Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 19 avril 2016, l'association Union des groupements des parents d'élèves des établissements scolaires de Nouméa, de l'intérieur et des îles et Mme A...D...représentés par MeB..., demandent à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie n° 1500332 du 25 février 2016 ;
2°) d'annuler la décision du vice-recteur du 28 mai 2015 infligeant à l'élève Jacques D...la sanction d'exclusion définitive du lycée professionnel Petro Attiti ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 200 000 francs CFP sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- la décision attaquée du 28 mai 2015 a été prise par une autorité incompétente ;
- elle a été prise à l'issue d'une procédure irrégulière, le conseil de discipline étant irrégulièrement composé ;
- le principe du contradictoire n'a pas été respecté, la décision ayant été prise en l'absence de l'élève et de ses parents ;
- la décision n'a pas été précédée d'une information du maire de la commune en violation de l'article L. 131-6 du code de l'éducation ;
- elle est insuffisamment motivée ;
- elle est entachée d'erreur de fait sur la gravité des atteintes à la personne ayant résulté des faits sanctionnés ;
- elle méconnaît le principe d'individualisation dès lors qu'un groupe d'élèves ont été globalement sanctionnés ;
- elle méconnaît le principe de légalité des délits et des peines ;
- elle méconnaît l'article D. 511-43 du code de l'éducation faute de mesures d'accompagnement de l'élève exclu ;
- elle est disproportionnée et entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.
Par un mémoire enregistré le 3 avril 2018, le ministre de l'éducation nationale a présenté des observations[IB1].[be2]
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'éducation ;
- la loi organique n° 99-209 du 19 mars 1999 modifiée relative à la Nouvelle-Calédonie ;
- la loi de pays n° 2009-009 du 28 décembre 2009 relative au transfert à la
Nouvelle-Calédonie des compétences de l'Etat en matière d'enseignement du second degré public et privé ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Hamon,
- et les conclusions de Mme Oriol, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. A la suite d'une bagarre ayant opposé plusieurs élèves du lycée professionnel Petro Attiti de Nouméa le 24 mars 2015, le conseil de discipline a pris, le 21 avril 2015, la sanction d'exclusion définitive de l'élève JacquesD..., sanction confirmée en appel par une décision du
vice-recteur de la Nouvelle-Calédonie le 28 mai 2015. L'association Union des groupements des parents d'élèves des établissements scolaires de Nouméa, de l'intérieur et des îles, ainsi que
Mme A...D..., mère de JacquesD..., mineur né le 7 juillet 1998, font appel du jugement en tant que le Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie a rejeté leur demande tendant à l'annulation de la décision du vice-recteur du 28 mai 2015.
Sur la légalité externe de la décision attaquée :
2. En premier lieu, aux termes de l'article R. 511-49 du code de l'éducation : " Toute décision du conseil de discipline de l'établissement ou du conseil de discipline départemental peut être déférée au recteur de l'académie, dans un délai de huit jours à compter de sa notification écrite, soit par le représentant légal de l'élève, ou par ce dernier s'il est majeur, soit par le chef d'établissement. Le recteur d'académie décide après avis d'une commission académique. ". L'article D. 494-2 de ce même code précise que : " Pour l'application aux collèges et aux lycées de Nouvelle-Calédonie des dispositions de la présente section, les mots : "autorité académique", "directeur académique des services de l'éducation nationale agissant sur délégation du recteur d'académie" et "recteur d'académie" sont remplacés par les mots : "vice-recteur de la Nouvelle-Calédonie", les mots : "commission académique d'appel" par les mots : "commission d'appel constituée auprès du vice-recteur " (...).". Par ailleurs, aux termes de l'article 6 de la loi de pays n° 2009-09 du
28 décembre 2009 relative aux transferts à la Nouvelle-Calédonie des compétences de l'Etat en matière d'enseignement du second degré public et privé : " En matière de vie scolaire, la Nouvelle-Calédonie est notamment compétente pour : définir (...) les règles relatives (...) à la discipline, y compris le régime des sanctions ; ". Il résulte de ces dispositions combinées que si le vice-recteur de Nouvelle-Calédonie met en oeuvre une compétence de la Nouvelle-Calédonie lorsqu'il prend des décisions relatives aux sanctions prises dans le domaine de la vie scolaire, il est seul compétent pour statuer sur une décision du conseil de discipline d'un établissement d'enseignement du second degré qui lui est déférée. Par suite, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que la décision, signée par le vice-recteur de la Nouvelle-Calédonie, serait entachée d'incompétence.
3. En deuxième lieu, les moyens de légalité externe, relatifs à la procédure suivie devant le conseil de discipline, sont inopérants à l'encontre de la seule décision attaquée en appel, prise par le vice-recteur le 28 mai 2015 dans le cadre d'un recours administratif préalable obligatoire.
4. En troisième lieu, contrairement à ce que soutiennent les requérants, ni l'article L. 131-6 du code de l'éducation, qui n'est en tout état de cause pas applicable en Nouvelle-Calédonie, ni aucune autre dispositions législative ou réglementaire applicable sur ce territoire n'imposent que le maire de la commune soit informé de l'exclusion définitive prononcée à l'encontre d'un élève d'un établissement d'enseignement secondaire.
