2°) d'enjoindre au maire de Bora-Bora de leur restituer leur emplacement ;
3°) de condamner la commune de Bora-Bora à verser à M. F... une somme à déterminer en réparation du manque à gagner subi pendant la période durant laquelle il a été privé d'activité.
Par un jugement n° 1800219 du 31 janvier 2019, le Tribunal administratif de la Polynésie française a rejeté leur demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 9 mai 2019 et 9 janvier 2021, l'association Tapehaa Piti et M. F..., représentés par Me E..., demandent à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1800219 du 31 janvier 2019 par lequel le Tribunal administratif de la Polynésie française a rejeté leur demande ;
2°) d'annuler la décision du 9 avril 2018 par laquelle le maire de Bora-Bora a retiré l'autorisation de l'association Tapehaa Piti d'exposer au centre artisanal de la commune ;
3°) d'enjoindre au maire de Bora-Bora de leur restituer leur emplacement ;
4°) de mettre à la charge de la commune de Bora-Bora le versement de la somme de 300 000 XPF sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- la requête a été introduite dans le délai d'appel ;
- Mme C... a été désignée en qualité de présidente le 7 mars 2015 et a intérêt pour agir ;
- la décision attaquée est entachée d'inexactitude matérielle des faits ;
- elle est entachée d'un détournement de procédure et d'un détournement de pouvoir ;
- elle porte atteinte au principe de liberté de commerce et d'industrie.
Par un mémoire en défense et des pièces complémentaires, enregistrés les 31 juillet 2019 et 20 novembre 2020, la commune de Bora-Bora, représentée par Me G..., conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de l'association Tapehaa Piti et de M. F... une somme de 300 000 FCP au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la requête d'appel est tardive ;
- la demande de première instance est irrecevable en l'absence de décision du conseil exécutif de l'association autorisant son président à ester en justice ;
- la demande de première instance en tant qu'elle émane de M. F... est irrecevable dès lors qu'il n'a pas d'intérêt pour agir contre la décision concernant l'association Tapehaa Piti ;
- la demande de première instance est tardive ;
- les conclusions à fin d'injonction présentées devant le juge de l'excès de pouvoir en appel sont irrecevables ;
- les moyens soulevés par l'association Tapehaa Piti et par M. F... ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Mach, premier conseiller,
- les conclusions de M. Baronnet, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. La commune de Bora-Bora a mis à disposition d'artisans créateurs exerçant sous forme associative et travaillant à partir de produits locaux un local dénommé " centre artisanal ", lequel appartient à son domaine public. Par décision du 9 avril 2018, le maire de Bora-Bora a demandé à M. F... et à l'association Tapehaa Piti de quitter le centre artisanal et a retiré leur autorisation d'exposer. L'association Tapehaa Piti et M. F... relèvent appel du jugement du 31 janvier 2019 par lequel le Tribunal administratif de la Polynésie française a rejeté leur demande tendant à l'annulation de la décision du 9 avril 2018 et au versement d'une indemnité en réparation du préjudice que M. F... estime avoir subi.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
2. Il appartient à l'autorité administrative affectataire de dépendances du domaine public de fixer, tant dans l'intérêt de ce domaine et de son affectation que dans l'intérêt général, les conditions auxquelles elle entend subordonner les permissions d'occupation. Il lui incombe en outre lorsque, conformément à l'affectation de ces dépendances, celles-ci sont le siège d'activités de production, de distribution ou de services, de prendre en considération les diverses règles, telles que le principe de la liberté du commerce et de l'industrie dans le cadre desquelles s'exercent ces activités. Il appartient alors au juge de l'excès de pouvoir, à qui il revient d'apprécier la légalité des actes juridiques de gestion du domaine public, de s'assurer que ces actes ont été pris compte tenu de l'ensemble de ces principes et de ces règles et qu'ils en ont fait, en les combinant, une exacte application.
3. Aux termes de l'article 3 du règlement intérieur relatif aux conditions et aux modalités d'exploitation du centre artisanal : " (...) Cette autorisation d'exposer est exclusivement accordée par le maire après avis du président de la fédération. (...) / Lors de son installation, l'attributaire s'engage à respecter le règlement intérieur. / Pour le non-respect de ce présent règlement, seul le maire est habilité à procéder au retrait de l'autorisation ". Aux termes de l'article 4 du même règlement intérieur : " Est entendu par artisan toute personne physique qui exerce pour son compte à titre onéreux une activité manuelle créatrice, laquelle peut être attestée de machines-outils à condition que le processus de production ne soit pas automatisé et qui en tire des revenus réguliers à titre principal ou complémentaire. / Son activité doit mettre en oeuvre des techniques, motifs et dessins hérités du patrimoine culturel polynésien et de ses évolutions récentes en utilisant des matières premières produites localement. " Aux termes de l'article 5 du même règlement : " Est considéré comme objet d'artisanat toute marchandise ou produit spécifique à la Polynésie française, ayant pour référence le patrimoine culturel polynésien et réalisé par des personnes physiques résidant dans la commune de Bora Bora (tifaifai, vannerie, sculpture, bijouterie d'art, gravure...) / Tout produit fini importé, de fabrication industrielle et/ou étrangère, de nature à tromper le client sur sa provenance réelle, est formellement interdit (exemples : paréos, paniers, tifaifais, bijoux en provenance de l'étranger et des îles autres que Bora Bora) ".
