Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 14 novembre 2018, M.A..., représenté par MeB..., demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Paris n° 1809540/8 du 6 juillet 2018 ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet de police du 29 mai 2018 ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 2 000 euros à verser àMe B...sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- l'arrêté attaqué est insuffisamment motivé ;
- il est dépourvu de base légale car il ne vise que l'article 16 du règlement UE n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;
- cet arrêté a été pris à l'issue d'une procédure irrégulière dès lors qu'il n'a pas reçu les informations prévues par les articles 4 et 5 du règlement UE n° 604/2013 du 26 juin 2013 dans une langue qu'il comprend.
Par un mémoire en défense enregistré le 29 janvier 2019, le préfet de police conclut au rejet de la requête.
Il soutient que :
- le moyen tiré de l'illégalité externe de la décision attaquée est irrecevable faute d'avoir été soulevé en première instance ;
- les autres moyens de la requête ne sont pas fondés.
M. A...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal de grande instance de Paris du 19 octobre 2018.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le règlement UE n° 603/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 relatif à la création d'Eurodac ;
- le règlement n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l'Etat membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale introduite dans l'un des Etats membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Le rapport de Mme Hamon a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., de nationalité mauritanienne, entré en France à une date indéterminée, y a sollicité le bénéfice du statut de réfugié le 13 mars 2018. Par un arrêté du 29 mai 2018, le préfet de police a décidé son transfert aux autorités espagnoles, au motif qu'elles étaient responsables de l'examen de sa demande d'asile. M. A...fait appel du jugement du 6 juillet 2018 par lequel le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
2. En premier lieu, il résulte de l'examen de la requête présentée par M. A...devant le tribunal administratif à l'encontre de l'arrêté du 29 mai 2018, qu'il n'a soulevé que des moyens tirés de la légalité interne de cette décision. Par suite, s'il invoque en appel le vice de procédure entachant la décision attaquée, ainsi que son défaut de motivation, ces moyens de légalité externe, qui procèdent d'une cause juridique différente de celle des moyens soulevés dans le délai de recours pour excès de pouvoir et ne sont pas d'ordre public, sont, par suite, irrecevables.
3. En second lieu, aux termes de l'article 13 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. Lorsqu'il est établi, sur la base de preuves ou d'indices tels qu'ils figurent dans les deux listes mentionnées à l'article 22, paragraphe 3, du présent règlement, notamment des données visées au règlement (UE) n° 603/2013, que le demandeur a franchi irrégulièrement, par voie terrestre, maritime ou aérienne, la frontière d'un Etat membre dans lequel il est entré en venant d'un Etat tiers, cet Etat membre est responsable de l'examen de la demande de protection internationale. Cette responsabilité prend fin douze mois après la date du franchissement irrégulier de la frontière. / 2. Lorsqu'un Etat membre ne peut pas, ou ne peut plus, être tenu pour responsable conformément au paragraphe 1 du présent article et qu'il est établi, sur la base de preuves ou d'indices tels qu'ils figurent dans les deux listes mentionnées à l'article 22, paragraphe 3, que le demandeur qui est entré irrégulièrement sur le territoire des Etats membres ou dont les circonstances de l'entrée sur ce territoire ne peuvent être établies a séjourné dans un Etat membre pendant une période continue d'au moins cinq mois avant d'introduire sa demande de protection internationale, cet Etat membre est responsable de l'examen de la demande de protection internationale. / Si le demandeur a séjourné dans plusieurs Etats membres pendant des périodes d'au moins cinq mois, l'Etat membre du dernier séjour est responsable de l'examen de la demande de protection internationale ". Par ailleurs le paragraphe 2 de l'article 7 de ce même règlement dispose que : " la détermination de l'Etat membre responsable en application des critères énoncés dans le présent chapitre se fait sur la base de la situation qui existait au moment où le demandeur a introduit sa demande de protection internationale pour la première fois auprès d'un Etat membre ". Il résulte de la combinaison des dispositions précitées que les critères prévus à l'article 13 du règlement ne sont susceptibles de s'appliquer que lorsque le ressortissant d'un pays tiers présente une demande d'asile pour la première fois depuis son entrée sur le territoire de l'un ou l'autre des Etats membres et, qu'en particulier, les dispositions de cet article ne s'appliquent pas lorsque le ressortissant d'un pays tiers présente, fût-ce pour la première fois, une demande d'asile dans un Etat membre après avoir déposé une demande d'asile dans un autre Etat membre, que cette dernière ait été rejetée ou soit encore en cours d'instruction.
