Procédure devant la Cour :
I - Par une requête enregistrée le 5 octobre 2018 sous le numéro n° 18PA03274, le préfet du Rhône demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du Tribunal administratif de Paris n° 1812700/1-2 du
14 septembre 2018 annulant l'arrêté du 3 juillet 2018 portant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, fixant le pays de renvoi et faisant interdiction à M. A...de revenir sur le territoire français pour une durée d'un an ;
2°) de rejeter la requête de M. A.dans un foyer
Il soutient que :
- l'arrêté attaqué ne méconnaît pas les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- il n'est pas entaché d'une erreur manifeste d'appréciation.
M. A...a été mis en demeure de produire en défense le 5 décembre 2018 sur le fondement de l'article R. 612-3 du code de justice administrative.
II - Par une requête, enregistrée le 5 octobre 2018 sous le numéro 18PA03275, le préfet du Rhône demande à la Cour de prononcer le sursis à exécution du jugement du Tribunal administratif de Paris n° 1812700/1-2 du 14 septembre 2018.
Il soutient que :
- le moyen tiré de ce que la décision annulée ne méconnaît pas l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales est sérieux ;
- l'exécution du jugement emporte des conséquences difficilement réparables dès lors que l'intéressé n'a pas déposé de demande de titre de séjour et que l'exécution de son éloignement doit être effective avant le 4 juillet 2019.
M. A...a été mis en demeure de produire en défense le 5 décembre 2018 sur le fondement de l'article R. 612-3 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Hamon a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M.A..., ressortissant algérien, né le 15 juillet 1991, est entré en France en septembre 2017 sous couvert d'un visa de court séjour. A la suite de son interpellation, par un arrêté du
3 juillet 2018, le préfet du Rhône lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours en fixant le pays de renvoi, et lui a interdit le retour sur le territoire français pour une durée d'un an. Le préfet du Rhône relève appel du jugement n° 1812700/1-2 du 14 septembre 2018 par lequel le magistrat désigné par la présidente du Tribunal administratif de Paris, saisi par
M.A..., a annulé la décision portant obligation de quitter le territoire français ainsi que, par voie de conséquence, les décisions fixant le pays de renvoi et lui interdisant le retour sur le territoire français du 3 juillet 2018. Il demande également à la Cour de prononcer le sursis à exécution de ce jugement.
Sur la jonction :
2. Les requêtes 18PA03274 et 18PA03275 portant sur le même jugement et ayant fait l'objet d'une instruction commune, il y a lieu de les joindre pour y statuer par un seul arrêt.
Sur le moyen d'annulation retenu par le magistrat délégué par la présidente du Tribunal administratif de Paris :
3. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. I1 ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
4. Pour annuler l'arrêté du 3 juillet 2018, le premier juge a considéré que la décision portant obligation de quitter le territoire français portait une atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie privée et familiale de M. A...garanti par les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Il ressort toutefois des pièces du dossier que M. A...est entré en France en septembre 2017, soit depuis moins d'un an à la date de la décision attaquée. Il est célibataire et sans charge de famille et n'établit pas être dépourvu d'attaches dans son pays d'origine où il a vécu jusqu'à l'âge de vingt-six ans. S'il soutient que résident régulièrement en France ses oncles, ses tantes, ses cousins et ses cousines, et à supposer ces liens de parenté soient établis, il n'apporte pas la preuve de liens particuliers avec ces personnes dont aucune ne réside en région parisienne, où il est domicilié.dans un foyer Enfin, la production d'une attestation de l'association " Les pieds sur la table " datée du 6 juillet 2018, au demeurant postérieure à la date de la décision attaquée, et d'une promesse d'embauche n'est pas suffisante pour justifier d'une insertion particulière dans la société française. Ainsi, la décision attaquée ne saurait être regardée comme portant une atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie privée et familiale de M.A.dans un foyer Par suite, c'est à tort que le Tribunal administratif de Paris s'est fondé sur ce motif pour annuler la décision portant obligation de quitter le territoire français, ainsi que, par voie de conséquence, les décisions fixant le pays de destination de cette mesure d'éloignement et lui interdisant le retour sur le territoire français.
