II - M. B...A...a demandé au Tribunal administratif de Melun d'annuler l'arrêté du 30 mai 2017 par lequel le Préfet de Seine-et-Marne a décidé de procéder à son transfert aux autorités italiennes.
Par un jugement n° 1704452-12 du 20 juin 2017, le Tribunal administratif de Melun a annulé cette décision.
Procédure devant la Cour :
I - Par une requête enregistrée le 1er juin 2017 sous le n° 17PA01872, le
Préfet de Seine-et-Marne a demandé à la Cour d'annuler le jugement du Tribunal administratif de Melun n° 1702410 du 10 avril 2017 et de rejeter la demande de M. A...dirigée contre les arrêtés du 21 mars 2017 par lesquels il a décidé, d'une part, de procéder à son transfert aux autorités italiennes et, d'autre part, de l'assigner à résidence.
Il soutient que :
- la décision du 21 mars 2017 portant transfert de M. A...a été prise par une autorité compétente ;
- elle n'est pas entachée d'un défaut d'examen de la situation de l'intéressé ;
- elle est suffisamment motivée, en droit comme en fait ;
- elle n'est pas contraire au règlement CE n° 604/2013 du 26 juin 2013, l'information exigée ayant été délivrée à l'intéressé, dans une langue qu'il comprend ;
- elle n'est pas contraire à l'article L. 741-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
II - Par une requête enregistrée le 12 juillet 2017 sous le n° 17PA02339, le Préfet de Seine-et-Marne a demandé à la Cour d'annuler le jugement du Tribunal administratif de Melun n° 1704452-12 du 20 juin 2017 et de rejeter la demande introduite par M. A...contre l'arrêté du 30 mai 2017 par lequel il a décidé de procéder à son transfert aux autorités italiennes.
Il soutient que :
- la décision a été prise par une autorité compétente ;
- elle n'est pas entachée d'un défaut d'examen de la situation de l'intéressé ;
- elle est suffisamment motivée, en droit comme en fait ;
- elle n'est pas contraire au règlement CE n° 604/2013 du 26 juin 2013, l'information exigée ayant été délivrée à l'intéressé, dans une langue qu'il comprend ;
- elle n'est pas contraire à l'article L. 741-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le règlement (CE) nº 2725/2000 du Conseil du 11 décembre 2000 concernant la création du système " Eurodac " pour la comparaison des empreintes digitales aux fins de l'application efficace de la convention de Dublin ;
- le règlement (CE) n° 1560/2003 de la Commission du 2 septembre 2003 portant modalités d'application du règlement (CE) n° 343/2003 du Conseil de l'Union européenne établissant les critères et mécanismes de détermination de l'Etat membre responsable de l'examen d'une demande d'asile présentée dans l'un des Etats membres par un ressortissant d'un pays tiers ;
- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l'État membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale introduite dans l'un des États membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Hamon,
- et les conclusions de Mme Oriol, rapporteur public.
