Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 3 mars 2021, le préfet de police demande à la cour :
1°) d'annuler les articles 2, 3 et 4 du jugement n°2100052/8 du 2 février 2021 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Paris ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. C....
Il soutient que :
- c'est à tort que le premier juge a estimé qu'il avait commis une erreur manifeste d'appréciation au regard de l'article 17 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013, qu'il avait méconnu les dispositions du paragraphe 2 de l'article 3 de ce règlement ainsi que l'article 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et lui a fait injonction de délivrer à
M. C... une attestation de demande d'asile en procédure normale ;
- les autres moyens soulevés par M. C... en première instance ne sont pas fondés.
Par un mémoire en défense enregistré le 14 mai 2021, M. C..., représenté par
Me D..., demande à la cour :
1°) de l'admettre provisoirement au bénéfice de l'aide juridictionnelle ;
2°) à titre principal, de constater qu'il n'y a plus lieu de statuer sur les conclusions du préfet de police ;
3°) à titre subsidiaire, de rejeter la requête du préfet de police ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros à verser à Me D... sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- à titre principal, il n'y a plus lieu de statuer sur la requête d'appel dès lors qu'une attestation de demande d'asile en procédure normale lui a été remise par le préfet ;
- à titre subsidiaire, le jugement doit être confirmé dès lors qu'il établit un risque de traitement inhumain et dégradant en cas de transfert en Bulgarie au regard des défaillances systémiques dans la procédure d'asile dans cet État ;
- l'arrêté est insuffisamment motivé ;
- cet arrêté méconnaît l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 ;
- il méconnaît l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 ;
- il méconnaît l'article L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration dès lors qu'il n'a pu présenter d'observations ;
- il est intervenu en méconnaissance des articles 24 et 25 du règlement (UE) n°603/2013 du 26 juin 2013 ;
- il méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entaché d'erreur manifeste d'appréciation ;
- il méconnaît l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article 4 de la Charte européenne des droits de l'homme ;
- il est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation des autorités françaises quant à la mise en oeuvre de la clause discrétionnaire prévue à l'article 17 Règlement (UE) n° 604/2013 tant au regard du traumatisme d'une exceptionnelle gravité qu'il a subi que du risque qu'il encourt d'être renvoyé de force dans son pays d'origine par les autorités bulgares.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés ;
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- le règlement (CE) n° 1560/2003 de la Commission du 2 septembre 2003 ;
- le règlement (UE) n° 603/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;
- le règlement (UE) n°604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme A... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. C..., ressortissant afghan né le 10 juin 1992, a sollicité le 6 novembre 2020 son admission au séjour au titre de l'asile. La consultation du système " Eurodac " a révélé que ses empreintes avaient été relevées par les autorités bulgares le 11 septembre 2019. Le
7 décembre 2020, le préfet de police a adressé à ces autorités une demande de reprise en charge sur le fondement de l'article 18 1 b) du règlement (UE) n° 604/2013. Les autorités bulgares ont accepté de reprendre en charge la demande d'asile de l'intéressé sur le fondement de l'article
18 1 d) du même règlement. Par un arrêté du 21 décembre 2020, le préfet de police a ordonné le transfert de M. C... aux autorités bulgares. Le préfet de police relève appel du jugement du 2 février 2020 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Paris a annulé cet arrêté.
Sur l'exception de non-lieu à statuer opposée par M. C... :
2. Lorsque l'autorité administrative, en exécution d'un jugement d'annulation et d'injonction, prend une mesure d'exécution qui n'est motivée que par le souci de se conformer à ce jugement, cette mesure d'exécution ne prive pas d'objet l'appel dirigé contre ce jugement.
3. Pour assurer l'exécution du jugement du 2 février 2021 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Paris, le préfet de police a délivré à M. C... une attestation de demande d'asile en procédure normale. Ni une telle mesure d'exécution, ni la circonstance que la demande d'asile présentée par M. C... soit en cours d'examen par l'Office français de protection des réfugiés et des apatrides, ne privent d'objet l'appel dirigé contre ce jugement. Par suite, l'exception de non-lieu opposée par M. C... ne peut être accueillie.
