Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 1er septembre 2020, M. C..., représenté par Me B..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'ordonner avant-dire droit la désignation d'un expert afin qu'il fixe la date de consolidation de son état de santé et qu'il se prononce sur la nature et l'étendue de ses préjudices liés au harcèlement moral qu'il a subi ;
3°) d'inviter le Défenseur des droits à présenter des observations ;
4°) de condamner l'Assemblée nationale à lui verser la somme de 92 852,05 euros en réparation de ses préjudices financier et moral ;
5°) de mettre à la charge de l'Assemblée nationale la somme de 20 000 euros en application de l'article L. 7611 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le tribunal a commis une erreur de droit en considérant sa requête tardive ; le courrier du 3 août 2018 n'est pas constitutif d'une demande préalable indemnitaire et ne pouvait faire naître une décision implicite de rejet ; l'Assemblée nationale l'a par ailleurs induit en erreur en s'engageant, par courrier du 31 juillet 2018, à mettre en oeuvre les recommandations du défenseur des droits ;
- il est victime, depuis octobre 2015, d'agissements répétés de harcèlement moral et de discrimination ;
- son changement d'affectation au service des affaires immobilières et du patrimoine présente un caractère discriminatoire car il est motivé uniquement par son état de santé, alors même qu'aucun médecin ne s'est prononcé sur son inaptitude sur ce poste ;
- la décision de suppression de ses droits d'accès à l'Assemblée nationale et les propos diffamatoires tenus à son égard par sa hiérarchie à cette occasion sont discriminatoires et constitutifs de harcèlement moral ;
- ses évaluations professionnelles pour les années 2015 et 2016, uniquement fondées sur son état de santé et ses absences pour cause de maladie, présentent également un caractère discriminatoire ;
- il a été victime de manoeuvre de la part de sa hiérarchie, constitutives de harcèlement moral ;
- il a subi un préjudice financier dès lors qu'il a été placé en congé de longue durée à plusieurs reprises, ce qui a eu pour effet de le priver du versement de primes ;
- il a subi un préjudice moral du fait des discriminations subies et des propos diffamatoires tenus à son encontre par sa hiérarchie ; ces agissements ont participé à la dégradation de son état de santé ;
- il a également subi un préjudice professionnel et de carrière ;
- une expertise médicale est nécessaire pour déterminer l'étendue de ses préjudices.
Par un mémoire en défense, enregistré le 24 novembre 2020, l'Assemblée nationale, représentée par la société Matuchansky, Poupot et Valdelièvre, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mis à la charge de M. C... le paiement d'une somme de 4 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la requête de première instance était irrecevable car tardive, la décision expresse du 16 avril 2019 étant purement confirmative de la décision implicite du 3 octobre 2018, devenue définitive ;
- les moyens soulevés par M. C... ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- l'ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958 ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme A..., président,
- les conclusions de M. Baronnet, rapporteur public,
- et les observations de Me Matuchansky, avocat de l'Assemblée nationale.
Considérant ce qui suit :
1. M. C... est administrateur des services de l'Assemblée nationale. A compter du 1er mai 2012, il a été affecté au sein de la division du secrétariat de la Commission de la Défense nationale et des forces armées. A la suite d'une agression dont il a été victime au cours de l'année 2013, il a développé un syndrome de stress post-traumatique. Le 6 octobre 2015, il a été informé de sa mutation au service des affaires immobilières et du patrimoine. A la suite de cette annonce, il a été placé en congé maladie, puis en congé de longue durée pour une durée initiale de trois mois à compter du 8 avril 2016. Ce congé a été prolongé à deux reprises jusqu'au 23 septembre 2016, date à laquelle l'intéressé a repris des fonctions dans le cadre d'un temps partiel thérapeutique. Il a été à nouveau placé en congé de longue durée du 3 janvier 2017 jusqu'au 6 mars 2019, date de sa reprise de fonctions au secrétariat du Comité d'évaluation et de contrôle. Par une décision du 4 juin 2018, le Défenseur des droits a considéré que M. C... avait été victime de discrimination en raison de son état de santé, et a émis plusieurs recommandations à destination de l'Assemblée nationale. M. C... sollicite l'annulation du jugement du 2 juillet 2020 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté comme tardive sa demande tendant à la condamnation de l'Assemblée nationale à lui verser une indemnité en réparation des préjudices moral et financier résultant du harcèlement moral et de la discrimination dont il estime avoir été victime.
