Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 3 janvier 2018, M. A..., représenté par MeB..., demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du Tribunal administratif de Paris n° 1716828/3-3
du 13 décembre 2017 ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet de police du 20 octobre 2017 ;
3°) d'enjoindre au préfet de police de lui délivrer une attestation de réexamen de demande d'asile valant autorisation provisoire de séjour, dans un délai de huit jours à compter de la notification du présent arrêt, et d'enjoindre au préfet de police de lui délivrer un titre de séjour, dans un délai de trente jours, sous astreinte de 50 euros par jour de retard ou, à défaut, de réexaminer sa situation administrative et lui délivrer une attestation provisoire de séjour lui permettant de travailler, dans les mêmes conditions de délai et d'astreinte ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 800 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que le préfet de police a méconnu les dispositions des articles R. 741-1 et
L. 743-1 et 2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors qu'il n'a pas pris en compte sa demande d'asile, avant de prendre à son encontre l'arrêté attaqué.
Le préfet de police a été mis en demeure de produire une défense sur le fondement de l'article R. 612-3 du code de justice administrative le 26 janvier 2018.
M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal de grande instance de Paris du 21 mars 2018.[AC-D1]
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme d'Argenlieu a été entendu au cours de l'audience publique.
1. M.A..., ressortissant pakistanais, né le 26 novembre 1991, est entré en France
le 8 décembre 2012. Par un arrêté du 20 octobre 2017, le préfet de police lui a fait obligation de quitter le territoire français, dans un délai de trente jours, et a fixé le pays de destination. M. A...relève appel du jugement du 13 décembre 2017 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur la légalité de la décision attaquée :
2. Aux termes de l'article L. 741-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers : " Tout étranger présent sur le territoire français et souhaitant demander l'asile se présente en personne à l'autorité administrative compétente, qui enregistre sa demande et procède à la détermination de l'Etat responsable en application du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil, du 26 juin 2013, établissant les critères et mécanismes de détermination de l'Etat membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale introduite dans l'un des Etats membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, ou en application d'engagements identiques à ceux prévus par le même règlement, dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat (...). Lorsque l'enregistrement de sa demande d'asile a été effectué, l'étranger se voit remettre une attestation de demande d'asile dont les conditions de délivrance et de renouvellement sont fixées par décret en Conseil d'Etat. La durée de validité de l'attestation est fixée par arrêté du ministre chargé de l'asile. La délivrance de cette attestation ne peut être refusée au motif que l'étranger est démuni des documents et visas mentionnés à l'article L. 211-1. (...) ". Aux termes de l'article R. 741-2 du même code : " Lorsque l'étranger présente sa demande auprès de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, des services de police ou de gendarmerie ou de l'administration pénitentiaire, la personne est orientée vers l'autorité compétente (...) ". Aux termes de l'article
L. 743-1 du même code : " Le demandeur d'asile dont l'examen de la demande relève de la compétence de la France et qui a introduit sa demande auprès de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides bénéficie du droit de se maintenir sur le territoire français jusqu'à la notification de la décision de l'office ou, si un recours a été formé, jusqu'à la notification de la décision de la Cour nationale du droit d'asile. L'attestation délivrée en application de l'article
L. 741-1, dès lors que la demande d'asile a été introduite auprès de l'office, vaut autorisation provisoire de séjour et est renouvelable jusqu'à ce que l'office et, le cas échéant, la cour statuent. ". L'article L. 743-2 du même code dispose que : " Par dérogation à l'article L. 743-1, sous réserve du respect des stipulations de l'article 33 de la convention relative au statut des réfugiés, signée à Genève le 28 juillet 1951, et de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, adoptée à Rome le 4 novembre 1950, le droit de se maintenir sur le territoire français prend fin et l'attestation de demande d'asile peut être refusée, retirée ou son renouvellement refusé lorsque : / (...) / 4° L'étranger n'a introduit une première demande de réexamen, qui a fait l'objet d'une décision d'irrecevabilité par l'office en application du 3° de l'article L. 723-11, qu'en vue de faire échec à une mesure d'éloignement ; 5° L'étranger présente une nouvelle demande de réexamen après le rejet définitif d'une première demande de réexamen / (...) ". Aux termes de l'article L. 723-11 du même code : " L'office peut prendre une décision d'irrecevabilité écrite et motivée, sans vérifier si les conditions d'octroi de l'asile sont réunies, dans les cas suivants : 1° Lorsque le demandeur bénéficie d'une protection effective au titre de l'asile dans un Etat membre de l'Union européenne ; 2° Lorsque le demandeur bénéficie du statut de réfugié et d'une protection effective dans un Etat tiers et y est effectivement réadmissible ; 3° En cas de demande de réexamen lorsque, à l'issue d'un examen préliminaire effectué selon la procédure définie à l'article L. 723-16, il apparaît que cette demande ne répond pas aux conditions prévues au même article / (...)". Et aux termes de l'article L. 723-16 du même code : " A l'appui de sa demande de réexamen, le demandeur indique par écrit les faits et produit tout élément susceptible de justifier un nouvel examen de sa demande d'asile. L'office procède à un examen préliminaire des faits ou des éléments nouveaux présentés par le demandeur intervenus après la décision définitive prise sur une demande antérieure ou dont il est avéré qu'il n'a pu en avoir connaissance qu'après cette décision / (...)".
