Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 4 juin 2018, M. D..., représenté par MeC..., demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1805926/8 du 4 mai 2018 par lequel le magistrat désigné par la présidente du Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté portant transfert aux autorités finlandaises au motif qu'elles sont responsables de l'examen de sa demande d'asile ;
2°) d'annuler cet arrêté ;
3°) d'enjoindre au préfet de police de procéder au réexamen de sa demande d'asile, dans un délai de quinze jours ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L.761-1 du code justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- le jugement est insuffisamment motivé dans sa réponse au moyen tiré du défaut de motivation de la décision attaquée ;
- l'arrêté attaqué est insuffisamment motivé ;
- il a été pris en méconnaissance des articles 4 et 5 du règlement (UE) n° 604/2013 dès lorsqu'il n'a pas bénéficié lors de son entretien d'un interprète s'exprimant dans une langue qu'il comprend, et que le compte rendu de cet entretien est trop succinct ;
- il méconnaît les dispositions de l'article 3 du règlement (UE) n° 604/2013 dès lors que la Finlande présente une défaillance systémique dans le traitement des demandes d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs ;
- il méconnaît les dispositions de l'article 18 du règlement (UE) n° 604/2013 dès lors que la Finlande a définitivement rejeté sa demande d'asile ;
- il méconnaît l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article 4 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne à raison des risques encourus en cas de retour en Finlande ;
- il est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de son état de santé.
Par un mémoire en défense, enregistré le 12 juillet 2018, le préfet de police conclut au rejet de la requête.
Il soutient qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.
M. D...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal de grande instance de Paris du 13 septembre 2018.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés ;
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- le règlement (UE) n° 603/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;
- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Hamon,
- les conclusions de Mme Oriol, rapporteur public,
- et les observations de MeB..., pour M.D....
Considérant ce qui suit :
1. M.D..., ressortissant irakien, né en 1983, fait appel du jugement du 4 mai 2018 par lequel le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 10 avril 2018 par lequel le préfet de police a prononcé son transfert aux autorités finlandaises au motif qu'elles sont responsables de sa demande d'asile.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Il résulte des termes du jugement attaqué, et notamment son point 2, qu'en relevant que la décision attaquée " comporte les éléments de fait et de droit qui en constituent le fondement, en particulier en ce qui concerne la détermination de l'Etat responsable de l'examen de la demande d'asile de M. A...D...et les conditions de sa reprise en charge par les autorités finlandaises ", le premier juge a suffisamment motivé sa réponse au moyen tiré du défaut de motivation de la décision attaquée.
Sur le fond :
3. En premier lieu, il y a lieu d'écarter le moyen tiré du défaut de motivation de la décision attaquée par adoption des motifs retenus à bon droit par le premier juge.
4. En deuxième lieu, l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 dispose que dès qu'une demande de protection internationale est introduite dans un Etat membre, ses autorités compétentes informent le demandeur de l'application de ce règlement, et que ces informations sont données par écrit, dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend. L'article 5 de ce même règlement précise que : " 1. Afin de faciliter le processus de détermination de l'Etat membre responsable, l'Etat membre procédant à cette détermination mène un entretien individuel avec le demandeur. Cet entretien permet également de veiller à ce que le demandeur comprenne correctement les informations qui lui sont fournies conformément à l'article 4. (...) 4. L'entretien individuel est mené dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend et dans laquelle il est capable de communiquer. Si nécessaire, les Etats membres ont recours à un interprète capable d'assurer une bonne communication entre le demandeur et la personne qui mène l'entretien individuel. 5. L'entretien individuel a lieu dans des conditions garantissant dûment la confidentialité. Il est mené par une personne qualifiée en vertu du droit national. 6. L'Etat membre qui mène l'entretien individuel rédige un résumé qui contient au moins les principales informations fournies par le demandeur lors de l'entretien. Ce résumé peut prendre la forme d'un rapport ou d'un formulaire type. (...). ".
5. Il ressort des pièces du dossier que le requérant s'est vu remettre, lors de l'entretien individuel mené le 26 février 2018, les trois brochures d'information prévues par l'article 4 susmentionné. Ces documents lui ont été remis en langue arabe, langue qu'il a déclaré comprendre lors de l'entretien individuel, ainsi qu'il ressort du formulaire. Dès lors, il n'est pas fondé à soutenir que les dispositions de l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 précité ont été méconnues.
6. Par ailleurs, la fiche rédigée à l'issue de l'entretien individuel du 26 février 2018 fait apparaître que cet entretien s'est déroulé avec un interprète en langue arabe, langue que l'intéressé a déclaré comprendre, ainsi qu'il a été dit au point précédent. M. D...ne fait état d'aucun élément qui serait de nature à établir que la confidentialité de cet entretien n'aurait pas été respectée. Enfin, le résumé de cet entretien reprend les principales informations qu'il a fournies. Dès lors, il n'est pas fondé à soutenir que les dispositions de l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 précité auraient été méconnues.
