Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 28 octobre 2019, Mme B..., représentée par la Selafa Cabinet Cassel, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1707957 du 9 octobre 2019 par lequel le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande ;
2°) d'annuler la décision du 14 mars 2016 par laquelle le directeur des ressources humaines du centre hospitalier de Montereau-Fault-Yonne a rejeté sa demande tendant au versement d'une indemnité compensatrice des congés annuels et des congés accumulés sur son compte épargne temps non pris ainsi que la décision du directeur du centre hospitalier Sud Seine-et-Marne du 20 mai 2016 rejetant son recours hiérarchique ;
3°) d'enjoindre au centre hospitalier de Montereau-Fault-Yonne de procéder au paiement de 23 jours de congés, ou à défaut de réexaminer sa situation, sous astreinte de 200 euros par jour de retard à compter de l'arrêt à intervenir ;
4°) de mettre à la charge du centre hospitalier de Montereau-Fault-Yonne le versement de la somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le tribunal n'a pas répondu aux moyens soulevés sur le caractère inopposable du délai raisonnable fixé par la jurisprudence Czabaj ;
- la règle énoncée par la jurisprudence Czabaj méconnaît le droit au recours et le droit à un procès équitable en méconnaissance des articles 6-1 et 13 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 15 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen ;
- elle méconnaît le principe de sécurité juridique qui exclut que puissent être remises en cause de manière rétroactive des garanties légales et des situations légalement acquises ;
- elle méconnaît le principe d'intelligibilité de la loi ;
- l'administration ne justifie pas d'un intérêt général pour lui opposer la tardiveté ;
- elle ignorait les délais de recours ;
- la dégradation de son état de santé faisait obstacle à ce qu'elle saisisse la juridiction ;
- elle avait engagé une procédure de règlement amiable.
Par un mémoire en défense, enregistré le 13 novembre 2020, le centre hospitalier Sud Seine-et-Marne conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de Mme B... la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que les moyens soulevés par Mme B... ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la déclaration des droits de l'homme et du citoyen ;
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Mach, premier conseiller,
- les conclusions de M. Baronnet, rapporteur public,
- les observations de Me C... pour le centre hospitalier Sud Seine-et-Marne.
Considérant ce qui suit :
1. Mme B..., adjoint administratif principal à la direction des affaires financières du centre hospitalier de Montereau-Fault-Yonne, a été admise à la retraite à compter du 1er décembre 2015, à l'issue d'un congé de maladie. Par courrier du 22 janvier 2016, Mme B... a demandé le versement d'une indemnité compensatrice de droits à congés à raison de vingt-et-un jours accumulés sur son compte épargne temps et de deux jours de congés annuels qu'elle n'avait pu liquider. Sa demande a été rejetée par décision du 14 mars 2016 du directeur des ressources humaines du centre hospitalier de Montereau-Fault-Yonne. Par courrier du 21 avril 2016, Mme B... a exercé un recours auprès du directeur commun du centre hospitalier Sud Seine-et-Marne, au sein duquel se trouve le centre hospitalier de Montereau-Fault-Yonne, qui a été rejeté par une décision du 20 mai 2016. Mme B... relève appel du jugement du 9 octobre 2019 par lequel le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions des 14 mars 2016 et 20 mai 2016.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés ".
3. Le centre hospitalier Sud Seine-et-Marne a opposé, en première instance, une fin de non-recevoir tirée de la tardiveté de la demande de première instance présentée par Mme B.... Le tribunal a retenu, aux points 2 à 7 du jugement, la tardiveté des conclusions aux fins d'annulation des deux décisions contestées au motif qu'elles avaient été présentées plus d'un an après que Mme B... en avait eu connaissance sans se prononcer sur les moyens de défense, qui n'étaient pas inopérants, présentés par Mme B... et tirés de ce que cette règle méconnaissait le principe de séparation des pouvoirs et violait le principe d'intelligibilité des lois. Ce faisant, et eu égard à l'argumentation de Mme B... devant les premiers juges, le tribunal a insuffisamment motivé son jugement. Dès lors, l'appelante est fondée à soutenir que le jugement attaqué est entaché d'irrégularité à ce titre et doit être annulé.
4. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par Mme B... devant le Tribunal administratif de Melun.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
5. Aux termes de l'article R. 421-1 du code de justice administrative : " La juridiction ne peut être saisie que par voie de recours formé contre une décision, et ce, dans les deux mois à partir de la notification ou de la publication de la décision attaquée (...) ". Aux termes de l'article R. 421-5 du même code : " Les délais de recours contre une décision administrative ne sont opposables qu'à la condition d'avoir été mentionnés, ainsi que les voies de recours, dans la notification de la décision ".
6. Il résulte de ces dispositions que lorsque la notification ne comporte pas les mentions requises, ce délai n'est pas opposable. Toutefois, le principe de sécurité juridique, qui implique que ne puissent être remises en cause sans condition de délai des situations consolidées par l'effet du temps, fait obstacle à ce que puisse être contestée indéfiniment une décision administrative individuelle qui a été notifiée à son destinataire, ou dont il est établi, à défaut d'une telle notification, que celui-ci a eu connaissance. En une telle hypothèse, si le non-respect de l'obligation d'informer l'intéressé sur les voies et les délais de recours, ou l'absence de preuve qu'une telle information a bien été fournie, ne permet pas que lui soient opposés les délais de recours fixés par le code de justice administrative, le destinataire de la décision ne peut exercer de recours juridictionnel au-delà d'un délai raisonnable. En règle générale et sauf circonstances particulières dont se prévaudrait le requérant, ce délai ne saurait, sous réserve de l'exercice de recours administratifs pour lesquels les textes prévoient des délais particuliers, excéder un an à compter de la date à laquelle une décision expresse lui a été notifiée ou de la date à laquelle il est établi qu'il en a eu connaissance.
7. Il est constant que la décision du 14 mars 2016 rejetant la demande de Mme B... tendant au paiement d'une indemnité compensatrice des droits aux congés annuels ne comportait pas la mention des voies et délais de recours. Il ressort des pièces du dossier que Mme B... a eu connaissance de cette décision au plus tard le 21 avril 2016, date à laquelle elle a exercé un recours hiérarchique auprès du directeur commun du centre hospitalier Sud Seine-et-Marne. Si l'établissement hospitalier n'établit pas la date à laquelle la décision du 20 mai 2016 rejetant son recours hiérarchique a été notifiée à Mme B..., il ressort des pièces du dossier, et notamment d'un courrier de l'assurance de protection juridique du 13 juillet 2016 à laquelle Mme B... a eu recours, que l'assistance juridique a indiqué avoir pris connaissance des termes de cette décision du 20 mai 2016 que l'intéressée lui avait elle-même transmise. Par suite, la requérante doit être regardée comme ayant eu connaissance de la décision du 20 mai 2016 au plus tard le 13 juillet 2016. Les conclusions aux fins d'annulation des décisions des 14 mars 2016 et 20 mai 2016 ont été enregistrées au greffe du Tribunal administratif de Melun le 13 octobre 2017, soit au-delà du délai raisonnable d'un an suivant la connaissance de ces décisions.
