Par un jugement n° 1802861-1804308 du 8 novembre 2019, le Tribunal administratif de Melun a fait droit à sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 14 février 2020, le département du Val-de-Marne en la personne de son président en exercice et représenté par Me B..., demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du 8 novembre 2019 du Tribunal administratif de Melun ;
2°) de rejeter la demande de Mme D... devant le Tribunal administratif de Melun ;
3°) de condamner Mme D... à lui verser la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la décision de retrait d'agrément a été signée par une autorité compétente et le jugement devra être annulé ;
- la décision de retrait d'agrément est fondée sur des faits matériellement établis et démontrent que les conditions d'accueil d'un mineur au domicile de Mme D... ne garantissent pas sa sécurité, sa santé ou son épanouissement ;
- la décision de retrait d'agrément n'est entachée d'aucune erreur d'appréciation ;
- l'exception d'illégalité de la décision de retrait d'agrément à l'appui des conclusions dirigées contre la décision de licenciement doit être écartée ;
- les autres moyens soulevés à l'encontre la décision de licenciement sont inopérants dès lors que le président du conseil départemental était tenu de licencier Mme D... en application de l'article L. 423-8 du code de l'action sociale et des familles ;
La requête a été communiquée à Mme C... D... qui n'a pas présenté de mémoire en défense ;
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'action et des familles,
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme E...,
- les conclusions de M. Baronnet, rapporteur public,
- et les observations de Me Cadoux, avocat du conseil départemental du Val-de-Marne.
Considérant ce qui suit :
1. Par une décision du 9 février 2018, le président du conseil départemental du
Val-de-Marne a, après avis favorable de la commission consultative paritaire départementale du 31 janvier 2018, prononcé le retrait de l'agrément de Mme D... en qualité d'assistante familiale et, par une décision du 29 mars 2018, prononcé son licenciement. Le président du conseil départemental du Val-de-Marne relève appel du jugement du 8 novembre 2019 par lequel le Tribunal administratif de Melun a fait droit à la demande de Mme D... d'annulation de ces deux décisions.
Sur la légalité de la décision du 9 février 2018 de retrait de l'agrément de Mme D... :
2. Si le Tribunal administratif de Melun a annulé la décision du 9 février 2018 au motif que sa signataire, le Dr Sheila Viola, directrice adjointe de la protection maternelle et infantile et de la promotion de la santé ne disposait pas d'une délégation régulière, le département du
Val-de-Marne produit pour la première fois en appel l'arrêté n° 2017-382 du 5 juillet 2017 publié au recueil des actes administratifs du département le 20 juillet 2017, portant délégation de signature du président du conseil départemental au Dr Viola à compter du 1er septembre 2017 pour signer, selon le document annexé à cet arrêté, les actes relatifs aux agréments des assistants maternels et assistants familiaux. Il en résulte que c'est à tort que le tribunal a annulé la décision du 9 février 2018 pour le motif tiré de l'incompétence de sa signataire.
3. Il appartient toutefois à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par Mme D... en première instance.
4. Il résulte des dispositions des articles L. 421-3 et L. 421-6 du code de l'action sociale et des familles qu'il incombe au président du conseil départemental de s'assurer que les conditions d'accueil garantissent la sécurité, la santé et l'épanouissement des enfants accueillis et de procéder au retrait de l'agrément si ces conditions ne sont plus remplies. A cette fin, dans l'hypothèse où il est informé de suspicions de comportements susceptibles de compromettre la santé, la sécurité ou l'épanouissement d'un enfant de la part du bénéficiaire de l'agrément ou de son entourage, il lui appartient de tenir compte de tous les éléments portés à la connaissance des services compétents du département ou recueillis par eux et de déterminer si ces éléments sont suffisamment établis pour lui permettre raisonnablement de penser que l'enfant est victime des comportements en cause ou risque de l'être.
5. Il ressort des termes de la décision litigieuse que le retrait de l'agrément de Mme D... est fondé d'une part, sur des manquements à ses obligations professionnelles et des réponses inadaptées aux mineurs placés à son domicile et, d'autre part, sur une incapacité à s'organiser pour préserver la disponibilité nécessaire vis-à-vis du jeune placé, compte-tenu de son deuxième agrément pour l'accueil d'un jeune adulte handicapé. Il est notamment reproché à Mme D... des absences à son domicile aux heures des repas, privant le jeune F... T. de pouvoir déjeuner, l'abus de demandes de participation de celui-ci aux tâches ménagères, l'impossibilité pour ce dernier de prendre plus d'une douche par semaine, un défaut de surveillance le 26 juin 2017 de F... qui s'est trouvé au commissariat de police de 17 à 22 heures sans signalement de la part de Mme D... et, de manière générale, une absence d'accompagnement bienveillant et un certain délaissement du jeune garçon.