Sur l'admission provisoire à l'aide juridictionnelle :
4. Aux termes de l'article 8 de la loi du 10 juillet 1991 susvisée : " Toute personne admise à l'aide juridictionnelle en conserve de plein droit le bénéfice pour se défendre en cas d'exercice d'une voie de recours ". Il résulte de ces dispositions que M. C... conserve, de plein droit, le bénéfice de l'admission provisoire à l'aide juridictionnelle dont il a bénéficié en première instance sur le fondement de l'article 20 de la loi du 10 juillet 1991. Par suite, sa demande d'admission provisoire à l'aide juridictionnelle au titre de l'instance introduite par le préfet de police devant la cour est sans objet et il n'y a pas lieu d'y statuer.
Sur le motif d'annulation retenu par le magistrat désigné :
5. Aux termes du paragraphe 2 de l'article 3 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil de l'Union européenne du 26 juin 2013, établissant les critères et les mécanismes de détermination de l'Etat responsable de l'examen d'une demande d'asile présentée dans l'un des Etats membres par un ressortissant de pays tiers ou apatride :
" (...) / Lorsqu'il est impossible de transférer un demandeur vers l'État membre initialement désigné comme responsable parce qu'il y a de sérieuses raisons de croire qu'il existe dans cet État membre des défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs, qui entraînent un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l'article 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, l'État membre procédant à la détermination de l'État membre responsable poursuit l'examen des critères énoncés au chapitre III afin d'établir si un autre État membre peut être désigné comme responsable. / Lorsqu'il est impossible de transférer le demandeur en vertu du présent paragraphe vers un État membre désigné sur la base des critères énoncés au chapitre III ou vers le premier État membre auprès duquel la demande a été introduite, l'État membre procédant à la détermination de l'État membre responsable devient l'État membre responsable ". Aux termes de l'article 4 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ". Et aux termes du premier alinéa de l'article 258 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne : " Si la Commission estime qu'un État membre a manqué à une des obligations qui lui incombent en vertu des traités, elle émet un avis motivé à ce sujet, après avoir mis cet État en mesure de présenter ses observations ".
6. Pour annuler l'arrêté du préfet de police, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Paris a estimé que l'engagement le 8 novembre 2018 de la procédure d'infraction à l'encontre de la Bulgarie par la commission européenne, sur le fondement de l'article 258 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, dont les motifs ont été corroborés par la production par M. C... de rapports d'organisations non gouvernementales ainsi que par le récit de son propre séjour en Bulgarie et des certificats médicaux attestant d'atteintes qu'il y a subi, devait être regardé comme constituant des raisons sérieuses de croire qu'il existe, dans cet Etat, des défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs d'asile, qui entraînent un risque de traitement inhumain ou dégradant et que le préfet de police avait, dès lors, méconnu les dispositions citées au point 5.
7. Cependant, le système européen commun d'asile a été conçu de telle sorte qu'il est permis de supposer que l'ensemble des Etats y participant respectent les droits fondamentaux. Ainsi, il est présumé que la Bulgarie, Etat membre de l'Union européenne et partie tant à la convention de Genève du 28 juillet 1951 sur le statut des réfugiés, complétée par le protocole de New York, qu'à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, assure un traitement des demandeurs d'asile respectueux de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne. Cette présomption peut toutefois être renversée s'il y a des raisons sérieuses de croire qu'il existe des défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs, qui entraînent un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l'article 4 de la charte.
8. M. C..., en se bornant à se prévaloir de l'engagement le 8 novembre 2018 de la procédure d'infraction à l'encontre de la Bulgarie par la Commission européenne et d'une pétition émanant de plaignants de nationalité française, n'établit pas qu'il existait, à la date de l'arrêté litigieux, des défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs d'asile en Bulgarie, alors que, ainsi que le fait valoir le préfet de police, la commission européenne n'a donné aucune suite à la lettre de mise en demeure du
8 novembre 2018 et n'a pas recommandé de suspendre les transferts des demandeurs d'asile vers cet Etat. Dans ces conditions, le préfet de police est fondé à soutenir que c'est à tort que le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté du
21 décembre 2020.
9. Il appartient toutefois à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. C... devant le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Paris.