8. D'une part, Mme B... soutient que la règle énoncée au point 6 méconnaît le droit au recours et le droit à un procès équitable en méconnaissance des articles 6-1 et 13 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 15 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen ainsi que le principe de sécurité juridique. Toutefois, cette règle, qui a pour seul objet de borner dans le temps les conséquences de la sanction attachée au défaut de mention des voies et délais de recours, ne porte pas atteinte à la substance du droit au recours, mais tend seulement à éviter que son exercice, au-delà d'un délai raisonnable, ne mette en péril la stabilité des situations juridiques et la bonne administration de la justice, en exposant les défendeurs potentiels à des recours excessivement tardifs. Il appartient dès lors au juge administratif d'en faire application au litige dont il est saisi, quelle que soit la date des faits qui lui ont donné naissance et la date à laquelle le recours a été introduit, sans qu'y fassent obstacle les stipulations des articles 6-1 et 13 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions de l'article 15 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen. D'autre part, en énonçant cette règle, qui découle de ce principe de sécurité juridique, principe consacré par sa jurisprudence, le Conseil d'Etat, par son arrêt d'assemblée n° 387763 du 13 juillet 2016, n'a pas empiété sur le pouvoir législatif ou réglementaire. Enfin, Mme B... fait valoir que la règle énoncée méconnaît l'objectif de valeur constitutionnelle d'intelligibilité de la norme. La circonstance alléguée que les dispositions législatives et réglementaires du code de justice administrative n'aient pas été ultérieurement modifiées pour prendre en compte la règle ainsi énoncée, laquelle est précise et intelligible, n'est pas de nature à méconnaître cet objectif. Ainsi qu'il a été dit, une application immédiate de la règle énoncée au point 6 ne porte pas atteinte à la substance du droit au recours et le principe d'intelligibilité de la norme n'implique nullement que la règle nouvellement énoncée ne soit appliquée qu'aux décisions administratives individuelles notifiées postérieurement au 13 juillet 2016. Par suite, Mme B... n'est pas fondée à soutenir que la règle énoncée au point 6 ne peut lui être opposée.
9. D'une part et contrairement à ce que soutient l'intéressée, il n'appartient pas au centre hospitalier Sud Seine-et-Marne de justifier d'un intérêt général pour pouvoir opposer la tardiveté de sa requête. D'autre part, si Mme B... se prévaut de la dégradation de son état de santé en 2015, les pièces produites, et notamment les bulletins de situation de 2015, le compte-rendu d'hospitalisation en octobre 2015 ainsi qu'un certificat médical en date du 1er décembre 2017 faisant état de diverses pathologies graves et d'un suivi de rhumatisme inflammatoire ne permettent pas d'établir que son état de santé la plaçait dans l'impossibilité de saisir le juge de ce litige dans un délai raisonnable courant à compter du 13 juillet 2016. Enfin, Mme B... soutient avoir cherché à obtenir un règlement amiable du litige par l'intermédiaire de son assurance de protection juridique et se prévaut d'un courrier du 15 mai 2017 du directeur des ressources humaines du centre hospitalier Sud Seine-et-Marne. Toutefois ce dernier se borne à réitérer l'impossibilité de répondre favorablement à la demande de Mme B... dans l'attente d'une évolution, dans un délai non déterminé, de la réglementation applicable en vue de sa mise en conformité au droit de l'Union européenne. Dans les circonstances de l'espèce, ce courrier ne peut être regardé comme révélant la poursuite de l'instruction de sa demande ou comme incitant à ne pas saisir le juge administratif. Par suite, ni la procédure de règlement amiable, ni l'état de santé de Mme B..., ni le fait qu'elle ignorait les délais de recours ne permettent de déroger dans les circonstances de l'espèce au délai d'un an mentionné au point 6.
10. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres fins de non-recevoir, que le centre hospitalier Sud Seine-et-Marne est fondé à soutenir que les conclusions à fin d'annulation des décisions des 14 mars 2016 et 20 mai 2016 sont tardives et, par suite, irrecevables. Par voie de conséquence, les conclusions à fin d'injonction présentées par Mme B... doivent être rejetées.
Sur les frais liés au litige :
11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge du centre hospitalier Sud Seine-et-Marne, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que Mme B... demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge de Mme B... le versement de la somme que le centre hospitalier Sud Seine-et-Marne demande sur le fondement des mêmes dispositions.
DECIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1707957 du 9 octobre 2019 du Tribunal administratif de Melun est annulé.
Article 2 : La demande présentée par Mme B... devant le Tribunal administratif de Melun ainsi que ses conclusions présentées en appel sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Les conclusions du centre hospitalier Sud Seine-et-Marne présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D... B... et au centre hospitalier Sud Seine-et-Marne.
Délibéré après l'audience du 22 janvier 2021, à laquelle siégeaient :
- Mme A..., président de chambre,
- Mme Portes, premier conseiller,
- Mme Mach, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 5 février 2021.
Le rapporteur,
A-S MACHLe président,
M. A...Le greffier,
S. GASPAR
La République mande et ordonne au ministre des solidarités et de la santé en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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