1. Considérant que M.A..., ressortissant soudanais, né le 1er janvier 1991, est, selon ses déclarations, entré sur le territoire français le 23 octobre 2016 ; qu'il a sollicité son admission au séjour au titre de l'asile, auprès de la préfecture de Melun,
le 9 décembre 2016 ; qu'estimant, après consultation du fichier Eurodac, que la demande de l'intéressé relevait de la compétence des autorités italiennes, le préfet de Seine-et-Marne a,
le 21 mars 2017, décidé de procéder à son transfert à ces autorités et, par décision du même jour, l'a assigné à résidence dans le département de Seine-et-Marne pour une durée de 45 jours renouvelable ; qu'à la suite de l'annulation de ces décisions, par un jugement du Tribunal administratif de Melun n° 1702410 du 10 avril 2017, le préfet de Seine-et-Marne a de nouveau, par un arrêté du 30 mai 2017, décidé de transférer l'intéressé aux autorités italiennes ; que, par un second jugement n° 1704452 du 20 juin 2017, le Tribunal administratif de Melun a annulé cette nouvelle décision ; que, par deux requêtes distinctes, le préfet de Seine-et-Marne fait appel de ces deux jugements ;
Sur la jonction :
2. Considérant que les requêtes susvisées n° 17PA01872 et n° 17PA02339 sont relatives à des décisions prises à l'encontre de la même personne, soulèvent des questions analogues et ont fait l'objet d'une instruction commune ; qu'il y a dès lors lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt ;
Sur la légalité des décisions contestées :
3. Considérant qu'aux termes de l'article 13 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. Lorsqu'il est établi, sur la base de preuves ou d'indices tels qu'ils figurent dans les deux listes mentionnées à l'article 22, paragraphe 3, du présent règlement, notamment des données visées au règlement (UE) n° 603/2013, que le demandeur a franchi irrégulièrement, par voie terrestre, maritime ou aérienne, la frontière d'un État membre dans lequel il est entré en venant d'un État tiers, cet État membre est responsable de l'examen de la demande de protection internationale. Cette responsabilité prend fin douze mois après la date du franchissement irrégulier de la frontière " ; qu'aux termes de l'article 21 du même règlement : " L'État membre auprès duquel une demande de protection internationale a été introduite et qui estime qu'un autre État membre est responsable de l'examen de cette demande peut, dans les plus brefs délais et, en tout état de cause, dans un délai de trois mois à compter de la date d'introduction de la demande au sens de l'article 20, paragraphe 2, requérir cet autre État membre aux fins de prise en charge du demandeur. Nonobstant le premier alinéa, en cas de résultat positif (" hit ") Eurodac (...), la requête est envoyée dans un délai de deux mois à compter de la réception de ce résultat positif (...)." ; qu'aux termes de l'article 22 du même règlement : " (...) 7. L'absence de réponse à l'expiration du délai de deux mois mentionné au paragraphe 1 et du délai d'un mois prévu au paragraphe 6 équivaut à l'acceptation de la requête et entraîne l'obligation de prendre en charge la personne concernée, y compris l'obligation d'assurer une bonne organisation de son arrivée. " ;
4. Considérant qu'aux termes de l'article L. 742-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsque l'autorité administrative estime que l'examen d'une demande d'asile relève de la compétence d'un autre État qu'elle entend requérir, l'étranger bénéficie du droit de se maintenir sur le territoire français jusqu'à la fin de la procédure de détermination de l'État responsable de l'examen de sa demande et, le cas échéant, jusqu'à son transfert effectif à destination de cet État. L'attestation délivrée en application de l'article
L. 741-1 mentionne la procédure dont il fait l'objet. Elle est renouvelable durant la procédure de détermination de l'État responsable et, le cas échéant, jusqu'à son transfert effectif à destination de cet État. / Le présent article ne fait pas obstacle au droit souverain de l'État d'accorder l'asile à toute personne dont l'examen de la demande relève de la compétence d'un autre État. " ; qu'aux termes de l'article L. 742-3 du même code : " Sous réserve du second alinéa de l'article L. 742-1, l'étranger dont l'examen de la demande d'asile relève de la responsabilité d'un autre État peut faire l'objet d'un transfert vers l'État responsable de cet examen. Toute décision de transfert fait l'objet d'une décision écrite motivée prise par l'autorité administrative.(...). Lorsque l'intéressé n'est pas assisté d'un conseil, les principaux éléments de la décision lui sont communiqués dans une langue qu'il comprend ou dont il est raisonnable de penser qu'il la comprend " ;