Sur les autres moyens soulevés par M. C... devant le tribunal :
10. En premier lieu, par un arrêté n° 2020-01003 du 23 novembre 2020 régulièrement publié le même jour au Bulletin officiel de la ville de Paris, le préfet de police a donné délégation à Mme F... B..., attachée principale d'administration de l'Etat, signataire de l'arrêté attaqué, pour signer tous les actes dans la limite de ses attributions, au nombre desquelles figure la police des étrangers. Dès lors, le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'arrêté attaqué doit être écarté.
11. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sous réserve du second alinéa de l'article L. 742-1, l'étranger dont l'examen de la demande d'asile relève de la responsabilité d'un autre Etat peut faire l'objet d'un transfert vers l'Etat responsable de cet examen. / Toute décision de transfert fait l'objet d'une décision écrite motivée prise par l'autorité administrative ".
12. Il résulte de ces dispositions que la décision de transfert dont fait l'objet un ressortissant de pays tiers ou un apatride qui a déposé auprès des autorités françaises une demande d'asile dont l'examen relève d'un autre Etat membre ayant accepté de le prendre ou de reprendre en charge doit être motivée, c'est-à-dire qu'elle doit comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement.
13. La décision de transfert en litige vise, notamment, la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, la convention de Genève du 28 juillet 1951 modifiée par le protocole de New-York du 31 janvier 1967, le règlement du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013, le règlement (CE) n° 1560/2003 de la commission du 2 septembre 2003 et le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Elle mentionne que M. C... a demandé l'asile en France le 6 novembre 2020 et que ses empreintes, comparées aux bases de données européennes, ont révélé qu'il avait précédemment déposé une demande d'asile en Bulgarie le 11 septembre 2019, pays dont les autorités ont été saisies le 7 décembre 2020 d'une demande de reprise en charge de l'intéressé en application de l'article 18-1 b) du règlement (UE) n° 604/2013, et que ces autorités ont donné leur accord le 10 décembre 2020 pour une reprise en charge sur le fondement de l'article 18-1 d ) de ce règlement. Ces éléments permettent à l'intéressé de comprendre les motifs sur lesquels s'est fondé le préfet de police pour déterminer que la Bulgarie est responsable de l'examen de sa demande d'asile. La décision indique également qu'au vu des éléments de fait et de droit caractérisant la situation de M. C..., sa situation ne relève pas des dérogations prévues par les articles 3-2 ou 17 du règlement (UE) n° 604/2013, qu'il n'est pas porté une atteinte disproportionnée au respect de son droit à la vie privée et familiale au sens de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, et enfin, qu'il n'établit pas de risque personnel constituant une atteinte grave au droit d'asile en cas de remise aux autorités de l'Etat responsable de sa demande d'asile. Ainsi, la décision satisfait à l'exigence de motivation qu'imposent les dispositions de l'article L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il s'ensuit que le moyen tiré de son insuffisante motivation ne peut qu'être écarté.
14. En troisième lieu, aux termes de l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 du
26 juin 2013 : " Droit à l'information / 1. Dès qu'une demande de protection internationale est introduite au sens de l'article 20, paragraphe 2, dans un Etat membre, ses autorités compétentes informent le demandeur de l'application du présent règlement, et notamment : / a) des objectifs du présent règlement et des conséquences de la présentation d'une autre demande dans un Etat membre différent ainsi que des conséquences du passage d'un Etat membre à un autre pendant les phases au cours desquelles l'Etat membre responsable en vertu du présent règlement est déterminé et la demande de protection internationale est examinée ; / b) des critères de détermination de l'Etat membre responsable, de la hiérarchie de ces critères au cours des différentes étapes de la procédure et de leur durée, y compris du fait qu'une demande de protection internationale introduite dans un Etat membre peut mener à la désignation de cet Etat membre comme responsable en vertu du présent règlement même si cette responsabilité n'est pas fondée sur ces critères ; / c) de l'entretien individuel en vertu de l'article 5 et de la possibilité de fournir des informations sur la présence de membres de la famille, de proches ou de tout autre parent dans les Etats membres, y compris des moyens par lesquels le demandeur peut fournir ces informations ; / d) de la possibilité de contester une décision de transfert et, le cas échéant, de demander une suspension du transfert ; / e) du fait que les autorités compétentes des Etats membres peuvent échanger des données le concernant aux seules fins d'exécuter leurs obligations découlant du présent règlement ; / f) de l'existence du droit d'accès aux données le concernant et du droit de demander que ces données soient rectifiées si elles sont inexactes ou supprimées si elles ont fait l'objet d'un traitement illicite, ainsi que des procédures à suivre pour exercer ces droits, y compris des coordonnées des autorités visées à l'article 35 examiner les réclamations relatives à la protection des données à caractère personnel. / 2. Les informations visées au paragraphe 1 sont données par écrit, dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend. Les Etats membres utilisent la brochure commune rédigée à cet effet en vertu du paragraphe 3. (...) ".