5. En quatrième lieu, la décision attaquée du vice-recteur, qui mentionne : "Considérant la gravité des faits de violences physiques commis par M. C...D...à l'encontre d'un élève (...), l'examen individuel du degré de gravité de l'élève " et ajoute que " les agissements de
M. C...D...présentent un degré de gravité suffisant pour justifier, à son endroit, la décision d'exclusion définitive prononcée par le conseil de discipline", et cite les dispositions législatives et réglementaires dont il est fait application, est suffisamment motivée en droit et en fait.
Sur la légalité interne de la décision attaquée :
6. En premier lieu, les poursuites et les sanctions, prévues par le code de l'éducation, dont les élèves peuvent faire l'objet ne constituent, eu égard tant à leur nature disciplinaire, qu'aux conséquences qu'elles emportent sur les élèves, ni des accusations en matière pénale, ni des condamnations. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance du principe de légalité des délits et des peines est inopérant. En tout état de cause, il n'est pas contesté que les faits sanctionnés, s'ils se sont produits lors de la pause méridienne, ont eu lieu à proximité immédiate de l'établissement et ont eu un retentissement sur le fonctionnement de celui-ci dans les jours qui ont suivi, entraînant notamment une éviction volontaire de certains élèves à l'initiative de leurs familles. Ces faits pouvaient légalement servir de fondement à des sanctions disciplinaires à l'initiative de l'établissement.
7. En deuxième lieu, la seule circonstance que les trois élèves faisant l'objet d'une procédure disciplinaire ont fait l'objet de la sanction identique d'exclusion définitive ne suffit pas à qualifier la décision attaquée de sanction collective, qui aurait été prise en méconnaissance du principe d'individualisation des sanctions.
8. En troisième lieu, la circonstance qu'un quatrième élève impliqué dans la bagarre à l'origine des sanctions n'a pas été sanctionné ne suffit pas à caractériser une rupture du principe d'égalité, alors qu'il ressort des pièces du dossier, et notamment des pièces de la procédure menée à raison de ces mêmes faits devant le juge pour enfants, que cet élève est l'une des victimes des coups portés par les élèves sanctionnés.
9. En quatrième lieu, il n'est pas contesté, alors que les faits ont été filmés par des élèves et reconnus par l'intéressé devant le conseil de discipline, que M. D...a participé, le 24 mars 2015, après une bousculade dans les locaux du lycée Petro Attiti, à une bagarre qui s'est déroulée lors de la pause méridienne dans un parc à proximité immédiate de l'établissement et au cours de laquelle il a porté des coups répétés à deux élèves au sol, qui ont subi chacun des blessures ayant entraîné une interruption temporaire de travail. Quelle que soit la durée exacte de cette interruption pour l'une des deux victimes de ces coups, la gravité de ces faits, commis délibérément et en réunion, est de nature à justifier une sanction d'exclusion définitive. Par suite, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que la décision attaquée serait disproportionnée, ni qu'elle serait entachée d'une erreur d'appréciation.
10. Enfin, si l'article D. 511-43 du code de l'éducation dispose que : " Lorsqu'une sanction d'exclusion définitive est prononcée par le conseil de discipline à l'encontre d'un élève soumis à l'obligation scolaire, le recteur ou le directeur académique des services de l'éducation nationale agissant sur délégation du recteur d'académie, selon le cas, en est immédiatement informé et pourvoit aussitôt à son inscription dans un autre établissement ou centre public d'enseignement par correspondance. ", il est constant qu'à la date de la décision attaquée, M. D..., âgé de 16 ans révolus, n'était plus soumis à l'obligation scolaire. Par suite, il n'existait aucune obligation de pourvoir à son inscription dans un autre établissement scolaire, ni de s'assurer de la poursuite de sa scolarité.
11. Il résulte de tout ce qui précède que l'UGPEN et Mme D...ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de
Nouvelle-Calédonie a rejeté leur demande tendant à l'annulation de la décision du vice-recteur du 28 mai 2015. Par voie de conséquence, leurs conclusions présentées au titre des frais de justice ne peuvent qu'être rejetées.
DECIDE :
Article 1er : La requête de l'UGPEN et de Mme D...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à l'association Union des groupements des parents d'élèves des établissements scolaires de Nouméa, de l'intérieur et des îles, à Mme A...D..., à
M. C...D..., au ministre de l'éducation nationale. Copie en sera adressée au Vice-Recteur de la Nouvelle-Calédonie, au Haut Commissaire de la Nouvelle Calédonie et au ministre des outre mer.
Délibéré après l'audience du 22 mai 2018, à laquelle siégeaient :
- M. Even, président de chambre,
- Mme Hamon, président assesseur,
- Mme d'Argenlieu, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 5 juin 2018.
Le rapporteur,
P. HAMONLe président,
B. EVENLe greffier,
S. GASPAR
La République mande et ordonne au ministre de l'éducation nationale en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
[IB1]1° Mémoire communiqué
[be2]Mémoire en défense non communiqué , Visa des moyens en défense '
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N° 16PA01346