5. Il appartient toutefois à la Cour, saisie par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M.A.dans un foyer
Sur les autres moyens soulevés par M.A... :
En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :
6. En premier lieu, il ressort de la décision attaquée que celle-ci comporte l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. Par suite, le moyen tiré de ce que l'arrêté attaqué serait entaché d'un défaut de motivation doit être écarté.
7. En deuxième lieu, si aux termes de l'article 41 de la Charte des droits fondamentaux " Toute personne a le droit de voir ses affaires traitées impartialement, équitablement et dans un délai raisonnable par les institutions et organes de l'Union. / Ce droit comporte notamment : / - le droit de toute personne d'être entendue avant qu'une mesure individuelle qui l'affecterait défavorablement ne soit prise à son encontre ; (dans un foyer) ", il résulte de la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne que cet article s'adresse non pas aux Etats membres mais uniquement aux institutions, organes et organismes de l'Union. Ainsi, le moyen tiré de leur violation par une autorité d'un Etat membre est inopérant.
8. Toutefois, il résulte également de la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne que le droit d'être entendu fait partie intégrante du respect des droits de la défense, principe général du droit de l'Union. Il appartient aux Etats membres, dans le cadre de leur autonomie procédurale, de déterminer les conditions dans lesquelles le respect de ce droit est assuré. Ce droit se définit comme celui de toute personne de faire connaître, de manière utile et effective, son point de vue au cours d'une procédure administrative avant l'adoption de toute décision susceptible d'affecter de manière défavorable ses intérêts. Il ne saurait cependant être interprété en ce sens que l'autorité nationale compétente est tenue, dans tous les cas, d'entendre l'intéressé lorsque celui-ci a déjà eu la possibilité de présenter, de manière utile et effective, son point de vue sur la décision en cause.
9. Il ressort des pièces du dossier, et notamment du procès-verbal de son audition par les services de police intervenue le 3 juillet 2018, que M. A...a été informé qu'il pouvait faire l'objet d'une décision d'éloignement et a été mis à même de présenter, de manière utile et effective, ses observations sur les conditions de son séjour et sur la perspective de son éloignement à destination de son pays d'origine. Par suite, le moyen tiré de ce qu'il aurait été privé de son droit d'être entendu ne peut qu'être écarté.
10. Enfin, pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 4, le moyen tiré de ce que la décision serait entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de M. A...doit être écarté.
En ce qui concerne l'interdiction de retour sur le territoire français :
11. Aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " " L'autorité administrative, par une décision motivée, assortit l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français, d'une durée maximale de trois ans à compter de sa notification, lorsque aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger ou lorsque l'étranger n'a pas satisfait à cette obligation dans le délai imparti. Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative ne prononce pas d'interdiction de retour (...) La durée de l'interdiction de retour mentionnée au premier alinéa du présent III ainsi que le prononcé et la durée de l'interdiction de retour mentionnée au quatrième alinéa sont décidés par l'autorité administrative en tenant compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français ".
12. Il ressort des termes mêmes de ces dispositions que l'autorité compétente doit, pour décider de prononcer à l'encontre de l'étranger soumis à l'obligation de quitter le territoire français une interdiction de retour et en fixer la durée, tenir compte, dans le respect des principes constitutionnels, des principes généraux du droit et des règles résultant des engagements internationaux de la France, des quatre critères qu'elles énumèrent, sans pouvoir se limiter à ne prendre en compte que l'un ou plusieurs d'entre eux. La décision d'interdiction de retour doit comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement, de sorte que son destinataire puisse à la seule lecture en connaître les motifs. Si cette motivation doit attester de la prise en compte par l'autorité compétente, au vu de la situation de l'intéressé, de l'ensemble des critères prévus par la loi, aucune règle n'impose que le principe et la durée de l'interdiction de retour fassent l'objet de motivations distinctes, ni que soit indiquée l'importance accordée à chaque critère.