15. Il ressort des pièces du dossier que M. C... s'est vu remettre contre signature, le 6 novembre 2020, la brochure intitulée " J'ai demandé l'asile dans l'Union européenne - quel pays sera responsable de l'analyse de ma demande ' " (brochure A), le guide du demandeur d'asile, la brochure Eurodac ainsi que la brochure intitulée " Je suis sous procédure Dublin - qu'est-ce que cela signifie ' " (brochure B). Ces documents ont été remis dans leur intégralité en langue pachto, langue officielle de l'Afghanistan dont l'intéressé n'a ni allégué, ni n'établit ne pas la comprendre et M. C... en a signé la première page sans émettre aucune réserve, ainsi que cela ressort des mentions apposées. Par suite, M. C... n'est pas fondé à soutenir qu'il aurait été privé de la garantie tenant au droit à l'information tel que garanti par les dispositions de l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013.
16. En quatrième lieu, aux termes de l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " Afin de faciliter le processus de détermination de l'État membre responsable, l'État membre procédant à cette détermination mène un entretien individuel avec le demandeur. Cet entretien permet également de veiller à ce que le demandeur comprenne correctement les informations qui lui sont fournies conformément à l'article 4. (...) . 3. L'entretien individuel a lieu en temps utile et, en tout cas, avant qu'une décision de transfert du demandeur vers l'État membre responsable soit prise conformément à l'article 26, paragraphe 1. 4. L'entretien individuel est mené dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend et dans laquelle il est capable de communiquer. Si nécessaire, les États membres ont recours à un interprète capable d'assurer une bonne communication entre le demandeur et la personne qui mène l'entretien individuel. 5. L'entretien individuel a lieu dans des conditions garantissant dûment la confidentialité. Il est mené par une personne qualifiée en vertu du droit national. 6. L'État membre qui mène l'entretien individuel rédige un résumé qui contient au moins les principales informations fournies par le demandeur lors de l'entretien. Ce résumé peut prendre la forme d'un rapport ou d'un formulaire type. L'État membre veille à ce que le demandeur et/ou le conseil juridique ou un autre conseiller qui représente le demandeur ait accès en temps utile au résumé. ".
17. La conduite de l'entretien par une personne qualifiée en vertu du droit national constitue, pour le demandeur d'asile, une garantie. Il ressort des pièces du dossier que M. C... a bénéficié d'un tel entretien le 6 novembre 2020 dans les locaux de la préfecture de police, que cet entretien a été réalisé en présence d'un interprète, qu'il a ainsi eu la possibilité de faire part de toute information pertinente relative à la détermination de l'Etat responsable. L'intéressé ne fait état devant la cour d'aucun élément laissant supposer que cet entretien ne se serait pas déroulé dans les conditions prévues par les dispositions précitées de l'article 5 du règlement n° 604-2013 du 26 juin 2013. Si son résumé, dont l'intéressé a eu connaissance comme l'atteste l'apposition de sa signature, ne mentionne pas le nom et la qualité de l'agent qui l'a conduit, il ressort des pièces du dossier que M. C... a été reçu par un agent du 12ème bureau de la direction de la police générale en charge de l'asile à la préfecture de police. Dès lors que l'entretien de l'intéressé a été mené par une personne qualifiée au sens du 5 de l'article 5 du règlement du 26 juin 2013, l'absence d'indication de l'identité de l'agent l'ayant conduit est sans incidence sur la régularité de la procédure suivie dès lors qu'elle n'a pas privé M. C... de la garantie tenant au bénéfice de cet entretien et à la possibilité de faire valoir toutes observations utiles et, en l'espèce, n'a pas été susceptible d'exercer une influence sur le sens de la décision prise. Par ailleurs, il ne résulte ni des dispositions du règlement (UE) du 26 juin 2013, ni d'aucune autre disposition législative ou règlementaire que l'agent chargé de mener l'entretien individuel en vue de déterminer l'Etat membre responsable de l'examen de la demande d'asile, qui revêt le caractère d'une mesure préparatoire, devrait bénéficier d'une délégation de signature du préfet de police. Par suite, le moyen tiré de ce que le préfet de police aurait méconnu les dispositions de l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 doit être écarté.