6. Mme D..., qui se prévaut de sa longue expérience professionnelle et produit de nombreux témoignages de proches attestant de son implication auprès des jeunes qu'elle accueille au sein de sa famille et de son professionnalisme, conteste la matérialité des faits qui lui sont reprochés. Toutefois, il ressort des pièces du dossier, en particulier du rapport du 16 novembre 2017 établi pour la commission consultative paritaire départementale par le médecin responsable des agréments familiaux qu'une note du Placement familial (PF) de Draveil a signalé à la PMI le 25 octobre 2017 que le jeune F... T., âgé de 14 ans, s'était plaint à plusieurs reprises à son éducatrice des différents manquements reprochés à Mme D... et évoqués au point 5, et que les dires de ce jeune homme ont été pris en compte par le PF en raison de leur similarité avec des faits relatés par un autre jeune, placé au domicile de Mme D... en 2014, notamment l'absence de financement des repas à la cantine du collège et le poids des tâches ménagères à accomplir. Par ailleurs, d'autres faits, tels que les absences de Mme D... conduisant le jeune F... à rester sous la seule compagnie et responsabilité de l'adulte handicapé également accueilli au domicile, ont été corroborés par de dernier. En ce qui concerne le défaut de surveillance du jeune F... le 26 juin 2017, Mme D... a admis lors d'un entretien avec le médecin responsable des agréments familiaux le 7 décembre 2017 que du fait de sa négligence, F... était resté au commissariat de police de 17 à 22 heures. Si Mme D... soutient que le manque d'hygiène du jeune garçon ne lui est pas imputable, elle a reconnu devant le médecin proposer peu d'activités partagées, en dehors de la télévision, avec ce dernier qui souffre d'un sentiment de solitude. Il en résulte qu'en décidant le retrait de l'agrément de Mme D..., le président du conseil départemental n'a pas fait une inexacte application des dispositions précitées ni entaché sa décision d'une erreur d'appréciation.
Sur la légalité de la décision du 29 mars 2018 de licenciement de Mme D... :
7. Aux termes de l'article L. 422-1 du code de l'action sociale et des familles : " Les articles L. 423-3 à L. 423-13, (...) s'appliquent aux assistants maternels et aux assistants familiaux employés par des personnes morales de droit public. " et aux termes de l'article
L. 423-8 de ce code : " (...) En cas de retrait d'agrément, l'employeur est tenu de procéder au licenciement par lettre recommandée avec demande d'avis de réception (...) ".
8. En premier lieu, eu égard aux motifs exposés aux points 2 et 6, Mme D... n'est pas fondée à exciper de l'illégalité de la décision portant retrait de son agrément à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision prononçant son licenciement.
9. En second lieu, le président du conseil départemental du Val-de-Marne était tenu, en application des dispositions de l'article L. 423-8 du code de l'action sociale et des familles, de prendre la décision du 29 mars 2018. Dès lors, les moyens tirés de ce que cette décision serait entachée d'incompétence de sa signataire, d'un défaut de motivation, d'une méconnaissance des dispositions de l'article L. 423-11 du code l'action sociale et des familles et d'une rétroactivité illégale, sont inopérants.
10. Il résulte de tout ce qui précède que le département du Val-de-Marne est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Melun a annulé la décision du 9 février 2018 par laquelle le président du conseil départemental a prononcé le retrait de l'agrément en qualité d'assistante familiale de Mme D... ainsi que la décision du 29 mars 2018 prononçant son licenciement à compter du 20 février 2018.
Sur les frais de l'instance :
11. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de condamner Mme D... au paiement d'une somme que demande le département du Val-de-Marne sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement n° 1802861-1804308 du 8 novembre 2019 du Tribunal administratif de Melun est annulé.
Article 2 : La demande de Mme D... présentée devant le Tribunal administratif de Melun est rejetée.
Article 3 : Les conclusions du département du Val-de-Marne présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au département du Val-de-Marne et à Mme C... D....
Délibéré après l'audience du 26 mars 2021, à laquelle siégeaient :
- Mme A..., président de chambre,
- Mme E..., présidente assesseure,
- Mme Mach, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 9 avril 2021.
La rapporteure,
M. E...Le président,
M. A... Le greffier,
S. GASPAR
La République mande et ordonne au préfet du Val-de-Marne en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 20PA00564 2