Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 26 décembre 2017, Mme C...représentée par
MeB..., demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du Tribunal administratif de Paris n° 1710341/5-2 du
26 octobre 2017 ;
2°) d'annuler la décision du 29 mars 2017 par laquelle la rectrice de l'académie de Dijon a rejeté son recours gracieux du 24 février 2017 ;
3°) d'enjoindre au rectorat de Dijon de reconnaître l'imputabilité au service de sa perte d'audition et de ses arrêts de maladie à compter du 14 septembre 2015 ;
4°) de condamner l'Etat à lui verser une somme de 15 000 euros au titre des préjudices qu'elle estime avoir subis ;
5°) d'enjoindre au rectorat de Dijon de lui accorder la protection fonctionnelle et de condamner, à ce titre, le rectorat de Dijon à prendre intégralement en charge ses frais de procédure sur présentation des justificatifs chiffrés à la date de la requête à 2 760 euros ;
6°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 500 euros au titre de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le jugement attaqué a été pris en méconnaissance des dispositions de l'article R. 613-3 du code de justice administrative ;
- la décision refusant de reconnaître l'imputabilité au service de sa perte d'audition et de ses acouphènes est entachée d'un vice de procédure tenant à l'absence de saisine de la commission de réforme ;
- cette décision est entachée d'une erreur de fait et d'une erreur dans leur qualification juridique en tant que les pathologies dont elle souffre sont directement en lien avec les conditions d'exercice de ses fonctions au sein de son établissement ;
- la décision refusant de lui octroyer la protection fonctionnelle est entachée d'une erreur de fait et d'une erreur dans leur qualification juridique des faits dans la mesure où ceux-ci caractérisent un harcèlement moral de nature à justifier l'octroi de ladite protection ;
- l'Etat doit être condamné à lui verser une somme de 15 000 euros au titre des préjudices subis en raison des faits de harcèlement dont elle s'estime victime.
Par un mémoire en défense, enregistré le 21 mai 2019, le ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse conclut au rejet de la requête.
Il soutient qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.
Un mémoire complémentaire, présenté pour MmeC..., a été enregistré le
20 juin 2019.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme d'Argenlieu,
- et les conclusions de Mme Oriol, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. Mme A...C..., attachée d'administration de l'Etat, a été affectée à l'issue de sa formation dans un institut régional d'administration, au collège Jacques Prévert de Migennes (89), où elle a exercé les fonctions d'adjoint-gestionnaire durant l'année scolaire 2014/2015 et une partie de l'année scolaire suivante 2015/2016. Elle avait alors pour collaboratrice Mme Magret, secrétaire d'intendance. Informés des graves difficultés relationnelles qui existaient entre ces deux femmes, les services du rectorat de Dijon ont reçu Mme C...en entretien afin d'envisager un changement d'établissement. Mme C...a été finalement détachée auprès du ministère de la justice à compter du 1er avril 2016. Cependant, estimant avoir été harcelée par sa collaboratrice, dans un contexte d'inaction de sa hiérarchie, la requérante a demandé au rectorat de Dijon que lui soit octroyé le bénéfice de la protection fonctionnelle, le versement d'une somme de 15 000 euros en réparation des préjudices qu'elle estimait avoir subis et que la perte d'audition et les acouphènes dont elle a souffert soient reconnus comme imputables au service. L'administration a refusé de faire droit à ces demandes par une décision du 29 mars 2017. Par un jugement du 26 juin 2017, dont Mme C...fait appel, le Tribunal administratif de Paris a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de cette décision, à ce que la responsabilité de l'Etat soit engagée et à ce qu'il soit enjoint à l'administration de reconnaître l'imputabilité au service des pathologies dont elle affirme souffrir.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Devant les juridictions administratives et dans l'intérêt d'une bonne justice, le juge a toujours la faculté de rouvrir l'instruction, qu'il dirige, lorsqu'il est saisi d'une production postérieure à la clôture de celle-ci. Il lui appartient, dans tous les cas, de prendre connaissance de cette production avant de rendre sa décision et de la viser. S'il décide d'en tenir compte, il rouvre l'instruction et soumet au débat contradictoire les éléments contenus dans cette production qu'il doit, en outre, analyser. Dans le cas particulier où cette production contient l'exposé d'une circonstance de fait ou d'un élément de droit dont la partie qui l'invoque n'était pas en mesure de faire état avant la clôture de l'instruction et qui est susceptible d'exercer une influence sur le jugement de l'affaire, le juge doit alors en tenir compte, à peine d'irrégularité de sa décision.
3. En l'espèce, contrairement à ce que soutient MmeC..., le mémoire essentiellement factuel qu'elle a produit le 10 octobre 2017, soit postérieurement à la clôture de l'instruction, ne contenait aucun élément de droit ou fait dont elle n'était pas en mesure de se prévaloir avant la clôture et n'était pas susceptible d'exercer une influence sur le jugement de l'affaire. Dans ces conditions, les premiers juges n'ont commis aucune irrégularité en se bornant à le viser sans le communiquer.
Sur les fautes alléguées :
S'agissant de l'imputabilité au service de l'état de santé de MmeC... :
4. Aux termes de l'article 34 de la loi susvisée du 11 janvier 1984 : " Toutefois, si la maladie provient de l'une des causes exceptionnelles prévues à l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite, à l'exception des blessures ou des maladies contractées ou aggravées en service, le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à mise à la retraite. Il a droit, en outre, au remboursement des honoraires médicaux et des frais directement entraînés par la maladie ou l'accident (...) ".