18. En cinquième lieu, aux termes de l'article L. 122-1 du code des relations entre le public et l'administration : " Les décisions mentionnées à l'article L. 211-2 n'interviennent qu'après que la personne intéressée a été mise à même de présenter des observations écrites et, le cas échéant, sur sa demande, des observations orales (...) ".
19. Il ressort des pièces du dossier, et ainsi qu'il a été dit au point 17 du présent arrêt, que M. C... a été reçu lors d'un entretien individuel qui s'est déroulé le 6 novembre 2020, à l'occasion duquel l'intéressé a pu faire valoir utilement les éléments pertinents susceptibles d'être pris en compte par le préfet de police lorsqu'il serait amené à statuer sur son transfert.
M. C..., qui en a signé le compte-rendu sur lequel a été apposée la mention " Observations : l'administré n'a pas d'autre déclaration ", n'est dès lors pas fondé à soutenir qu'il aurait été empêché de présenter ses observations avant l'édiction de la mesure dont il se plaint. Le moyen tiré de ce que l'arrêté litigieux aurait été pris en méconnaissance des dispositions précitées de l'article L. 122-1 du code des relations entre le public et l'administration doit dès lors être écarté.
20. En sixième lieu, contrairement à ce que soutient M. C..., la preuve de la demande de reprise en charge adressée par la préfecture de police aux autorités bulgares ainsi que celle de la réponse de ces autorités est rapportée par le préfet de police, qui a produit en première instance la copie d'un courrier électronique daté du 7 décembre 2020 constituant une réponse automatique à une demande formulée au moyen de l'application " Dublinet ", ainsi que la réponse explicite des autorités bulgares à cette demande, datée du 10 décembre 2020. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des articles 24 et 25 du règlement (UE) n°603/2013 du 26 juin 2013 susvisé doit être écarté.
21. En septième lieu, aux termes de l'article 26 du règlement (UE) n° 604/2013 : " 2. La décision visée au paragraphe 1 contient des informations sur les voies de recours disponibles, y compris sur le droit de demander un effet suspensif, le cas échéant, et sur les délais applicables à l'exercice de ces voies de recours et à la mise oeuvre du transfert et comporte, si nécessaire, des informations relatives au lieu et à la date auxquels la personne concernée doit se présenter si cette personne se rend par ses propres moyens dans l'État membre responsable ".
22. L'arrêté attaqué, qui a été notifié à l'intéressé en présence d'un interprète en langue pachto précise que ce dernier doit se présenter auprès des autorités chargées du contrôle aux frontières de l'Etat membre responsable, pour l'examen de sa demande d'asile. Si M. C... fait valoir qu'il n'a pas été informé du lieu et de la date auxquels il devait se présenter aux autorités bulgares, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'il ait avisé les autorités françaises de son intention de se rendre par ses propres moyens en Bulgarie, de sorte que le préfet n'avait pas à lui délivrer une telle information. Le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article 26 du règlement (UE) n° 604/2013 doit, en tout état de cause, être écarté.
23. En huitième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...) ".
24. En se bornant à faire état de la présence de son frère, sans d'ailleurs établir la réalité du lien invoqué, alors même qu'il est constant qu'il ne justifie que d'une très faible durée de présence sur le territoire français, M. C... n'apporte pas la preuve de l'intensité de ses attaches sur le territoire français. Il s'ensuit que la décision de transfert attaquée n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts en vue desquels elle a été prise. Le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit, dès lors, être écarté. Eu égard aux mêmes circonstances, le préfet n'a pas davantage entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation.
