Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 8 novembre 2021, la société Jaurès Café, représentée par Me Candas, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) à titre principal, d'annuler la décision du 21 juin 2019 ainsi que le titre de perception et de la décharger de l'obligation de payer les sommes mises à sa charge ;
3°) à titre subsidiaire, de la décharger de l'obligation de payer la somme de 14 280 euros au titre de la contribution spéciale pour l'emploi de Mme B... F... et Mme C... G... ainsi que de l'obligation de payer la somme de 4 522 euros au titre de la contribution forfaitaire représentative des frais de réacheminement des étrangers dans leur pays d'origine et de réduire le montant de la contribution spéciale mise à sa charge à 3 570 euros ;
4°) de mettre à la charge de l'État la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
Sur la régularité du jugement attaqué :
- les premiers juges ont commis une erreur de droit en retenant qu'il ne résultait pas des dispositions des articles L. 8251-1 et L. 8253-1 du code du travail et L. 626-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que l'OFII serait tenu de justifier de la période au cours de laquelle Mmes F... et G... ont été employées ;
- les premiers juges ont commis une erreur de droit et de fait en retenant que l'emploi de Mmes F... et G... était établi par les déclarations préalables à l'embauche et l'audition du gérant de la société.
Sur le bien-fondé du jugement :
- la matérialité des faits concernant l'emploi irrégulier de Mmes F... et G... n'est pas établie ; la décision du directeur de l'OFII est entachée d'une erreur de fait dès lors que l'administration a retenu que la société Jaurès Café aurait employé illégalement trois salariées en situation irrégulière alors que seule Mme A... E... était présente et en situation de travail lors du contrôle du 10 octobre 2018 ; la nationalité de Mme G... et sa soumission à une autorisation de travail en France ne sont pas établies ;
- les conditions de l'application du III de l'article R. 8253-2 du code du travail, à savoir l'emploi d'un seul étranger sans titre l'autorisant à exercer une activité salariée en France, étant remplies, le montant de la contribution spéciale mise à sa charge doit être réduit à 1 000 fois le taux horaire du minimum garanti ; le montant de la contribution forfaitaire représentative des frais de réacheminement des étrangers dans leur pays d'origine doit également être réduit.
Par un mémoire enregistré le 26 novembre 2021, la direction départementale des finances publiques de l'Essonne demande sa mise hors de cause.
Par un mémoire enregistré le 29 novembre 2021, l'OFII, représenté par Me de Froment, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 2 000 euros soit mise à la charge de la société Jaurès Café sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code du travail ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme D...,
- les conclusions de Mme Pena, rapporteure publique.
- et les observations de Me Candas, représentant la société Jaurès Café.
Considérant ce qui suit :
1. Le 10 octobre 2018, la société Jaurès Café, qui exploite un café restaurant situé au 171 avenue Jean Jaurès à Montfermeil, a fait l'objet d'un contrôle par les services de police, qui ont notamment constaté la présence d'une personne démunie de titre l'autorisant à travailler et à séjourner en France, Mme A... E..., ressortissante moldave ; ils ont par la suite également découvert qu'étaient déclarées comme employées deux autres ressortissantes étrangères dépourvues de titres de travail et de séjour, Mme B... F..., de nationalité algérienne et Mme C... G..., de nationalité moldave. Par une décision du 21 juin 2019, le directeur général de l'OFII a mis à la charge de la société Jaurès Café la contribution spéciale prévue à l'article L. 8253-1 du code du travail, d'un montant de 21 420 euros, ainsi que la contribution forfaitaire représentative des frais de réacheminement prévue à l'article L. 626-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, d'un montant de 6 920 euros. Des titres de perception ont été émis à l'encontre de la société requérante pour le recouvrement de ces contributions. La société Jaurès Café relève appel du jugement du 20 septembre 2021 par lequel le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à titre principal à l'annulation de la décision du 21 juin 2019 et du titre de perception du 13 décembre 2019 d'un montant de 21 420 euros et à la décharge de l'obligation de payer ces sommes, et à titre subsidiaire à la décharge du paiement de ces sommes à hauteur de 18 802 euros.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. La société Jaurès Café soutient que les premiers juges auraient commis une erreur de droit en retenant qu'il ne résultait pas des dispositions des articles L. 8251-1 et L. 8253-1 du code du travail, et L. 626-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, que l'OFII serait tenu de justifier de la période au cours de laquelle Mmes F... et G... ont été employées et qu'ils auraient commis une erreur de droit et de fait en retenant que l'emploi de Mmes F... et G... était établi par les déclarations préalables à l'embauche et l'audition du gérant de la société. Toutefois, ces moyens se rattachent au bien-fondé du jugement. Ils sont donc sans incidence sur sa régularité.
