Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 18 avril 2016, M. B...demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du Tribunal administratif de Paris n° 1505154/5-1 du
18 février 2016 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 23 décembre 2014 par lequel le préfet de police l'a muté dans l'intérêt du service de la compagnie de transferts, d'escortes et de protection, au service de la circulation du périphérique relevant de la DOPC ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la notification du jugement est irrégulière ;
- le jugement est irrégulier en ce que les premiers juges ont refusé d'enjoindre au préfet de police de communiquer le " rapport d'information relatif aux effets des interventions répétées de la CGT ", daté du 9 août 2013 ;
- ce jugement est entaché d'une erreur de droit et d'une erreur d'appréciation ;
- l'arrêté attaqué est insuffisamment motivé ;
- il est entaché d'un détournement de pouvoir dès lors que la mutation en litige constitue une sanction déguisée motivée par son activité syndicale ;
- il est entaché d'une erreur manifeste dans l'appréciation de l'intérêt du service ;
- il porte atteinte au droit de M. B...à se syndiquer garanti par le 6ème alinéa du préambule de la Constitution de 27 octobre 1946.
Par un mémoire enregistré le 21 mars 2018, le ministre d'Etat, ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par M. B...ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la Constitution du 27 octobre 1946 ;
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires ;
- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat ;
- le décret n° 95-654 du 9 mai 1995 fixant les dispositions communes applicables aux fonctionnaires actifs des services de la police nationale ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme d'Argenlieu,
- et les conclusions de Mme Oriol, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. M.B..., gardien de la paix, était affecté, depuis le 14 mai 2007, à la direction de l'ordre public et de la circulation, au sein de la compagnie de transferts, d'escortes et de protections. Par un arrêté du 23 décembre 2014, le préfet de police a décidé de le muter au service de la circulation du périphérique relevant de la direction de l'ordre public et de la circulation (DOPC). M. B...relève appel du jugement du 18 février 2016 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. En premier lieu, il est constant que M. B...étant fonctionnaire, sa requête était au nombre de celles qui étaient alors dispensées du ministère d'avocat en vertu des dispositions de l'article R. 811-7 du code de justice administrative, alors applicable. Si la lettre par laquelle le greffe du Tribunal administratif de Paris a notifié le jugement attaqué à M. B...et lui a indiqué, à tort, que sa requête d'appel devait être introduite par le ministère d'un avocat sous peine d'irrecevabilité, cette circonstance est, en tout état de cause, sans incidence sur la régularité du jugement attaqué.
3. En deuxième lieu, M. B...soutient que le tribunal administratif aurait dû faire droit à sa demande visant à ce qu'il soit enjoint à la préfecture de police de produire le " rapport d'information relatif aux effets des interventions répétées de la CGT " daté du 9 août 2013. Toutefois, une telle mesure d'instruction constitue une prérogative propre du juge qui n'est ainsi jamais tenu d'y faire droit, a fortiori si, comme en l'espèce, il s'estime suffisamment éclairé au vu des pièces du dossier sur les faits portés à sa connaissance. Ce moyen ne peut dès lors qu'être écarté.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
4. En premier lieu, la mutation dans l'intérêt du service constitue une sanction déguisée dès lors qu'il est établi que l'auteur de l'acte a eu l'intention de sanctionner l'agent et que la décision a porté atteinte à la situation professionnelle de ce dernier.
