Par un arrêt n° 17PA01548 du 4 mai 2018, la cour administrative d'appel de Paris a annulé ce jugement ainsi que la décision du 16 mars 2016.
Par une décision n° 421949 du 12 février 2020, le Conseil d'État, statuant au contentieux, a annulé l'arrêt du 4 mai 2018 et renvoyé l'affaire devant la cour administrative d'appel de Paris.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire enregistrés les 8 mai 2017 et 18 novembre 2020, la société Le Toit Parisien, représentée par Me E..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 9 mars 2017 du tribunal administratif de Paris ;
2°) d'annuler la décision du 16 mars 2016 ;
3°) de mettre à la charge de la ville de Paris la somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le tribunal administratif a omis de répondre à l'ensemble de ses moyens ;
- la lettre du 16 mars 2016 lui indiquant que sa demande de permis de construire avait fait l'objet d'un refus tacite constitue une décision faisant grief ;
- cette lettre ne mentionne pas la qualité de son auteur, en méconnaissance de l'article 4 de la loi du 12 avril 2000, et n'indique pas à quel titre ce dernier était habilité à lui refuser la délivrance de ce certificat ;
- le refus de permis de construire est illégal, dès lors qu'il ne revêt pas la forme d'un arrêté et qu'il n'est pas motivé ;
- le refus de permis de construire est illégal, dès lors qu'elle n'a pas été avisée d'une prolongation du délai d'instruction de sa demande et que l'avis de l'architecte des bâtiments de France, s'il était défavorable, ne lui a pas été communiqué ;
- le refus de permis de construire méconnaît les dispositions de l'article R. 424-3 du code de l'urbanisme ; seul un avis défavorable de l'architecte des bâtiments de France ou un avis favorable avec réserves peut entraîner un refus tacite ;
- le refus de permis est entaché d'illégalité dès lors que son projet ne porte pas atteinte aux objectifs de protection du patrimoine.
Par deux mémoires en défense enregistrés les 15 février 2018 et 18 décembre 2020, la ville de Paris, représentée par Me A..., conclut, dans le dernier état de ses écritures, au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de la société Le Toit Parisien la somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- les conclusions à fin d'annulation du courrier du 16 mars 2016 sont irrecevables, dès lors que ce dernier ne constitue pas une décision faisant grief ;
- la demande de production de l'avis de l'architecte des bâtiments de France est irrecevable ;
- le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 4 de la loi du 12 avril 2000, désormais codifié à l'article L. 212-1 du code des relations entre le public et l'administration, est inopérant ;
- les moyens tirés de la violation des articles R. 423-35 et R. 423-37 du code de l'urbanisme sont inopérants ;
- les autres moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
La clôture de l'instruction a été fixée au 7 janvier 2021.
Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme B...,
- les observations de Mme Pena, rapporteur public,
- et les observations de Me A..., représentant la ville de Paris.
Considérant ce qui suit :
1. La société Le Toit Parisien a déposé, le 4 novembre 2014, une demande de permis de construire portant sur la démolition de deux bâtiments, la surélévation d'un bâtiment existant et la construction d'un nouveau bâtiment sur une parcelle située au 40-42 rue de la Folie Regnault, dans le onzième arrondissement de Paris. Par deux courriers des 25 novembre 2014 et 6 mars 2015, la ville de Paris a demandé au pétitionnaire de produire des pièces supplémentaires, à la suite de quoi de nouvelles pièces ont été déposées. Par courrier du 21 janvier 2016, la société Le Toit Parisien a demandé à la ville de Paris de lui délivrer une attestation de permis tacite. Par lettre du 16 mars 2016, cette demande a été rejetée au motif qu'une décision implicite de refus était née le 26 septembre 2015. Par un jugement du 9 mars 2017, le tribunal administratif de Paris a rejeté la demande de la société Le Toit Parisien tendant à l'annulation du refus de lui délivrer une attestation de permis tacite. Par un arrêt du 4 mai 2018, la cour administrative d'appel de Paris a annulé ce jugement ainsi que le courrier du 16 mars 2016. Par une décision du 12 février 2020, le Conseil d'État, statuant au contentieux, a annulé l'arrêt du 4 mai 2018 de la cour administrative d'appel de Paris et lui a renvoyé l'affaire.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Aux termes de l'article R. 424-13 du code de l'urbanisme, alors applicable : " En cas de permis tacite ou de non-opposition à un projet ayant fait l'objet d'une déclaration, l'autorité compétente en délivre certificat sur simple demande du demandeur, du déclarant ou de ses ayants-droit (...) ".
3. Il ressort des pièces du dossier que la société Le Toit Parisien, qui estimait être titulaire d'un permis de construire tacite, a demandé la délivrance du certificat prévu par les dispositions précitées. Par le courrier litigieux du 16 mars 2016, notifié par pli recommandé avec accusé de réception et mentionnant les voies et délais de recours, le sous-directeur chargé du permis de construire et du paysage de la rue à la direction de l'urbanisme de la ville de Paris a rejeté cette demande au motif que la demande de permis de construire avait fait l'objet, le 26 septembre 2015, d'une décision implicite de rejet. Cette lettre, qui refuse la délivrance du certificat de permis tacite prévu par l'article R. 424-13 du code de l'urbanisme, fait grief et peut, contrairement à ce qu'a estimé le tribunal administratif, faire l'objet d'un recours pour excès de pouvoir. Par suite, la société requérante est fondée à soutenir que le jugement attaqué est irrégulier et à en demander l'annulation.