Sur le bien-fondé du jugement :
3. Aux termes de l'article L. 8251-1 du code du travail : " Nul ne peut, directement ou par personne interposée, embaucher, conserver à son service ou employer pour quelque durée que ce soit un étranger non muni du titre l'autorisant à exercer une activité salariée en France. ". Aux termes de l'article L. 8253-1 du même code : " (...) l'employeur qui a employé un travailleur étranger en méconnaissance des dispositions du premier alinéa de l'article L. 8251-1 acquitte, pour chaque travailleur étranger sans titre de travail, une contribution spéciale. Le montant de cette contribution spéciale est déterminé dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat. Il est, au plus, égal à 5 000 fois le taux horaire du minimum garanti prévu à l'article L. 3231-12. Ce montant peut être minoré en cas de non-cumul d'infractions ou en cas de paiement spontané par l'employeur des salaires et indemnités dus au salarié étranger sans titre mentionné à l'article R. 8252-6. Il est alors, au plus, égal à 2 000 fois ce même taux. (...) ". Enfin, aux termes de l'article L. 626-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) l'employeur qui aura occupé un travailleur étranger en situation de séjour irrégulier acquittera une contribution forfaitaire représentative des frais de réacheminement de l'étranger dans son pays d'origine (...) ".
4. Il appartient au juge administratif, saisi d'un recours contre une décision mettant à la charge d'un employeur la contribution spéciale prévue par les dispositions précitées pour avoir méconnu les dispositions de l'article L. 8251-1 du code du travail, de vérifier la matérialité des faits reprochés à l'employeur et leur qualification juridique au regard de ces dispositions. Il lui appartient également de décider, après avoir exercé son plein contrôle sur les faits invoqués et la qualification retenue par l'administration, soit de maintenir la sanction prononcée, soit d'en diminuer le montant jusqu'au minimum prévu par les dispositions applicables au litige, soit d'en décharger l'employeur.
5. La société Jaurès Café conteste la matérialité des faits qui lui sont reprochés en faisant valoir que seule Mme A... E... était présente et en situation de travail lors du contrôle par les services de police le 10 octobre 2018. Il résulte toutefois des pièces du dossier que lors de l'enquête qui a suivi, les services de police ont découvert que deux autres employées, Mmes F... et G..., étaient déclarées auprès de l'Union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales (URSSAF) alors qu'elles n'étaient munies ni d'une autorisation de travailler ni d'une autorisation de séjour. Ces salariées figurent également sur le registre unique du personnel de la société Jaurès Café. Enfin, lors de ses auditions par les services de police les 11 et 17 octobre 2018, le gérant de la société Jaurès Café a reconnu que Mmes F... et G... travaillaient en contrat à durée déterminée au sein du restaurant et a déclaré à propos de chacune d'elles : " Elle travaille deux heures par jour (...) elle ne fait pas d'heure supplémentaire (...) elle est polyvalente (...) ". Si la société requérante fait également valoir que la nationalité de Mme G... ne serait pas celle qui est indiquée dans le procès-verbal et qu'elle ne serait donc pas soumise à une autorisation de travail, la société ne produit aucune pièce à l'appui de ses dires, tandis que les mentions du procès-verbal font foi jusqu'à preuve du contraire, laquelle n'est donc pas apportée en l'espèce. Ainsi, le moyen tiré de ce que les faits de travail irrégulier ne seraient pas établis ne peut qu'être écarté.
6. Il résulte de ce qui vient d'être dit que Mmes F... et G... ont été employées par la société Jaurès Café. En outre, la société requérante n'établit pas le paiement au salarié de l'ensemble des salaires et indemnités mentionnés à l'article L. 8252-2 du code du travail. Par suite, la société requérante n'est pas fondée à soutenir que la contribution spéciale mise à sa charge aurait dû être réduite à 1 000 fois le taux horaire du minimum garanti. Ainsi en retenant que le montant de la contribution spéciale devait en l'espèce être égal à 2 000 fois le taux horaire minimum garanti, l'OFII n'a pas méconnu l'article R. 8253-2 du code du travail.
7. Il résulte de tout ce qui précède que la société Jaurès Café n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du directeur général de l'OFII du 21 juin 2019 mettant à sa charge une contribution spéciale d'un montant de 21 420 euros et une contribution forfaitaire représentative de frais de réacheminement d'un montant de 6 920 euros, ainsi que du titre de perception du 13 décembre 2019 d'un montant de 21 420 euros. Ses conclusions à fin d'annulation doivent par suite être rejetées. Il en va de même, par voie de conséquence, de ses conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il y a lieu en revanche, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société Jaurès Café le versement de la somme de 1 000 euros à l'OFII sur le fondement des mêmes dispositions.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de la société Jaurès Café est rejetée.
Article 2 : La société Jaurès Café versera la somme de 1 000 euros à l'Office français de l'immigration et de l'intégration sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société Jaurès Café, à l'Office français de l'immigration et de l'intégration et à la direction départementale des finances publiques de l'Essonne.
Délibéré après l'audience publique du 7 mars 2022, à laquelle siégeaient :
- M. Ivan Luben, président de chambre,
- Mme Marie-Dominique Jayer, première conseillère,
- Mme Gaëlle Mornet, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 29 mars 2022.
La rapporteure,
G. D...Le président,
I. LUBEN
Le greffier,
É. MOULIN
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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