Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 18 janvier 2018, M. C..., représenté par
Me Paulhac, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du Tribunal administratif de Paris n° 1703788/6-3 du
13 juillet 2017 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 30 janvier 2017 par lequel le préfet de police a refusé de lui délivrer un titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français, dans un délai de trente jours, en fixant le pays de destination ;
3°) d'enjoindre au préfet de police de lui délivrer un titre de séjour, dans le délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 15 euros par jour de retard ou, à titre subsidiaire, de procéder au réexamen de sa demande et de lui délivrer, dans cette attente, une autorisation provisoire de séjour, dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- l'arrêté du 30 janvier 2017 est insuffisamment motivé ;
- il est entaché d'un vice de procédure dès lors que le préfet n'a pas saisi la commission du titre de séjour alors qu'il justifiait d'une présence de plus de dix ans sur le territoire français ;
- il est entaché d'une erreur de fait ;
- il est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article
L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- il méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- il est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation.
Par un mémoire enregistré le 13 avril 2018, le préfet de police conclut au rejet de la requête.
Il soutient qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.
Un mémoire en réplique a été enregistré, le 17 mai 2018, pour M.C....
M. C...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal de grande instance de Paris du 24 novembre 2017.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Le rapport de Mme d'Argenlieu a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M.C..., ressortissant égyptien, né en 1977, est entré en France selon ses déclarations le 8 novembre 2003. Se prévalant d'une présence de plus de dix ans en France, il a déposé une demande d'admission au séjour le 6 juin 2016. Par une décision du 30 janvier 2017, le préfet de police a refusé de lui délivrer un titre de séjour et a assorti sa décision d'une obligation de quitter le territoire français, dans un délai de 30 jours, en fixant le pays de destination. M. C... relève appel du jugement du 13 juillet 2017 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 30 janvier 2017.
Sur la légalité de l'arrêté du 30 janvier 2017 :
2. Aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) L'autorité administrative est tenue de soumettre pour avis à la commission mentionnée à l'article L. 312-1 la demande d'admission exceptionnelle au séjour formée par l'étranger qui justifie par tout moyen résider en France habituellement depuis plus de dix ans ".
3. M. C...produit de nombreux documents démontrant qu'il réside en France depuis au moins le mois de janvier 2007. S'agissant plus particulièrement des années 2007 et 2008, contestées par les premiers juges, le requérant produit plusieurs bulletins de salaires, une attestation d'emploi portant sur les mois de mai à octobre 2008, un arrêt de travail suivi d'analyses médicales et d'une ordonnance médicale, elle même visée par la pharmacie lors de l'achat du traitement prescrit, une attestation de dépôt de demande d'aide médicale d'Etat (AME), une lettre d'envoi à l'intéressé de la carte d'AME, un rappel à la loi pour circulation sans titre de séjour, une lettre de la caisse primaire d'assurance maladie et, enfin, une lettre faisant part de l'envoi à M. C...de son pass Navigo. Par suite, eu égard à la cohérence de l'ensemble du dossier constitué par le requérant pour établir sa présence en France depuis plus de dix ans à la date de la décision attaquée, le préfet de police a méconnu les dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en omettant de saisir la commission du titre de séjour avant de prendre son arrêté.
4. Il résulte de tout ce qui précède que M. C...est fondé à soutenir, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif a rejeté sa demande.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
5. Le présent arrêt, par lequel la Cour fait droit aux conclusions à fin d'annulation présentées par M. C...n'implique pas, eu égard au motif d'annulation ci-dessus énoncé, que l'administration prenne une nouvelle décision dans un sens déterminé. Par suite, les conclusions du requérant tendant à ce que lui soit délivré un titre de séjour doivent être rejetées. Il y a en revanche lieu d'enjoindre au préfet de police de soumettre la demande présentée par l'intéressé à la commission du titre de séjour, dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt, et de lui délivrer dans l'attente du réexamen de sa situation administrative, une autorisation provisoire de séjour, sans qu'il soit besoin d'assortir cette injonction d'une astreinte.
Sur les frais de justice :
6. Il résulte de ce qui précède qu'il y a lieu de faire droit à la demande présentée à ce titre par M. C...et de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions combinées de l'article L.761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que Me Paulhac, avocat de M. C...renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle.
DECIDE :
Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Paris n° 1703788/6-3 du 13 juillet 2017 est annulé.
Article 2 : L'arrêté du 30 janvier 2017 par lequel le préfet de police a refusé à M. C...la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français et a fixé le pays de destination est annulé.
Article 3 : Il est enjoint au préfet de police de saisir la commission du titre de séjour dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 4 : L'Etat versera une somme de 1 500 euros à Me Paulhac au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi relative à l'aide juridique, sous réserve de sa renonciation à percevoir la part contributive de l'Etat.
Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... C..., au préfet de police, au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et à Maître B...Paulhac.
Délibéré après l'audience du 22 mai 2018, à laquelle siégeaient :
- M. Even, président de chambre,
- Mme Hamon, président assesseur,
- Mme d'Argenlieu, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 5 juin 2018.
Le rapporteur,
L. d'ARGENLIEU
Le président,
B. EVEN
Le greffier,
S. GASPAR
La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 18PA00230