7. En troisième lieu, aux termes de l'article 3 alinéa 2 du règlement (UE) n° 604/2013 du
26 juin 2013 : " Lorsqu'il est impossible de transférer un demandeur vers l'Etat membre initialement désigné comme responsable parce qu'il y a de sérieuses raisons de croire qu'il existe dans cet Etat membre des défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs, qui entraineraient un risque de traitement inhumain ou dégradant, au sens de l'article 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, l'Etat membre procédant à la détermination de l'Etat membre responsable poursuit l'examen des critères énoncés au chapitre III afin d'établir si un autre Etat membre peut être désigné comme responsable. Lorsqu'il est impossible de transférer le demandeur en vertu du présent paragraphe vers un Etat membre désigné sur la base des critères énoncés au chapitre III ou vers le premier Etat membre auprès duquel la demande a été introduite, l'Etat membre procédant à la détermination de l'Etat membre responsable devient l'Etat membre responsable ".
8. La Finlande, Etat membre de l'Union européenne, est partie tant à la convention de Genève du 28 juillet 1951 sur le statut de réfugiés, complétée par le protocole de New-York, qu'à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Si M. D... soutient que les conditions d'accueil des migrants n'y sont pas satisfaisantes et, notamment, qu'il aurait été hébergé dans des conditions déplorables, il ne produit, hormis ses déclarations, aucun élément de nature à établir qu'existeraient de sérieuses raisons de croire qu'il existe dans cet Etat membre des défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs, qui entraineraient un risque de traitement inhumain ou dégradant. Par suite, il n'est pas fondé à soutenir que, en décidant son transfert vers la Finlande, le préfet de police a méconnu les dispositions précitées de l'article 3 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013.
9. En quatrième lieu, aux termes de l'article 18 alinéa 2 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. l'Etat membre responsable en vertu du présent règlement est tenu de : (...) d) reprendre en charge (...) le ressortissant de pays tiers ou l'apatride dont la demande a été rejetée et qui a présenté une demande auprès d'un autre Etat membre ou qui se trouve, sans titre de séjour, sur le territoire d'un autre Etat membre (...) ".
10. Il ressort des pièces du dossier, qu'après avoir déposé une demande d'asile en Finlande le 18 septembre 2017, M. D...est entré irrégulièrement en Allemagne, où il a déposé une demande similaire, puis en France, où il a également déposé une demande d'asile
le 26 février 2018. Les autorités finlandaises ont été saisies d'une demande de reprise en charge sur le fondement de l'article 18.1 du règlement précité, et ont accepté explicitement cette reprise en charge le 19 mars 2018. La circonstance que les autorités Finlandaises avaient fait obligation à
M.D..., après le rejet définitif de sa demande d'asile, de quitter le territoire finlandais, ne saurait faire obstacle à ce que les autorités françaises saisissent la Finlande d'une demande de prise en charge et que cet Etat y défère sur le fondement des dispositions du d) du 1 de l'article 18 du règlement. Dès lors, le moyen tiré de ce que la décision attaquée méconnaîtrait l'article 18 précité du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 du fait du rejet de la demande d'asile du requérant en Finlande doit être écarté.
11. En cinquième lieu, si le requérant fait valoir que son état de santé est incompatible avec un transfert vers la Finlande dès lors qu'il souffre de troubles du sommeil, d'anxiété et d'irritabilité, le certificat médical qu'il produit se borne à relater ses doléances et indique que celui-ci est " demandeur d'un suivi et d'un traitement ", sans établir qu'il aurait effectivement besoin d'un tel suivi, ni, le cas échéant, que celui-ci ne serait pas disponible en Finlande, pays où il doit être transféré. Dès lors, le requérant n'est pas fondé à soutenir que la décision attaquée méconnaîtrait les dispositions de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne. Pour les mêmes motifs, il n'est pas fondé à soutenir que la décision attaquée serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation quant à ses conséquences sur son état de santé.
12. Il résulte de tout ce qui précède que M. D...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction, ainsi que celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. D...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. E...A...D...et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet de police.
Délibéré après l'audience du 19 novembre 2018, à laquelle siégeaient :
- M. Even, président de chambre,
- Mme Hamon, président assesseur,
- Mme d'Argenlieu, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 11 décembre 2018.
Le rapporteur,
P. HAMONLe président,
B. EVEN
Le greffier,
S. GASPAR
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 18PA01894