25. En neuvième lieu, aux termes de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du
26 juin 2013 : " 1. Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque Etat membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement. / (...). / 2. L'Etat membre dans lequel une demande de protection internationale est présentée et qui procède à la détermination de l'Etat membre responsable, ou l'Etat membre responsable, peut à tout moment, avant qu'une première décision soit prise sur le fond, demander à un autre Etat membre de prendre un demandeur en charge pour rapprocher tout parent pour des raisons humanitaires fondées, notamment, sur des motifs familiaux ou culturels, même si cet autre Etat membre n'est pas responsable au titre des critères définis aux articles 8 à 11 et 16. (...) ". Aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ". Aux termes de l'article 4 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ". Enfin, aux termes de l'article L. 712-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Le bénéfice de la protection subsidiaire est accordé à toute personne qui ne remplit pas les conditions pour se voir reconnaître la qualité de réfugié et pour laquelle il existe des motifs sérieux et avérés de croire qu'elle courrait dans son pays un risque réel de subir l'une des atteintes graves suivantes : (...) / b) La torture ou des peines ou traitements inhumains ou dégradants ; (...) ".
26. Si M. C... soutient que son transfert aux autorités bulgares entrainerait nécessairement son renvoi en Afghanistan, où il prétend courir des risques de traitements inhumains et dégradants, l'arrêté en litige a seulement pour objet de renvoyer l'intéressé en Bulgarie et non dans son pays d'origine. En outre, la Bulgarie, Etat membre de l'Union européenne, est partie tant à la convention de Genève du 28 juillet 1951 sur le statut de réfugiés, complétée par le protocole de New-York, qu'à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Or, ainsi que cela a été dit au point 8, M. C... n'établit pas qu'il existait à la date de l'arrêté litigieux des défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs en Bulgarie. En outre, il n'est pas davantage établi que les autorités bulgares n'évalueront pas, avant de procéder à un éventuel éloignement de M. C..., les risques auxquels il serait exposé en cas de retour en Afghanistan. Au demeurant, l'intéressé n'établit pas, ainsi qu'il a été dit au point 8, qu'il risquerait d'être soumis à la torture, à des peines ou traitements inhumains ou dégradants en cas de remise aux autorités bulgares. Dans ces conditions, M. C... n'est pas fondé à soutenir que l'arrêté litigieux serait entaché d'une erreur manifeste d'appréciation, au regard du pouvoir conféré au préfet de police par les dispositions précitées de l'article 17 du règlement du 26 juin 2013, ni qu'il aurait été pris en méconnaissance des stipulations précitées de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, de l'article 4 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et de l'article L. 712-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
27. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet de police est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Paris a annulé l'arrêté du 21 décembre 2020 décidant la remise aux autorités bulgares de
M. C..., lui a enjoint de délivrer à ce dernier une attestation de demandeur d'asile en procédure normale et a mis à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros sur le fondement l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, et à demander en conséquence l'annulation des articles 2 à 4 du jugement attaqué.
Sur les frais liés à l'instance :
28. Les dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 font obstacle à ce que le versement d'une somme soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance.
DÉCIDE :
Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur la demande d'admission provisoire de M. C... au bénéfice de l'aide juridictionnelle.
Article 2 : Les articles 2 à 4 du jugement n° 2100052/8 du 2 février 2021 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Paris sont annulés.
Article 3 : La demande présentée par M. C... devant le tribunal administratif de Paris, à l'exception de ses conclusions tendant à l'admission provisoire au bénéfice de l'aide juridictionnelle, ainsi que ses conclusions d'appel sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. E... C... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de police.
Délibéré après l'audience publique du 18 mai 2021 à laquelle siégeaient :
- M. Bernier, président-assesseur, assurant la présidence de la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,
- Mme A..., premier conseiller,
- Mme Mornet, premier conseiller,
Rendu public par mise à disposition au greffe le 25 mai 2021.
Le rapporteur,
M-D. A...Le président de la formation de jugement,
Ch. BERNIER
Le greffier,
E. MOULIN
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
1
N° 08PA04258
2
N° 21PA01101