5. Considérant que, pour pouvoir procéder au transfert d'un demandeur d'asile vers un autre Etat membre de l'Union européenne en application du règlement (UE) n° 604/2013 du
26 juin 2013, l'autorité administrative doit obtenir préalablement l'accord de l'Etat responsable de l'examen de la demande d'asile ; qu'une telle décision de transfert ne peut donc être prise, et a fortiori être notifiée à l'intéressé, qu'après l'acceptation de la prise en charge par l'Etat requis ; que lorsque le juge administratif est saisi d'un moyen en ce sens, il doit prononcer l'annulation de la décision de transfert si elle a été prise sans qu'ait été obtenue, au préalable, l'acceptation par l'Etat requis de la prise ou de la reprise en charge de l'intéressé ;
En ce qui concerne les arrêtés du 21 mars 2017 par lesquels le Préfet de Seine-et-Marne a décidé, d'une part, de procéder au transfert de M. A...aux autorités italiennes et, d'autre part, de l'assigner à résidence :
6. Considérant que, pas plus en appel qu'en première instance, le
préfet de Seine-et-Marne, qui se borne à produire en appel un document intitulé " accusé de réception Dublinet " attestant seulement que les autorités françaises ont envoyé un message le
15 mars 2017 concernant M. A..., ne rapporte la preuve que les autorités italiennes ont été saisies, puis ont statué, implicitement ou explicitement, sur la demande concernant
M.A..., avant la date des décisions attaquées du 21 mars 2017 ; que, dès lors, le préfet de Seine-et-Marne n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué
n° 1702410, le tribunal administratif de Melun a annulé les arrêtés du 21 mars 2017 ;
En ce qui concerne l'arrêté du 30 mai 2017 :
7. Considérant qu'il ressort des pièces produites en appel que le
préfet de Seine-et-Marne a été informé par le service compétent du ministère de l'intérieur, par courrier du 9 décembre 2016, de ce que les empreintes de M. A...figuraient dans le fichier Eurodac en tant que ressortissant d'un pays tiers interpellé en Italie à l'occasion du franchissement irrégulier d'une frontière extérieure ; que le formulaire de demande de prise en charge de l'intéressé, ainsi que l'accusé de réception " Dublinet " daté du 12 janvier 2017 qui comporte les mêmes références alphanumériques, établissent que les autorités italiennes ont été à cette date régulièrement saisies d'une demande de prise en charge de M.A... ; qu'il est constant qu'à la date du 30 mai 2017, les autorités italiennes avaient, en l'absence de réponse dans le délai de deux mois suivant cette demande, accepté cette prise en charge ; que, par suite, le préfet de Seine-et-Marne est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement n° 1704452, le Tribunal administratif de Melun a annulé la décision de transfert du 30 mai 2017 au motif qu'il n'établissait pas avoir sollicité puis obtenu l'accord des autorités italiennes pour la prise en charge de M.A... ;
8. Considérant qu'il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. A...devant le Tribunal administratif de Melun ;
9. Considérant, en premier lieu, que si M. A...soutient qu'il encourt des mauvais traitements en cas de retour en Italie, il ne l'établit pas par ses seules allégations ;
10. Considérant, en second lieu, que si M. A...a soutenu lors de l'audience devant le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Melun que l'information relative aux brochures A et B prévues par l'article 4 du règlement n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ne lui a pas été traduite et qu'il ne lit pas la langue arabe, il ne l'établit pas, alors qu'il est constant qu'il a été auditionné par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides avec le concours d'un interprète en langue arabe comme il en avait fait la demande ;
11. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le préfet de Seine-et-Marne est fondé à demander l'annulation du jugement attaqué n° 1704452 et le rejet de la demande de M. A... tendant à l'annulation de l'arrêté du 30 mai 2017 décidant son transfert aux autorités italiennes.
DECIDE :
Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Melun n° 1704452 du 20 juin 2017 est annulé.
Article 2 : La demande présentée par M. A...devant le Tribunal administratif de Melun, dirigée contre l'arrêté du préfet de Seine-et-Marne du 30 mai 2017, est rejetée.
Article 3 : Le surplus des conclusions du préfet de Seine-et-Marne est rejeté.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et à M. B...A.... Une copie sera adressée au préfet de Seine et Marne.
Délibéré après l'audience du 27 mars 2018, à laquelle siégeaient :
- M. Even, président de chambre,
- Mme Hamon, président assesseur,
- Mme d'Argenlieu, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 10 avril 2018.
Le rapporteur,
P. HAMONLe président,
B. EVENLe greffier,
I. BEDRLa République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.