4. La décision contestée du 9 avril 2018 repose sur les motifs tirés de ce que le comportement irrespectueux de M. F... porte atteinte au bon fonctionnement du centre artisanal et que celui-ci n'expose pas ses produits dans l'esprit artisanal local exigé par le règlement intérieur du centre. D'une part, il ressort des pièces du dossier, et notamment des attestations produites par la commune de Bora-Bora, dont la plupart émanent d'exposants au centre artisanal, ainsi que du procès-verbal de la réunion des associations exposantes du 26 mars 2018, que de nombreux incidents, dont M. F... est à l'origine par son comportement irrespectueux et agressif, ont généré un climat hostile au sein du centre artisanal. Si les appelants font valoir être l'objet de jalousie et d'hostilité par les autres artisans pour des motifs liés au racisme " anti popaa ", les attestations produites sur les qualités de M. D... et sur son absence d'agressivité ne sont pas de nature à remettre en cause l'exactitude matérielle de ce premier motif. En revanche, les mêmes pièces du dossier ne permettent pas de tenir pour établi que les produits exposés par M. F... ne correspondraient pas aux exigences du règlement intérieur du centre artisanal quant à leur production ou à leur origine. Toutefois, il résulte de l'instruction que le maire de Bora-Bora aurait, s'il n'avait retenu que le premier motif, pris la même décision à l'égard de M. F... et de l'association Tapehaa Piti. Par suite, le moyen tiré de l'inexactitude matérielle des faits doit être écarté.
5. Le retrait d'une autorisation d'exposer sur un emplacement relevant du domaine public ne peut, alors même qu'il a pour conséquence de priver l'attributaire d'exercer son activité commerciale sur ledit emplacement, être regardé comme étant par lui-même susceptible de porter atteinte à la liberté du commerce et de l'industrie. Alors même que les faits reprochés ne concernent que M. D... dont il est constant qu'il occupait l'emplacement pour lequel l'association Tapehaa Piti disposait d'une autorisation, le maire pouvait retirer l'autorisation de l'association, ce qui a pour seule conséquence de priver tant M. D... que l'association de la possibilité d'exercer uniquement au sein du centre artisanal, sans porter atteinte à la liberté du commerce et d'industrie.
6. Il ressort des pièces du dossier d'une part que la décision contestée n'est pas entachée de détournement de procédure du seul fait que, lors d'une réunion du 26 mars 2018, les autres artisans ont souhaité l'éviction de l'association Tapehaa Piti du centre artisanal et d'autre part que la décision n'a pas été prise par les artisans du centre artisanal, mais par le maire, notamment en vue de préserver l'ordre public.
7. Si les appelants font valoir que la décision a été prise en raison d'une hostilité " anti popaa " à leur égard et afin de faire cesser leur activité prospère, les attestations produites par les appelants, qui se bornent à faire état de l'existence de jalousie et d'hostilité par les autres artisans, sont insuffisamment circonstanciées. Par suite, le détournement de pouvoir allégué n'est pas établi.
8. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les fins de non-recevoir opposées par la commune de Bora-Bora et la recevabilité de la demande de première instance, que l'association Tapehaa Piti et M. F... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de la Polynésie française a rejeté leur demande. Par voie de conséquence, leurs conclusions à fin d'injonction ne peuvent qu'être rejetées.
Sur les frais liés au litige :
9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de la commune de Bora-Bora, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que l'association Tapehaa Piti et M. F... demandent au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'association Tapehaa Piti et de M. F... le versement de la somme que la commune de Bora-Bora demande sur le fondement des mêmes dispositions.
DECIDE :
Article 1er : La requête de l'association Tapehaa Piti et de M. F... est rejetée.
Article 2 : Les conclusions de la commune de Bora-Bora présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à l'association Tapehaa Piti, à M. A... F... et à la commune de Bora-Bora.
Copie en sera adressée au Haut-Commissaire de la République en Polynésie française.
Délibéré après l'audience du 22 janvier 2021, à laquelle siégeaient :
- Mme B..., président de chambre,
- Mme Portes, premier conseiller,
- Mme Mach, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 5 février 2021.
Le rapporteur,
A-S MACHLe président,
M. B...Le greffier,
S. GASPARLa République mande et ordonne au Haut-Commissaire de la République en Polynésie française en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 19PA01550 5