13. Il incombe à l'autorité compétente qui prend une décision d'interdiction de retour d'indiquer dans quel cas susceptible de justifier une telle mesure se trouve l'étranger. Elle doit par ailleurs faire état des éléments de la situation de l'intéressé au vu desquels elle a arrêté, dans son principe et dans sa durée, sa décision, eu égard notamment à la durée de la présence de l'étranger sur le territoire français, à la nature et à l'ancienneté de ses liens avec la France et, le cas échéant, aux précédentes mesures d'éloignement dont il a fait l'objet. Elle doit aussi, si elle estime que figure au nombre des motifs qui justifie sa décision une menace pour l'ordre public, indiquer les raisons pour lesquelles la présence de l'intéressé sur le territoire doit, selon elle, être regardée comme une telle menace. En revanche, si après prise en compte de ce critère, elle ne retient pas cette circonstance au nombre des motifs de sa décision, elle n'est pas tenue à peine d'irrégularité, de le préciser expressément.
14. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier que l'arrêté attaqué mentionne les dispositions de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et indique que M.A..., qui allègue être entré en France en septembre 2017, s'est maintenu en situation irrégulière depuis plus de dix mois en toute connaissance de cause sans jamais s'être fait connaître de l'administration et qu'il ne justifie ni de la réalité, ni de l'ancienneté de ses liens avec la France. Dans la mesure où les termes de l'ensemble de l'arrêté litigieux établissent que la situation du requérant a été appréciée au regard de sa durée de présence en France et des conditions de son séjour, et où il n'est pas contesté que le préfet n'a pas entendu retenir une menace pour l'ordre public, celui-ci a suffisamment motivé la décision portant interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an.
15. En second lieu, si M. A...soutient que la décision contestée est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation, la durée de la présence en France du requérant sur le territoire français, ainsi que la présence, laquelle n'est au demeurant pas établie, de ses oncles, ses tantes, ses cousins et ses cousines, ne sont pas à elles seules suffisantes pour faire regarder la décision comme entachée d'une erreur manifeste d'appréciation alors qu'il est célibataire et sans enfants à charge et ne justifie pas être intégré dans la société française. Par ailleurs, il ne fait état d'aucune circonstance humanitaire qui serait de nature à justifier que le préfet ne prononce pas d'interdiction de retour. Dès lors, le moyen tiré de ce que la décision portant interdiction de retour sur le territoire français serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation doit être écarté.
16. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet du Rhône est fondé à soutenir que les conclusions de M. A...tendant à l'annulation de son arrêté du 3 juillet 2018 doivent être rejetées.
Sur le sursis à exécution :
17. Dès lors qu'il est statué, par le présent arrêt, sur les conclusions tendant à l'annulation du jugement n° 181200/1-2 du Tribunal administratif de Paris du 14 septembre 2018, les conclusions de la requête n° 18PA03275 du préfet du Rhône tendant à ce qu'il soit sursis à l'exécution de ce jugement sont devenues sans objet.
DECIDE :
Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur la requête n° 18PA03275 du préfet du Rhône tendant au sursis à exécution du jugement du Tribunal administratif de Paris n° 1812700/1-2 du 14 septembre 2018.
Article 2 : Le jugement du magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Paris
n° 1812700/1-2 du 14 septembre 2018 est annulé.
Article 3 : La demande présentée par M. A...devant le Tribunal administratif de Paris est rejetée.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. B...A...et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet du Rhône.
Délibéré après l'audience du 19 février 2019, à laquelle siégeaient :
- M. Even, président de chambre,
- Mme Hamon, président assesseur,
- Mme d'Argenlieu, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 12 mars 2019.
Le rapporteur,
P. HAMON Le président,
B. EVENLe greffier,
S. GASPARLa République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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Nos 18PA03274...