Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 11 décembre 2017, MmeC..., représentée par
MeA..., demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du Tribunal administratif de Paris n° 1711891/6-1 du
10 novembre 2017 ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet de police du 24 mai 2017 ;
3°) d'enjoindre au préfet de police de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale ", dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ou, à titre subsidiaire, de procéder au réexamen de sa situation et de lui délivrer un récépissé portant autorisation de travailler ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du
10 juillet 1991.
Elle soutient que :
- l'arrêté attaqué est entaché d'un vice de procédure dès lors que le préfet de police aurait dû saisir la commission du titre de séjour ;
- il est entaché d'une erreur de fait et méconnaît les dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- il est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation des conséquences du refus de séjour sur sa situation personnelle, familiale et professionnelle.
Par un mémoire en défense enregistré le 6 février 2018 le préfet de police conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens de la requête de Mme C...ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Hamon a été entendu au cours de l'audience publique
Considérant ce qui suit :
1. MmeC..., ressortissante serbe, née le 1er septembre 1964, est entrée en France le 24 septembre 2004 selon ses déclarations. Elle a sollicité, le 1er décembre 2016, son admission exceptionnelle au séjour sur le fondement des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 24 mai 2017, le préfet de police a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français et a fixé son pays de destination. Mme C...relève appel du jugement du
10 novembre 2017 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur le fond :
2. Aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée au 1° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 311-7. L'autorité administrative est tenue de soumettre pour avis à la commission mentionnée à l'article L. 312-1 la demande d'admission exceptionnelle au séjour formée par l'étranger qui justifie par tout moyen résider en France habituellement depuis plus de dix ans (...) ".
3. Il ressort des pièces du dossier que Mme C...produit, pour chacune des années en litige, un nombre important de documents constitués, pour l'essentiel, de relevés bancaires faisant état de mouvements, de bulletins de paie, d'avis d'imposition, de cartes solidarité transport, d'attestations de l'aide médicale d'Etat et de documents médicaux. Eu égard à leur nature, à leur variété et à leur cohérence, et malgré l'absence de pièces probantes variées relatives à la période de mai 2012 à décembre 2013, à l'exclusion d'un relevé des rechargements du titre de transport mensuel de l'intéressée, ces éléments, dans leur ensemble, établissent la résidence habituelle en France de Mme C...depuis dix ans à la date de la décision contestée. Par suite, le préfet de police a méconnu les dispositions précitées de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en ne consultant pas avant d'édicter sa décision la commission du titre de séjour.
4. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que Mme C...est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
5. Le présent arrêt, par lequel la Cour fait droit aux conclusions à fin d'annulation présentées par Mme C...n'implique pas, eu égard au motif d'annulation retenu, que l'administration prenne une nouvelle décision dans un sens déterminé. Par suite, les conclusions de la requérante tendant à ce que lui soit délivré un titre de séjour doivent être rejetées. Il y a lieu, en revanche, d'enjoindre au préfet de police de soumettre la demande présentée par l'intéressée à la commission du titre de séjour, dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt, et de lui délivrer dans l'attente du réexamen de sa situation administrative une autorisation provisoire de séjour.
Sur les conclusions présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 :
6. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Mme C...de la somme de 1 500 euros.
DECIDE :
Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Paris n° 1711891/6-1 du
10 novembre 2017 et l'arrêté du préfet de police du 24 mai 2017 sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet de police de soumettre la demande de Mme C...à l'avis de la commission du titre de séjour, dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt, et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans l'attente du réexamen de sa situation administrative.
Article 3 : L'Etat versera à Mme C...une somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B...C..., au préfet de police et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur.
Délibéré après l'audience du 22 mai 2018, à laquelle siégeaient :
- M. Even, président de chambre,
- Mme Hamon, président assesseur,
- Mme d'Argenlieu, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 5 juin 2018.
Le rapporteur,
P. HAMONLe président,
B. EVENLe greffier,
S. GASPAR
La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 17PA03763