4. Il y a lieu pour la cour d'évoquer et de statuer immédiatement sur les demandes de la société Le Toit Parisien.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
5. D'une part, aux termes de l'article L. 451-1 du code de l'urbanisme : " Lorsque la démolition est nécessaire à une opération de construction ou d'aménagement, la demande de permis de construire (...) peut porter à la fois sur la démolition et sur la construction (...). Dans ce cas, le permis de construire (...) autorise la démolition ". L'article R. 424-1 du code de l'urbanisme prévoit que : " A défaut de notification d'une décision expresse dans le délai d'instruction déterminé comme il est dit à la section IV du chapitre III ci-dessus, le silence gardé par l'autorité compétente vaut, selon les cas : / (...) b) Permis de construire, permis d'aménager ou permis de démolir tacite. (...) ". Toutefois, aux termes de l'article R. 424-2 du même code : " Par exception au b de l'article R. 424-1, le défaut de notification d'une décision expresse dans le délai d'instruction vaut décision implicite de rejet dans les cas suivants : (...) / i) Lorsque le projet porte sur une démolition soumise à permis en site inscrit ". Il résulte de ces dispositions que le défaut de notification d'une décision expresse dans le délai d'instruction vaut décision implicite de rejet lorsque la demande de permis de construire porte sur une démolition soumise a permis en site inscrit, y compris lorsque cette demande porte également sur une construction.
6. D'autre part, aux termes de l'article R. 423-28 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction alors applicable : " Le délai d'instruction (...) est (...) porté à six mois : / (...) b) Lorsqu'un permis de construire ou d'aménager porte sur un projet situé dans le périmètre de protection des immeubles classés ou inscrits au titre des monuments historiques (...) ; c) Lorsqu'un permis de construire porte sur des travaux relatifs à un établissement recevant du public ". Aux termes de l'article R. 423-19 du même code : " Le délai d'instruction court à compter de la réception en mairie d'un dossier complet ".
7. En premier lieu, le projet pour lequel la société Le Toit Parisien a sollicité le 4 novembre 2014 un permis de construire portait, en site inscrit, sur la démolition de deux bâtiments, la surélévation d'un bâtiment existant et la construction d'un nouveau bâtiment.
Il constituait par suite un projet " portant sur une démolition " au sens du i) de l'article R. 424-2 précité du code de l'urbanisme. Or, il est constant que le pétitionnaire n'a reçu notification d'aucune décision expresse dans le délai d'instruction, qui prenait fin le 26 septembre 2015, le dossier ayant été complété le 26 mars 2015 par la production de pièces requises par le code de l'urbanisme. Il s'ensuit que, contrairement à ce que soutient la société requérante, une décision implicite rejetant sa demande de permis de construire était née le 26 septembre 2015.
8. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 212-1 du code des relations entre le public et l'administration : " Toute décision prise par une administration comporte la signature de son auteur ainsi que la mention, en caractères lisibles, du prénom, du nom et de la qualité de celui-ci. ". Le courrier du 16 mars 2016 est signé par M. C... D.... Il comporte le prénom et le nom du signataire et fait état de sa qualité de sous-directeur chargé du service du permis de construire et du paysage de la rue, qui l'habilitait à signer une lettre portant refus de délivrer un certificat de permis tacite.
9. En deuxième lieu, le courrier du 16 mars 2016 indique les dispositions dont il est fait application, notamment l'article R. 424-2 précité du code de l'urbanisme, et mentionne les étapes de la procédure qui a abouti à la décision implicite de refus de permis de construire. Il est ainsi suffisamment motivé.
10. En dernier lieu, il résulte de ce qui a été dit au point 7 du présent arrêt que le courrier du 16 mars 2016 ne constitue pas une décision de refus de permis de construire, mais un refus de délivrer un certificat de permis tacite. Par suite, les moyens de la société Le Toit Parisien tirés du défaut de notification et de visa de l'avis de l'architecte des bâtiments de France, ainsi que de l'absence d'atteinte de son projet aux objectifs de protection du patrimoine, qui auraient pu être utilement invoqués contre le refus de permis de construire, sont inopérants contre le refus de délivrer un certificat de permis tacite.
11. Il résulte de tout ce qui précède que la société Le Toit Parisien n'est pas fondée à demander l'annulation du courrier du 16 mars 2016 lui refusant la délivrance d'un certificat de permis tacite.
Sur les frais liés au litige :
12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la ville de Paris, qui n'est pas partie perdante dans la présente instance, la somme que demande la société Le Toit Parisien au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Il y a lieu en revanche de mettre à la charge de la requérante la somme de 1 500 euros à verser à la ville de Paris sur le fondement des mêmes dispositions.
DECIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1607464/4-1 du 9 mars 2017 du tribunal administratif de Paris est annulé.
Article 2 : Les demandes présentées par la société Le Toit Parisien devant le tribunal administratif de Paris sont rejetées.
Article 3 : La société Le Toit Parisien versera à la ville de Paris la somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la société Le Toit Parisien et à la ville de Paris.
Délibéré après l'audience du 9 mars 2021, à laquelle siégeaient :
- M. Bernier, président-assesseur, assurant la présidence de la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,
- Mme Jayer, premier conseiller,
- Mme B..., premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 30 mars 2021.
Le rapporteur,
G. B...Le président de la formation de jugement,
Ch. BERNIER
Le greffier,
A. DUCHER
La République mande et ordonne au préfet de la région Île-de-France, préfet de Paris, en ce qui le concerne, ou à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 20PA00776