditions de notification de cette décision sont sans incidence sur sa légalité ; qu'au demeurant, elles ne l'ont pas privé de la possibilité de contester utilement cet arrêté devant le tribunal administratif ;
8. Considérant que le préfet de police a visé le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, notamment les articles L. 551-1 à L. 551-3 ; que l'arrêté mentionne que M. A...a fait l'objet d'une mesure d'éloignement à laquelle il s'est soustrait après le rejet de sa précédente demande d'asile par la Cour nationale du droit d'asile le 1er octobre 2014, et que sa demande de réexamen, formulée hors délai le 11 décembre 2017, qui a conduit l'administration à annuler le vol prévu le 12, présente un caractère dilatoire, enfin que l'intéressé est dépourvu de documents de voyage ou d'identité valides ; que cet arrêté qui comporte l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement est suffisamment motivé ;
9. Considérant qu'il ressort de la motivation de décision contestée que le préfet de police s'est livré à un examen particulier de la situation personnelle de M. A...;
10. Considérant qu'entre son interpellation intervenue le 2 novembre 2017, au cours de laquelle il a été mis en mesure de faire valoir auprès de l'autorité de police tous les éléments relatifs à sa situation personnelle, puis son placement en rétention le même jour, quand lui ont été remis par le truchement d'un interprète l'ensemble des informations utiles pour le dépôt d'une nouvelle demande d'asile, et la décision contestée du 11 décembre 2017, M. A...a été mis en mesure d'être entendu par l'autorité administrative ; que le principe posé par le 2 de l'article 41 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne n'a donc pas été méconnu ; qu'en tout état de cause, le moyen tiré de ce que le préfet de police n'aurait pas examiné les risques encourus par M. A...en cas de retour au Nigeria est inopérant à l'encontre de l'arrêté de maintien en rétention, qui n'a ni pour objet, ni pour effet de désigner le pays à destination duquel l'intéressé pourra être renvoyé ;
11. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier qu'une précédente demande d'asile de M. A...avait été rejetée le 1er octobre 2014 par la Cour nationale du droit d'asile ; que lors de son interpellation le 2 novembre 2017, puis lorsque lui ont été remis au centre de rétention l'ensemble des informations utiles pour le dépôt éventuel d'un nouvelle demande d'asile et dans les jours qui ont suivi, le requérant n'a pas exprimé de craintes particulières quant aux risques auxquels il serait exposé en cas de renvoi au Nigéria ; qu'il a attendu la veille du vol prévu pour son retour pour formuler une demande de réexamen par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, au demeurant manifestement tardive ; qu'il n'a fourni à l'administration, ni au demeurant à la cour, aucun élément relatif à ses craintes qu'il a formulées dans des termes particulièrement généraux ; que dans ces conditions, le préfet de police, qui a pu à juste titre estimer que la demande d'asile formulée par M. A...n'avait d'autre objet que de faire échec à l'exécution de la mesure d'éloignement, n'a pas méconnu les dispositions précitées de l'article L. 556-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en décidant le maintien en rétention de l'intéressé ;
12. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le préfet de police est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté du 11 décembre 2017.
DECIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1719005/8 du 15 décembre 2017 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Paris est annulé.
Article 2 : La demande présentée par M. A...devant le tribunal administratif de Paris est rejetée.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à M. B...C...A.... Copie sera adressée pour information au préfet de police.
Délibéré après l'audience du 6 novembre 2018, à laquelle siégeaient :
- M. Bouleau, premier vice-président,
- M. Bernier, président assesseur,
- Mme Pena, premier conseiller,
Lu en audience publique, le 20 novembre 2018.
Le rapporteur,
Ch. BERNIERLe président,
M. BOULEAU
Le greffier,
A. DUCHER
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 10PA03855
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N°18PA00409