4. Il ressort des pièces du dossier que les recherches effectuées sur le fichier européen Eurodac à partir du relevé décadactylaire de M.A..., établi le 13 mars 2018, ont permis de constater que les empreintes de ce dernier sont identiques à celles relevées le 17 février 2018 après son entrée irrégulière en Espagne. Par ailleurs, M. A...n'établit pas, par ses seules affirmations, qu'il aurait déposé une demande d'asile en Espagne alors qu'il a indiqué lors de son entretien ne pas avoir déposé de demande préalable à celle enregistrée en France. Au regard de ces éléments, le préfet de police a pu légalement fonder la décision de transfert vers l'Espagne attaquée sur le 1 de l'article 13 précité du règlement UE n° 604/2013 du 26 juin 2013. M. A...n'est dès lors pas fondé à soutenir que cet arrêté serait dépourvu de base légale.
5. Enfin, aux termes de l'article 4 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " Droit à l'information / 1. Dès qu'une demande de protection internationale est introduite au sens de l'article 20, paragraphe 2, dans un Etat membre, ses autorités compétentes informent le demandeur de l'application du présent règlement, et notamment : / a) des objectifs du présent règlement et des conséquences de la présentation d'une autre demande dans un Etat membre différent ainsi que des conséquences du passage d'un Etat membre à un autre pendant les phases au cours desquelles l'Etat membre responsable en vertu du présent règlement est déterminé et la demande de protection internationale est examinée ; / b) des critères de détermination de l'Etat membre responsable, de la hiérarchie de ces critères au cours des différentes étapes de la procédure et de leur durée, y compris du fait qu'une demande de protection internationale introduite dans un Etat membre peut mener à la désignation de cet Etat membre comme responsable en vertu du présent règlement même si cette responsabilité n'est pas fondée sur ces critères ; / c) de l'entretien individuel en vertu de l'article 5 et de la possibilité de fournir des informations sur la présence de membres de la famille, de proches ou de tout autre parent dans les Etats membres, y compris des moyens par lesquels le demandeur peut fournir ces informations ; /d) de la possibilité de contester une décision de transfert et, le cas échéant, de demander une suspension du transfert ; / e) du fait que les autorités compétentes des Etats membres peuvent échanger des données le concernant aux seules fins d'exécuter leurs obligations découlant du présent règlement ; / f) de l'existence du droit d'accès aux données le concernant et du droit de demander que ces données soient rectifiées si elles sont inexactes ou supprimées si elles ont fait l'objet d'un traitement illicite, ainsi que des procédures à suivre pour exercer ces droits, y compris des coordonnées des autorités visées à l'article 35 examiner les réclamations relatives à la protection des données à caractère personnel. / 2. Les informations visées au paragraphe 1 sont données par écrit, dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend. Les Etats membres utilisent la brochure commune rédigée à cet effet en vertu du paragraphe 3. (...) / 3. La Commission rédige, au moyen d'actes d'exécution, une brochure commune (...), contenant au minimum les informations visées au paragraphe 1 du présent article. (...) ". L'article 5 du même règlement dispose par ailleurs que : " 1. Afin de faciliter le processus de détermination de l'Etat membre responsable, l'Etat membre procédant à cette détermination mène un entretien individuel avec le demandeur. Cet entretien permet également de veiller à ce que le demandeur comprenne correctement les informations qui lui ont été fournies conformément à l'article 4. (...) ".
6. Il ressort des pièces du dossier que M. A...s'est vu remettre, le 13 mars 2018, le " guide du demandeur d'asile en France " et les brochures " j'ai demandé l'asile dans l'Union Européenne - quel pays sera responsable de l'analyse de ma demande ' " (brochure A) et " Je suis sous procédure Dublin - qu'est ce que cela signifie ' " (brochure B), en langue française, et qu'il a apposé sa signature sur ces documents. S'il n'est pas contesté qu'il ne comprend pas le français, il ressort de ces mêmes pièces qu'il était assisté, lors de l'entretien individuel réalisé le 13 mars 2018, au cours duquel les brochures lui ont été remises, d'un interprète en langue soninké, qu'il a déclaré comprendre. Par suite, M. A...n'est pas fondé à soutenir que les dispositions précitées des articles 4 et 5 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 auraient été méconnues.
7. Il résulte dès lors de tout ce qui précède que M. A...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions présentées sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ne peuvent qu'être rejetées.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. A...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C...A...et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de police.
Délibéré après l'audience du 13 mai 2019, à laquelle siégeaient :
- M. Even, président de chambre,
- Mme Hamon, président assesseur,
- Mme d'Argenlieu, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 4 juin 2019.
Le rapporteur,
P. HAMONLe président,
. EVEN
Le greffier,
S. GASPARLa République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 18PA03574