Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés les 10 avril 2018 et
12 novembre 2018, MmeB..., représentée par Me Magdelaine, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du Tribunal administratif de Paris n° 1711269/1-1 du
25 octobre 2017 ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet de police du 10 février 2017 ;
3°) d'enjoindre au préfet de police de lui délivrer une carte de séjour d'un an, dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard, ou, à défaut, de réexaminer sa situation et de lui délivrer, dans l'attente, une autorisation provisoire de séjour, dans les mêmes conditions de délai et d'astreinte ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
- l'arrêté attaqué méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- il est entaché d'une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences sur sa situation personnelle.
Par un mémoire en défense, enregistré le 29 mai 2018, le préfet de police conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par Mme B...ne sont pas fondés.
Mme B...a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal de grande instance de Paris du 16 février 2018.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme d'Argenlieu,
- et les observations de MeD..., pour MmeB....
Considérant ce qui suit :
1. MmeB..., ressortissante guinéenne, née le 23 août 1952, est entrée en France le 15 septembre 2009 selon ses déclarations. Elle a sollicité le renouvellement de son titre de séjour sur le fondement des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile le 3 août 2016. Par un arrêté du 10 février 2017, le préfet de police a refusé de lui accorder ce renouvellement, lui a fait obligation de quitter le territoire français et a fixé son pays de destination. Mme B...relève appel du jugement du 25 octobre 2017 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur la légalité de l'arrêté attaqué :
2. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, où à la protection des droits et libertés d'autrui ".
3. Il ressort des pièces du dossier que Mme B...est entrée en France en 2009. A son arrivée, un cancer du sein lui a été diagnostiqué. Elle a alors suivi un traitement par chimiothérapie, puis a subi une intervention chirurgicale. Elle a, dans ce cadre, bénéficié d'un titre de séjour en qualité d'étranger malade entre les années 2010 à 2016. Toutefois, le préfet de police a, par l'arrêté contesté, refusé de renouveler ce titre au motif que, dorénavant,
Mme B...était uniquement sous surveillance médicale, avec un suivi tous les six mois dans le service d'oncologie de l'hôpital Tenon. Toutefois, la surveillance de Mme B...présente une importance toute particulière compte tenu de la fragilité de son état de santé, ainsi que cela ressort des pièces du dossier, éclairées par le fait, bien que postérieur à la décision attaquée, que l'intéressée a été une nouvelle fois opérée en octobre 2017 des suites de son cancer, Par ailleurs, outre la durée de séjour en France de l'appelante et son âge à la date de la décision attaquée, Mme B...n'a plus d'enfants en Guinée, deux résidant au Canada, deux au Sénégal et deux autres en France en situation régulière. Enfin, s'il ressort des pièces du dossier que l'époux de la requérante réside encore dans leur pays d'origine, ceux-ci vivent séparés depuis l'année 2009. Par suite, eu égard aux circonstances très particulières de l'espèce, Mme B...est fondée à soutenir qu'en refusant de faire droit à sa demande de titre de séjour, le préfet de police a commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de sa décision sur sa situation personnelle.
4. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de la requête, que Mme B...est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
5. Le présent arrêt par lequel la Cour a fait droit aux conclusions à fin d'annulation présentées par Mme B...implique, eu égard au motif d'annulation retenu, que le préfet de police délivre à l'intéressée le titre de séjour sollicité. Il y a dès lors lieu d'enjoindre au préfet de police de délivrer à Mme B...un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Sur les frais de justice :
6. Mme B...a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a donc lieu, dans les circonstances de l'espèce, sous réserve que Me Magdelaine renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre des frais de justice.
DECIDE :
Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif n° 1711269/1-1 du 25 octobre 2017 et l'arrêté du 10 février 2017 sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet de police de délivrer à Mme B...un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ", dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 3 : L'Etat versera à Me Magdelaine, avocat de MmeB..., une somme de 1 500 euros en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que Me Magdelaine renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C...A..., épouseB..., au préfet de police, au ministre de l'intérieur et à Me Magdelaine.
Délibéré après l'audience du 19 novembre 2018, à laquelle siégeaient :
- M. Even, président de chambre,
- Mme Hamon, président assesseur,
- Mme d'Argenlieu, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 11 décembre 2018.
Le rapporteur,
L. d'ARGENLIEULe président,
B. EVENLe greffier,
S. GASPAR La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 18PA01193