Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 8 juin 2017, la fédération tahitienne de rugby, représentée par Me B...F..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1600489 du tribunal administratif de la Polynésie Française du 7 mars 2017 ;
2°) d'annuler l'arrêté 7292/ME du 24 août 2016 par lequel le ministre de l'éducation, de l'enseignement supérieur, de la jeunesse et des sports de la Polynésie Française a accordé à la fédération tahitienne de rugby sa délégation de service public ;
3°) de mettre à la charge de la Polynésie Française la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative au titre des frais de première instance et d'appel.
Elle soutient que :
- le tribunal a omis de répondre au moyen tiré du détournement de pouvoir ;
- la délégation du 17 septembre 2014 accordée au ministre chargé des sports pour la mise en oeuvre de la délibération du 14 octobre 1999, qui n'encadrait pas ses pouvoirs, est entachée d'illégalité ;
- la fédération polynésienne de rugby, qui n'était pas agréée lors du dépôt de sa demande ne satisfaisait pas aux conditions d'attribution de cette délégation ;
- sa candidature a été déposée après la date limite de recevabilité ;
- elle ne justifiait pas d'un bilan ;
- le choix est entaché d'erreur manifeste d'appréciation et de détournement de pouvoir.
Par un mémoire enregistré le 21 avril 2018, la Polynésie Française, représentée par
Me A...E..., conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de la fédération tahitienne de rugby la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la délégation de pouvoir est suffisamment précise ;
- rien n'impose que la fédération choisie soit agréée à la date du dépôt des candidatures ;
- la date de dépôt des candidatures n'était pas prescrite à peine d'irrecevabilité ;
- il n'y a pas eu erreur manifeste d'appréciation et le détournement de pouvoir n'est pas établi.
Par un mémoire enregistré le 4 octobre 2018, la fédération tahitienne de rugby, devenue Tahiti Rugby Union, représentée par Me D...C..., conclut aux mêmes fins que la requête.
Elle réfute les arguments présentés en défense par la Polynésie Française et soutient que le détournement de pouvoir est établi par les faux et les manoeuvres qui ont précédé le refus de renouveler sa délégation.
La clôture de l'instruction a été prononcée le 6 décembre 2018.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi organique n° 2004-192 du 27 février 2004 ;
- la délibération n° 99-176 APF du 14 octobre 1999 ;
- l'arrêté n° 491 CM du 31 mars 2000 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Bernier,
- et les conclusions de Mme Delamarre, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. La délibération n° 99-176 APF du 14 octobre 1999 relative à l'organisation et à la promotion des activités sportives en Polynésie Française, qui fixe notamment le régime applicable aux fédérations sportives, prévoit en son article 9 que dans chaque discipline sportive et pour une période déterminée, une seule fédération reçoit délégation du président du gouvernement pour organiser les compétitions sportives à l'issue desquelles sont délivrés les titres internationaux ou territoriaux et procéder aux sélections correspondantes. Les conditions d'attribution et de retrait de la délégation aux fédérations sportives en Polynésie Française sont fixées par l'arrêté n°491 CM du 31 mars 2000.
2. Par arrêté n° 7292 MEE du 24 août 2016, le ministre de l'éducation et de l'enseignement supérieur, de la jeunesse et des sports de la Polynésie Française a accordé la délégation pour la discipline de rugby et les disciplines associées à la fédération maohi de rugby (devenue depuis la fédération polynésienne de rugby) pour la période comprise entre le 30 août 2016 et le 31 décembre 2019. La fédération tahitienne de rugby, devenue Tahiti Rugby Union à la date du présent arrêt, titulaire de cette délégation pour sa discipline depuis 2003 jusqu'au
30 août 2016, relève appel du jugement n° 1600489 du 7 mars 2017 par lequel le tribunal administratif de la Polynésie Française a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur la régularité du jugement :
3. Contrairement à ce que soutient l'association requérante, le tribunal administratif de la Polynésie Française, qui y a répondu au point 5 de son jugement, n'a pas omis de statuer au moyen tiré du détournement de pouvoir. Le jugement n'est pas entaché d'irrégularité.
Sur le bien-fondé du jugement :
4. L'arrêté n° 683 PR du 17 septembre 2014 détermine avec précision les attributions du ministre de l'éducation, et de l'enseignement supérieur, de la jeunesse et des sports. Il prévoit en son point F qu'il est chargé de la mise en oeuvre des dispositions de la délibération n° 99-176 APF du 14 octobre 1999 relative à l'organisation et à la promotion des activités physiques et sportives de la Polynésie française. L'article 9 de cette délibération dispose que le Président du gouvernement délègue à une fédération dans chaque discipline la mission d'organiser les compétitions sportives à l'issue desquelles sont délivrés les titres internationaux ou territoriaux et procéder aux sélections correspondantes. L'arrêté n°491 CM du 31 mars 2000 détermine les conditions d'attribution et de retrait de ces délégations et notamment les critères mis en oeuvre. Le Président du gouvernement pouvait habiliter le ministre chargé des sports à prendre les mesures individuelles qu'impliquait la mise en oeuvre de la délibération du 14 octobre 1999, et notamment les décisions d'attribuer une délégation, de la retirer ou de ne pas la renouveler. La délégation du 17 septembre 2014, qui ne présente pas de caractère général et qui est suffisamment précise, n'est pas entachée d'illégalité. MmeG..., ministre chargée des sports, avait donc compétence pour prendre l'arrêté contesté.
