Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 9 avril 2018, et un mémoire enregistré le 1er octobre 2018, MmeA..., représentée par MeD..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet du Val-de-Marne du 31 mai 2016 ;
3°) d'enjoindre au préfet du Val-de-Marne, dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt et sous astreinte de 10 euros par jour de retard, de lui délivrer un titre de séjour et, à défaut, dans le même délai et sous la même astreinte, de procéder au réexamen de sa situation ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 200 euros à verser à Me D...en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Mme A...soutient que :
- elle a fait l'objet de violences conjugales et l'arrêté méconnaît donc les dispositions de l'article L. 313-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- l'arrêté méconnaît les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et porte atteinte à son droit à une vie privée et familiale garanti pas l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'arrêté méconnaît les stipulations du 1 de l'article 3 de la convention relative aux droits de l'enfant du 26 janvier 1990 ;
- l'arrêté est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle.
La requête a été communiquée au préfet du Val-de-Marne qui n'a pas présenté de mémoire en défense.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention relative aux droits de l'enfant signée à New York le 26 janvier 1990 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Bernier,
- et les observations de MeD..., représentant MmeA....
1. Considérant que MmeA..., de nationalité cambodgienne, entrée en France le
17 février 2014 sous couvert d'un visa de long séjour en qualité de conjoint de ressortissant français, a bénéficié d'un titre portant la mention " vie privée et familiale " valable du 10 février 2015 au 9 février 2016 ; que par un arrêté du 31 mai 2016, le préfet du Val-de-Marne a rejeté la demande de renouvellement de ce titre qu'elle avait présentée sur le fondement de l'article
L. 313-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que Mme A...relève appel du jugement du 25 juillet 2017 par lequel le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté ;
Sur les conclusions aux fins d'annulation :
2. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : / (...) 4° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, marié avec un ressortissant de nationalité française, à condition que la communauté de vie n'ait pas cessé depuis le mariage, que le conjoint ait conservé la nationalité française et, lorsque le mariage a été célébré à l'étranger, qu'il ait été transcrit préalablement sur les registres de l'état civil français " ; que l'alinéa 2 de l'article L. 313-12 du même code prévoit que : " Le renouvellement de la carte de séjour délivrée au titre du 4° de l'article L. 313-11 est subordonné au fait que la communauté de vie n'ait pas cessé, sauf si elle résulte du décès du conjoint français. Toutefois, lorsque l'étranger a subi des violences familiales ou conjugales et que la communauté de vie a été rompue, l'autorité administrative ne peut procéder au retrait du titre de séjour de l'étranger et en accorde le renouvellement. En cas de violence commise après l'arrivée en France du conjoint étranger mais avant la première délivrance de la carte de séjour temporaire, le conjoint étranger se voit délivrer, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, une carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" " ;
3. Considérant qu'il est constant qu'à la date de l'arrêté contesté, la communauté de vie entre Mme A...et son conjoint avait cessé ; que l'intéressée fait valoir qu'elle s'est séparée de son conjoint en raison des violences physiques et morales exercées par celui-ci à son encontre et vis-à-vis de son fils ; qu'elle produit à cette fin les copies de mains courantes déposées le 10 juin 2015, le 10 juillet 2015 et le 28 septembre 2015 pour " différends entre époux ", des procès-verbaux dressés par les services de police les 14 septembre et 15 octobre 2015 à l'occasion d'un dépôt de plainte pour violences volontaires aggravées, le compte-rendu d'un entretien psychiatrique mené à la suite de ce dépôt de plainte et l'attestation d'une compatriote évoquant une altercation qui aurait eu lieu entre les époux en 2014 ; que ces pièces ne font que reproduire les dires de l'intéressée ou d'une de ses proches et ne permettent pas ainsi d'établir la réalité des violences psychologiques alléguées, ni celle des violences physiques ; que l'intéressée n'a pas fait établir de certificat médical et n'a pas non plus fait de demande de protection auprès du juge aux affaires familiales alors qu'elle avait été informée de cette possibilité à l'occasion de son dépôt de plainte ; qu'enfin, il ne ressort pas des pièces du dossier que le Parquet aurait entamé des poursuites contre le conjoint de la requérante ; que dans ces conditions et compte tenu du caractère insuffisamment probant des éléments produits par MmeA..., le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 313-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté ;
4. Considérant, en deuxième lieu qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales: " 1°) Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2°) Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ; qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) / 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République (...) " ;
5. Considérant que l'intéressée fait valoir qu'elle démontre une intégration exemplaire dès lors qu'elle a obtenu un diplôme de langue française, que son fils est scolarisé depuis leur arrivée en France et qu'elle a signé, 31 janvier 2015, un contrat à durée déterminée de serveuse dans un restaurant cambodgien ; que toutefois, Mme A...a vécu au Cambodge jusqu'à son arrivée en France à l'âge de trente-trois ans en 2014 et n'établit pas être dépourvue d'attaches familiales dans son pays d'origine ; que la communauté de vie avec son conjoint a cessé et qu'une procédure de séparation est en cours ; que rien ne fait obstacle à ce que sa vie familiale avec son fils se prolonge au Cambodge ; qu'eu égard notamment à la brièveté de son séjour en France, en dépit de ses efforts pour s'intégrer par le travail et de la scolarisation de son fils, l'arrêté contesté n'a pas porté au droit de Mme A...au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris ; que les moyens tirés de la violation des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doivent être écartés ;
6. Considérant, en dernier lieu, qu'aux termes du 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale " ; qu'il résulte de ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant ;
7. Considérant que l'arrêté en litige n'a pas, en lui-même, pour effet de séparer Mme A... de son fils dès lors qu'aucune circonstance ne s'oppose à la reconstitution de la cellule familiale au Cambodge ; que si la requérante fait valoir que son fils, âgé de onze ans à la date de l'arrêté, était scolarisé en France depuis un peu plus de deux ans, elle n'établit pas qu'il serait dans l'impossibilité de reprendre sa scolarité au Cambodge où il a vécu jusqu'à l'âge de huit ans ; que, dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant doit être écarté ;
8. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme A...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté contesté ; que ses conclusions aux fins d'annulation doivent par suite être rejetées ;
Sur les conclusions aux fins d'injonction :
9. Considérant que le présent arrêt, qui rejette les conclusions aux fins d'annulation présentées par MmeA..., n'appelle, par lui-même, aucune mesure d'exécution ; que, par suite, les conclusions aux fins d'injonction présentées par la requérante doivent être rejetées ;
Sur les conclusions aux fins d'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
10. Considérant que l'aide juridictionnelle a été refusée à la requérante ; que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font en tout état de cause obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, le versement de la somme demandée par son avocate au titre des frais qu'elle a exposés et qui ne sont pas compris dans les dépens.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de Mme A...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme E...A...épouseC..., au ministre de l'intérieur et à Me B...D....
Copie en sera transmise pour information au préfet du Val-de-Marne.
Délibéré après l'audience du 9 octobre 2018, à laquelle siégeaient :
- M. Bouleau, premier vice-président,
- M. Bernier, président assesseur,
- Mme Pena, premier conseiller,
Lu en audience publique, le 24 octobre 2018.
Le rapporteur,
Ch. BERNIERLe président,
M. BOULEAU
Le greffier,
N. DAHMANI
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 10PA03855
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N° 18PA01188