Sur la recevabilité de la demande de première instance :
2. D'une part, aux termes du 5° de l'article L. 231-4 du code des relations entre le public et l'administration, le silence gardé par l'administration pendant deux mois vaut décision de rejet dans les relations entre l'administration et ses agents. Le premier alinéa de l'article R. 421-2 du code de justice administrative dispose que " Sauf disposition législative ou réglementaire contraire, dans les cas où le silence gardé par l'autorité administrative sur une demande vaut décision de rejet, l'intéressé dispose, pour former un recours, d'un délai de deux mois à compter de la date à laquelle est née une décision implicite de rejet. Toutefois, lorsqu'une décision explicite de rejet intervient avant l'expiration de cette période, elle fait à nouveau courir le délai de recours. ".
3. D'autre part, en vertu de l'article L. 112-2 du code des relations entre le public et l'administration, ne sont applicables aux relations entre l'administration et ses agents ni les dispositions de l'article L. 112-3 de ce code aux termes desquelles : " Toute demande adressée à l'administration fait l'objet d'un accusé de réception ", ni celles de son article L. 112-6 qui dispose que : " les délais de recours ne sont pas opposables à l'auteur d'une demande lorsque l'accusé de réception ne lui a pas été transmis (...) ".
4. Il résulte de ces dispositions qu'en cas de naissance d'une décision implicite de rejet du fait du silence gardé par l'administration pendant la période de deux mois suivant la réception d'une demande, le délai de deux mois pour se pourvoir contre une telle décision implicite court dès sa naissance à l'encontre d'un agent public, alors même que l'administration n'a pas accusé réception de la demande de cet agent. Ce n'est qu'au cas où, dans le délai de deux mois ainsi décompté, l'auteur de la demande adressée à l'administration reçoit notification d'une décision expresse de rejet qu'il dispose alors, à compter de cette notification, d'un nouveau délai pour se pourvoir.
5. Par un courriel adressé à l'Assemblée nationale le 3 août 2018, M. C... a sollicité la réparation intégrale des préjudices qu'il estime avoir subis à raison d'un harcèlement moral affectant son état de santé, préjudices qu'il a chiffrés à hauteur de 105 967,76 euros. Cette réclamation présentait, eu égard à son objet et compte tenu des termes dans lesquels elle a été rédigée, le caractère d'une demande indemnitaire préalable de nature à lier le contentieux, alors même qu'une transaction financière y était évoquée. Le silence gardé sur cette demande a donc fait naître, le 3 octobre 2018, une décision implicite de rejet. Il n'est pas contesté que l'intéressé n'a pas formé de recours contre cette décision de refus, qui est ainsi devenue définitive le 4 décembre 2018. Si par un courrier du 8 mars 2019, M. C... a réitéré sa demande d'indemnisation auprès de l'Assemblée nationale, la décision explicite de rejet de cette demande, intervenue le 16 avril 2019, constitue, en l'absence de tout changement de circonstance de fait ou de droit, une décision purement confirmative de la décision du 3 octobre 2018 et n'a, dès lors, pu avoir pour effet de rouvrir le délai de recours contentieux. Par ailleurs, si M. C... soutient que l'Assemblée nationale s'était préalablement engagée, dans son courrier du 31 juillet 2018, à mettre en oeuvre les recommandations du Défenseur des droits, il ressort cependant des termes de ce courrier, qui ne constitue pas une décision créatrice de droit, que l'Assemblée nationale y a seulement indiqué qu'elle examinerait toute demande d'indemnisation présentée par l'intéressé. M. C... n'est donc pas fondé à soutenir qu'il aurait été, du fait de ce courrier, induit en erreur sur les conditions d'exercice de son droit au recours.
6. Il résulte de tout ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande comme tardive.
Sur les frais liés au litige :
7. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Assemblée nationale, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que M. C... demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge de M. C... le versement de la somme que l'Assemblée nationale demande sur le fondement des mêmes dispositions.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.
Article 2 : Les conclusions présentées par l'Assemblée nationale au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... C... et à l'Assemblée nationale.
Délibéré après l'audience du 26 mars 2021, à laquelle siégeaient :
- Mme A..., présidente de chambre,
- Mme E..., présidente assesseure,
- Mme Mach, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 9 avril 2021.
Le président-rapporteur,
M. A...La présidente assesseure
M. E...Le greffier,
S. GASPAR
La République mande et ordonne au secrétaire d'Etat auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement, en ce qui le concerne, ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 20PA02539