5. Aux termes de l'article 1er de l'arrêté n° 491 CM du 31 mars 2000 fixant les conditions d'attribution et de retrait de la délégation aux fédérations sportives en Polynésie française : " La délégation prévue à l'article 9 de la délibération n° 99-176 APF du 14 octobre 1999 ne peut être accordée qu'à des fédérations sportives agréées (...) / Les fédérations agréées doivent, en outre, pouvoir justifier qu'elles mettent en oeuvre, chaque année, des actions tendant au développement du sport pour tous (sports de masse) et du sport de haut niveau, et à la formation de ses membres et cadres techniques. (...) ".
6. Ces dispositions ne font pas obstacle à l'attribution de la délégation de service public à une fédération non agréée à la date du dépôt de sa demande. En l'espèce, la fédération polynésienne de rugby a été agréée par un arrêté du 9 mars 2016, antérieur à l'arrêté contesté du 24 août 2016.
7. Il ne résulte d'aucun texte que les candidatures à l'obtention de la délégation devaient être déposées à peine d'irrecevabilité avant le 31 décembre 2015. Au demeurant, cette date qui était celle à laquelle expiraient les délégations précédemment accordées, a été prorogée à plusieurs reprises et il ressort des pièces du dossier que la candidature de la fédération polynésienne de rugby a été reçue par l'administration le 31 décembre 2015.
8. Les dispositions citées au point 5 ne font pas obstacle à l'attribution de la délégation de service public à une fédération de création récente, mais imposent seulement que la candidate soit en mesure de justifier de la réalisation d'actions permettant d'apprécier sa capacité à remplir les missions définies à l'article 9 de la délibération du 14 octobre 1999. En l'espèce, il ressort des pièces du dossier que si elle est de création très récente, la fédération polynésienne de rugby est issue d'une scission de la fédération tahitienne de rugby qui a traversé une grave crise interne. Si les parties ont fourni à la cour des éléments partiellement contradictoires, il n'est pas contestable qu'un nombre important de clubs, d'adhérents, et de cadres techniques de la fédération tahitienne de rugby a rejoint la nouvelle fédération. Celle-ci, dans ces conditions particulières, n'était donc pas dépourvue des moyens et de l'expérience nécessaires pour mettre en oeuvre des actions portant tant sur le développement du sport pour tous que sur le sport de haut niveau. Si, en raison de sa création récente, le bilan des actions passées de la fédération polynésienne de rugby ne peut être apprécié que sur un semestre, elle a justifié de l'organisation de deux compétitions, d'une rencontre amicale, de dix journées de rencontres sportives jeunes et féminines, d'un stage de perfectionnement pour les jeunes et de formations des arbitres et des officiels. Dès lors, la fédération Tahiti Rugby Union n'est pas fondée à soutenir que l'appréciation du ministre chargé des sports de la Polynésie Française, qui devait tenir compte de l'ensemble des éléments qui viennent d'être rappelés pour se prononcer sur la capacité d'une fédération à assurer la délégation qui lui serait confiée, est entachée d'erreur manifeste.
9. Si la situation conflictuelle qui opposait les cadres dirigeants et les clubs de rugby polynésiens a conduit le gouvernement du territoire, après avoir examiné les bilans et entendu les projets développés par les deux fédérations concurrentes, à arbitrer entre elles en ne renouvelant pas la délégation de la fédération tahitienne de rugby et en attribuant la délégation à la fédération polynésienne de rugby, il ne ressort pas des pièces du dossier que son choix ait été motivé par des considérations étrangères à l'intérêt public. Le détournement de pouvoir n'est donc pas établi.
10. Il résulte de ce qui précède que la fédération tahitienne de rugby, devenue Tahiti Rugby Union, n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de la Polynésie française a rejeté sa demande.
11. La Polynésie Française n'étant pas la partie perdante dans la présente instance, les conclusions de Tahiti Rugby Union présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées. Il y a lieu dans les circonstances de l'espèce de mettre à la charge de Tahiti Rugby Union la somme de 1 500 euros à verser à la Polynésie Française au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
DECIDE :
Article 1er : La requête de la fédération tahitienne de rugby, devenue Tahiti Rugby Union, est rejetée.
Article 2 : Tahiti Rugby Union versera à la Polynésie française la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Tahiti Rugby Union, à la Polynésie française et à la fédération polynésienne de rugby.
Copie en sera adressée pour information au haut-commissaire de la République en Polynésie Française.
Délibéré après l'audience du 14 mai 2019, à laquelle siégeaient :
- M. Bouleau, premier vice-président,
- M. Bernier, président assesseur,
- Mme Pena, premier conseiller,
Lu en audience publique, le 28 mai 2019.
Le rapporteur,
Ch. BERNIERLe président,
M. BOULEAU
Le greffier,
A. DUCHER
La République mande et ordonne au haut-commissaire de la République en Polynésie Française en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 10PA03855
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N° 17PA01977