5. Il ressort en l'espèce des pièces du dossier, qu'en demandant le retrait de ses coordonnées téléphoniques des registres du service, en juillet 2013, M. B...a exprimé sa volonté de ne pas être joint en dehors de ses heures de travail. Or, le fait pour l'intéressé de ne pas répondre aux appels téléphoniques de son supérieur en vue de décaler ses horaires de permanence a occasionné, à plusieurs reprises au cours du mois de novembre 2013, des perturbations dans l'organisation du service et des missions dévolues à la compagnie de transferts, d'escortes et de protections qui, pourtant, de par la spécificité de son activité requiert une souplesse particulière de la part des agents qui y travaillent. En conséquence, par deux rapports, datés des 18 juillet et 9 octobre 2014, le directeur de l'ordre public et de la circulation a sollicité la mutation dans l'intérêt du service de M.B..., en motivant cette demande par la désorganisation du service, le manque de fiabilité de l'intéressé et la rupture de confiance induite par son comportement. Reçu par sa hiérarchie le 2 décembre 2013, puis par le sous-directeur de la gestion opérationnelle le 8 octobre 2014, M. B...a décliné la proposition qui lui était faite de présenter une candidature spontanée pour un service de son choix au sein de la direction de l'ordre public et de la circulation.
6. Il ne ressort pas des pièces du dossier que la mesure contestée aurait porté atteinte à la situation professionnelle du requérant, alors que le préfet de police fait valoir, sans être contredit, que le poste sur lequel il est nouvellement affecté correspond à son grade, que les responsabilités qui lui sont confiées sont plus grandes que celles qu'il exerçait auparavant, et que les horaires de travail y sont plus favorables, notamment en raison de l'absence de permanence.
7. M. B...soutient en outre que sa hiérarchie a entendu le sanctionner en raison de ses activités syndicales. Si un rapport du 9 août 2013 mentionne qu'il est délégué de la CGT Police au sein de la DOPC, il a pour objet de présenter, d'une manière plus générale, l'impact de la CGT police sur la situation et l'organisation de cette direction. S'il ressort par ailleurs des pièces du dossier que le tampon des affaires disciplinaires se retrouve sur plusieurs documents relatifs à la mesure contestée, cette circonstance, pour regrettable qu'elle soit, n'est pas de nature à faire regarder ladite mesure comme constituant une sanction disciplinaire visant à sanctionner M. B...du fait de ses activités syndicales.
8. Il résulte de tout ce qui précède que M. B...n'est pas fondé à soutenir que sa mutation, décidée par l'arrêté attaqué du 23 décembre 2014, n'aurait pas été prise dans l'intérêt du service et constituerait une sanction déguisée.
9. En deuxième lieu, il résulte de ce qui précède que la décision attaquée du
23 décembre 2014 ne constituant pas une sanction mais une mutation d'office, n'est pas au nombre des décisions administratives défavorables dont la loi du 11 juillet 1979 susvisée alors applicable imposait la motivation. Par suite, le moyen tiré de son insuffisance de motivation doit être écarté comme inopérant.
10. En troisième lieu, il résulte de ce qui a été dit au point 5, que le refus de M. B...d'être joint en dehors de ses heures de travail a eu des conséquences sur l'organisation du service. Par suite, le préfet de police a pu estimer, sans commettre une erreur manifeste d'appréciation, que l'intérêt du service justifiait que M. B...reçoive une autre affectation. Pour les mêmes motifs, l'arrêté attaqué ayant été pris dans l'intérêt du service, ne constitue pas une sanction déguisée. Le moyen tiré de l'existence d'un détournement de pouvoir doit donc être écarté.
11. Enfin, dès lors que la décision contestée n'a pas été prise en raison des activités syndicales de M.B..., elle ne saurait être regardée comme portant atteinte au 6e alinéa du préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 aux termes duquel : " Tout homme peut défendre ses droits et ses intérêts par l'action syndicale et adhérer au syndicat de son choix ".
12. Il résulte de tout ce qui précède que M. B...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. B...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A...B...et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet de police.
Délibéré après l'audience du 22 mai 2018, à laquelle siégeaient :
- M. Even, président de chambre,
- Mme Hamon, président assesseur,
- Mme d'Argenlieu, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 5 juin 2018.
Le rapporteur,
L. d'ARGENLIEULe président,
B. EVENLe greffier,
S. GASPARLa République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 16PA01331