Par une requête et un mémoire, enregistrés les 3 juillet 2020 et 4 janvier 2021, M. C..., représenté par Me D..., demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1915021/5-3 du 16 octobre 2019 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande ;
2°) d'annuler l'arrêté du 5 mars 2019 par lequel le préfet de police a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi ;
3°) d'enjoindre au préfet de police de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " ou " salarié ", dans un délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 50 euros par jour de retard ou, à défaut, de réexaminer sa situation et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour, dans un délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 50 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros à verser à Me D... sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- la condition de détention d'un visa de long séjour ne lui était pas opposable dès lors qu'il a sollicité le renouvellement de son titre de séjour et non une première demande de titre de séjour ;
- l'arrêté contesté a été pris par une autorité incompétente ;
- il est entaché d'un défaut de motivation ;
- il méconnaît les dispositions du 1° de l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- il méconnaît les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- il méconnaît les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 et du 10° de l'article
L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- il méconnaît les dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- il est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation.
Par un mémoire en défense, enregistré le 22 décembre 2020, le préfet de police conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par M. C... ne sont pas fondés.
M. C... a été admis à l'aide juridictionnelle partielle à hauteur de 25% par une décision du bureau d'aide juridictionnelle du tribunal judiciaire de Paris du 5 mars 2020.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code du travail ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Mach, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. C..., ressortissant camerounais, né le 20 janvier 1972, déclare être entré en France en septembre 2012 et s'est vu délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " valable du 16 janvier 2017 au 15 janvier 2018. Il a sollicité le 19 janvier 2018 la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement des dispositions de l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté en date du 5 mars 2019, le préfet de police a rejeté sa demande, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. M. C... relève appel du jugement du 16 octobre 2019 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
2. En premier lieu, M. C... reprend en appel les moyens qu'il avait soulevés en première instance tirés de l'incompétence du signataire de l'acte et de l'insuffisance de motivation de l'arrêté. Il y a lieu d'écarter ces moyens par adoption des motifs retenus par les premiers juges.
3. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 313-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sous réserve des engagements internationaux de la France et des exceptions prévues par les dispositions législatives du présent code, la première délivrance de la carte de séjour temporaire (...) sont subordonnées à la production par l'étranger du visa de long séjour mentionné aux 1° ou 2° de l'article L. 311-1 ". Aux termes de l'article L. 313-10 du même code : " Une carte de séjour temporaire, d'une durée maximale d'un an, autorisant l'exercice d'une activité professionnelle est délivrée à l'étranger : / 1° Pour l'exercice d'une activité salariée sous contrat de travail à durée indéterminée, dans les conditions prévues à l'article L. 5221-2 du code du travail. Elle porte la mention " salarié ". (...) ". Aux termes de l'article L. 5221-2 du code du travail : " Pour entrer en France en vue d'y exercer une profession salariée, l'étranger présente : / 1° Les documents et visas exigés par les conventions internationales et les règlements en vigueur ; / 2° Un contrat de travail visé par l'autorité administrative ou une autorisation de travail. ". Aux termes de l'article R. 5221-3 du même code : " L'autorisation de travail peut être constituée par l'un des documents suivants : (...) / 10. La carte de séjour temporaire ou pluriannuelle portant la mention " vie privée et familiale " (...) ". Aux termes de l'article R. 311-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La demande est présentée par l'intéressé dans les deux mois de son entrée en France. S'il y séjournait déjà, il présente sa demande : (...) / 4° Soit dans le courant des deux derniers mois précédant l'expiration de la carte de séjour dont il est titulaire, (...) / A l'échéance de ce délai et en l'absence de présentation de demande de renouvellement de sa carte de séjour, il justifie à nouveau des conditions requises pour l'entrée sur le territoire national lorsque la possession d'un visa est requise pour la première délivrance de la carte de séjour. ". En vertu de ces dispositions, la première délivrance d'une carte de séjour temporaire est en principe, sous réserve des engagements internationaux de la France et des exceptions prévues par la loi, subordonnée à la production par l'étranger d'un visa de long séjour. Il en va différemment pour l'étranger déjà admis à séjourner en France et qui sollicite le renouvellement, même sur un autre fondement, de la carte de séjour temporaire dont il est titulaire. Lorsqu'un étranger présente, après l'expiration du délai de renouvellement du titre qu'il détenait précédemment une nouvelle demande de titre de séjour, cette demande de titre doit être regardée comme une première demande à laquelle la condition de détention d'un visa de long séjour peut être opposée.
4. D'une part, il ressort des pièces du dossier que la demande de renouvellement de titre de séjour de M. C... a été formée le 19 janvier 2018, soit quatre jours après l'expiration de la validité de la carte de séjour temporaire dont il était titulaire sur le fondement du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, intervenue le 15 janvier 2018. M. C... n'allègue ni n'établit avoir été empêché de présenter une demande de renouvellement de son titre de séjour dans le délai dont il disposait en application de l'article R. 311-2. Alors même que les convocations qui ont été adressées à M. C... mentionnent un renouvellement de titre de séjour, sa demande devait être regardée comme une première demande de titre de séjour. Ainsi, M. C... n'est pas fondé à soutenir que la condition de visa de long séjour ne pouvait lui être opposée.