5. En premier lieu, s'il est constant que la rectrice de l'académie de Dijon ne s'est pas expressément prononcée, dans sa décision du 29 mars 2017, sur l'imputabilité au service de la surdité partielle et des acouphènes dont a souffert MmeC..., elle n'a pas pour autant refusé d'instruire cette demande dans la mesure où elle a saisi la commission de réforme des agents de l'Etat, laquelle s'est tenue le 16 novembre 2017. Aucune illégalité fautive ne peut donc être relevée sur ce point.
6. En second lieu, en se bornant à produire un certificat médical, daté du 22 décembre 2015, indiquant que " (...) Mme C...est en arrêt maladie depuis le 14 septembre 2015 et que son état de santé nécessite un suivi médical et un soutien psychologique " et une lettre d'un psychiatre psychanalyste, datée du 16 mars 2016, se contentant de relater les dires de l'intéressée, sans les reprendre à son compte, selon lesquels ses difficultés l'auraient conduite vers un état dépressif qui aurait lui-même généré des troubles auditifs, Mme C...n'établit pas l'imputabilité au service des pathologies dont elle a souffert. L'intéressée n'est donc pas fondée à solliciter l'engagement de la responsabilité de l'Etat consécutivement au refus de reconnaissance de l'existence d'une maladie professionnelle.
S'agissant du harcèlement moral allégué et du refus du bénéfice de la protection fonctionnelle :
7. Aux termes de l'article 6 quinquiès de la loi du 13 juillet 1983 : " Aucun fonctionnaire ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. / Aucune mesure concernant notamment (...) la titularisation (...) ne peut être prise à l'égard d'un fonctionnaire en prenant en considération : / 1° Le fait qu'il ait subi ou refusé de subir les agissements de harcèlement moral visés au premier alinéa ; / 2° Le fait qu'il ait exercé un recours auprès d'un supérieur hiérarchique ou engagé une action en justice visant à faire cesser ces agissements ; / 3° Ou bien le fait qu'il ait témoigné de tels agissements ou qu'il les ait relatés (...) ". Il appartient à un agent public qui soutient avoir été victime d'agissements constitutifs de harcèlement moral, de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence d'un tel harcèlement et il incombe à l'administration de produire, en sens contraire, une argumentation de nature à démontrer que les agissements en cause sont justifiés par des considérations étrangères à tout harcèlement. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si les agissements de harcèlement sont ou non établis, se détermine au vu de ces échanges contradictoires, qu'il peut compléter, en cas de doute, en ordonnant toute mesure d'instruction utile.
8. Mme C...fait valoir qu'elle a été harcelée par sa subordonnée Mme Magret,
elle-même secrétaire d'intendance et que, dans ce contexte particulièrement tendu, elle n'a pas été soutenue par sa hiérarchie.
9. Il ressort des pièces du dossier et il est constant que les relations entre Mme C...et Mme Magret, cette dernière refusant tout subordination hiérarchique, se sont rapidement dégradées et ont conduit à des dépôts de plainte réciproques, ainsi qu'à la venue au collège de l'époux de Mme Magret dans le but de proférer des menaces physiques à l'égard de l'appelante. Toutefois, ces éléments de faits révèlent plus l'existence d'une mésentente réelle entre les deux protagonistes, que d'un harcèlement moral de Mme Magret envers MmeC..., d'autant qu'au vu des rapports circonstanciés établis par la tutrice de l'intéressée et par le chef d'établissement, Mme Magret ne serait pas seule à l'origine de cette inimitié, puisque Mme C...aurait fait preuve d'une " autorité de hiérarchie très marquée " ainsi que d'" un autoritarisme et un manque de communication ". Quant à l'inaction de l'administration, celle-ci n'est pas établie. En effet, le jour de la venue de l'époux de Mme Magret, Mme C...a été reçue par sa hiérarchie et tout a été mis en place pour que la situation ne dégénère pas. Par ailleurs, dès que l'appelante a fait part de ses difficultés relationnelles au sein du collège, le rectorat a pris en compte sa demande sa demande de mutation. Elle a en effet obtenu " à titre exceptionnel " un avis favorable à cette demande, alors même que celle-ci intervenait en cours d'année scolaire. Ainsi, Mme C...a pu intégrer, en détachement, les effectifs du ministère de la justice à compter du 1er avril 2016. Dans ces conditions, s'il est constant que les conditions générales de travail au sein du collège Jacques Prévert à Migennes étaient particulièrement compliquées, pour autant aucun des éléments soulevés par l'intéressée, ni la somme de ceux-ci ne permettent de caractériser un harcèlement au sens des dispositions précitées de l'article 6 quinquies de la loi du 13 juillet 1983. Par suite, en l'absence de harcèlement moral, l'administration n'a commis aucune illégalité fautive en refusant d'octroyer à Mme C...le bénéfice de la protection fonctionnelle.
Sur les conclusions indemnitaires :
10. En l'absence de toute faute commise par l'Etat de nature à engager sa responsabilité, ainsi qu'il a été précisé aux points 4 à 9 ci-dessus, les conclusions indemnitaires présentées par Mme C...ne peuvent qu'être rejetées.
11. Il résulte de tout ce qui précède que Mme C...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, les conclusions de Mme C...à fin d'injonction, ainsi que celles présentées au titre des frais de justice sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.
DECIDE :
Article 1er : La requête de Mme C...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A...C...et à la ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation.
Délibéré après l'audience du 26 juin 2019, à laquelle siégeaient :
- M. Even, président de chambre,
- Mme Hamon, président assesseur,
- Mme d'Argenlieu, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 3 juillet 2019.
Le rapporteur,
L. d'ARGENLIEULe président,
B. EVENLe greffier,
I. BEDR
La République mande et ordonne à la ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation en ce qui la concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 17PA03947