3. Il ressort de ces dispositions combinées que l'autorité de police est tenue de transmettre au préfet et ce dernier d'enregistrer une demande d'admission au séjour lorsqu'un étranger, lors de son interpellation, formule une demande d'asile. Ces dispositions font dès lors obstacle à ce que le préfet fasse usage des pouvoirs que lui confère le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en matière d'éloignement des étrangers en situation irrégulière, avant d'avoir statué sur cette demande d'admission au séjour déposée au titre de l'asile. Dans l'hypothèse où une première demande d'asile a été antérieurement rejetée, le préfet peut toutefois décider, sur le fondement des dispositions de l'article L. 743-2 alinéas 4 et 5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile précité, l'éloignement d'un ressortissant étranger à la double condition que cet office ait rejeté la première demande de réexamen pour irrecevabilité et qu'elle n'ait été présentée qu'en vue de faire échec à une mesure d'éloignement.
4. Il ressort des pièces du dossier que l'Office français de protection des réfugiés et apatrides a rejeté la demande d'asile présentée par M. A... le 5 septembre 2014. Il n'est pas contesté, qu'au cours de son audition par les autorités de police consécutive à son interpellation du 20 octobre 2017, M. A...a indiqué qu'il séjournait en France pour demander l'asile. Il doit donc être regardé comme ayant sollicité, durant cette audition, un premier réexamen de sa demande d'asile initiale. Dès lors, le préfet de police ne pouvait prendre une mesure d'éloignement à l'égard de M. A... qu'à la double condition que cette première demande de réexamen ait été formulée en vue de faire échec à une mesure d'éloignement, et qu'elle ait fait l'objet d'une décision d'irrecevabilité par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides. Or, il ne ressort d'aucune pièce du dossier qu'une telle décision d'irrecevabilité ait été prise par cet office. Par suite, l'arrêté du 20 octobre 2017, par lequel le préfet de police a fait obligation à M. A...de quitter le territoire dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination, est entaché d'une erreur de droit.
5. Il résulte de tout ce qui précède, que M. A...est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 20 octobre 2017.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
6. Il y a lieu d'enjoindre au préfet de police, dans l'attente du réexamen de sa demande d'asile par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, de délivrer à M. A...une attestation de demande d'asile valant autorisation provisoire de séjour, dans un délai de huit jours à compter de la notification du présent arrêt, sans qu'il y ait lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte. En revanche, les conclusions tendant à ce qu'il soit enjoint au préfet de police de délivrer à M. A...une attestation de réexamen de demande d'asile valant autorisation provisoire de séjour, dans un délai de huit jours à compter de la notification du présent arrêt doivent être rejetées.
Sur les frais de justice :
7. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au bénéfice de l'avocat de M.A..., sous réserve que ce dernier renonce à percevoir la part contributive de l'Etat à l'aide juridictionnelle.
DECIDE :
Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Paris n°1716828/3-3 du 13 décembre 2017 et l'arrêté du préfet de police du 20 octobre 2017 sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet de police de délivrer une attestation de réexamen de la demande d'asile sollicitée par M.A..., valant autorisation provisoire de séjour, dans un délai de huit jours à compter de la notification du présent arrêt.
Article 3 : L'Etat versera à l'avocat de M. A...une somme de 1 500 euros en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, sous réserve qu'il renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... A..., au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur, au préfet de police et à MeB....
Délibéré après l'audience du 10 avril 2018, à laquelle siégeaient :
- M. Even, président de chambre,
- Mme Hamon, président assesseur,
- Mme d'Argenlieu, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 2 mai 2018.
Le rapporteur,
L. d'ARGENLIEU
Le président,
B. EVEN
Le greffier,
S. GASPAR
La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
[AC-D1]Demande d'AJ en cours
BE : à compléter
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N° 18PA00021