5. D'autre part, le titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " délivrée à M. C... ayant expiré le 15 janvier 2018, avant qu'il ne sollicite la délivrance d'un titre de séjour portant la mention " salarié ", il ne peut être regardé comme disposant d'une autorisation de travail en application du 10° de l'article R. 5221-3 du code du travail. En revanche, les dispositions des articles R. 5221-3, R. 5221-11, R. 5221-15 et R. 5221-17 du code du travail prévoient que la demande d'autorisation de travail présentée par un étranger qui est déjà présent sur le territoire national doit être adressée au préfet par l'employeur et que le préfet saisi d'une telle demande, présentée sous la forme des imprimés Cerfa, ne peut refuser l'admission au séjour de l'intéressé au motif que ce dernier ne produit pas d'autorisation de travail ou de contrat de travail visé par l'autorité compétente, dès lors qu'à Paris, il appartient au préfet de police de saisir le préfet de Paris, préfet de la région Ile-de-France afin de faire instruire cette demande par ses services. Il ressort des pièces du dossier que M. C... a produit à l'appui de sa demande de titre de séjour un imprimé Cerfa, tel que prévu par l'article R. 313-36-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, établi par la société First Interim. Par suite, le préfet de police, à qui il appartenait de saisir le préfet de Paris, préfet de la région Ile-de-France, afin de faire instruire la demande d'autorisation de travail de M. C... par ses services, ne pouvait sans commettre d'erreur de droit lui opposer l'absence de production du contrat de travail visé pour lui refuser la délivrance du titre de séjour.
6. Toutefois, il résulte de l'instruction que le préfet de police aurait, s'il n'avait retenu que le premier motif tiré du défaut de visa de long séjour, pris la même décision à l'égard de M. C.... Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.
7. En troisième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : (...) / 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ; ".
8. Il ressort des pièces du dossier que M. C..., célibataire et sans enfants à charge sur le territoire français, n'est pas dépourvu d'attaches familiales dans son pays d'origine où résident ses trois enfants et où il a vécu au moins jusqu'à l'âge de quarante ans. S'il affirme résider de manière continue sur le territoire français depuis 2013, il n'établit pas sa présence pour les années 2013 et 2014. Par ailleurs, la production de contrats d'intérim et de bulletins de salaires ne suffisent pas à démontrer son intégration professionnelle. M. C..., qui n'a pas sollicité de titre de séjour à raison de son état de santé, soutient être atteint d'une hépatite B chronique et bénéficier d'un traitement médicamenteux. Le seul certificat médical établi par le docteur Chazouillères en date du 16 février 2016, indiquant que sa pathologie nécessite un traitement spécialisé et que sa prise en charge ne peut se faire dans son pays d'origine, rédigé en des termes généraux et non circonstanciés, n'est pas de nature à établir qu'il ne pourrait bénéficier, à la date de l'arrêté contesté, d'un traitement approprié dans son pays d'origine. Dans ces conditions, M. C... n'est pas fondé à soutenir que la décision contestée porte à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au but en vue duquel elle a été prise. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.
9. En quatrième lieu, si M. C... invoque la méconnaissance des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, il ressort des pièces du dossier, et en particulier de la feuille de salle et des termes de l'arrêté contesté, que l'appelant n'a pas présenté de demande sur ce fondement et que le préfet de police n'a pas examiné d'office sa situation au regard de ces dispositions. Par suite, ce moyen est inopérant et doit être écarté.
10. En cinquième lieu, aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article
L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée aux 1° et 2° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 313-2. (...) ".
11. Les circonstances rappelées au point 8 ne sont pas de nature à établir que le préfet de police aurait commis une erreur manifeste d'appréciation en estimant que la situation de M. C... ne répondait pas à des considérations humanitaires ou à des motifs exceptionnels justifiant son admission au séjour au titre de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
12. En sixième lieu, et pour les mêmes motifs que ceux énoncés au point 8, M. C... n'est pas davantage fondé à soutenir que l'arrêté contesté est entaché d'une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences sur sa situation personnelle.
13. En dernier lieu, aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : (...) / 10° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système
de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié ".
14. Ainsi qu'il a été dit au point 8, il n'est pas établi que M. C... ne pourrait pas bénéficier effectivement d'un traitement approprié à son état de santé dans le pays de renvoi. Le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit, par suite, être écarté.
15. Il résulte de tout ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction sous astreinte ainsi que celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent être rejetées.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... C... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera délivrée au préfet de police.
Délibéré après l'audience du 26 mars 2021, à laquelle siégeaient :
- Mme A..., président de chambre,
- Mme Julliard, présidente assesseure,
- Mme Mach, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 9 avril 2021.
Le rapporteur,
A-S MACHLe président,
M. A...Le greffier,
S. GASPAR
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 20PA01629 2