Procédure devant la Cour :
I - Par une requête sommaire n° 20PA01884 et des mémoire complémentaires, enregistrés les 24 juillet, 29 juillet et 4 septembre 2020, le préfet de police demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 2007639/8 du 24 juin 2020 par lequel le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Paris a annulé l'arrêté du 28 mai 2020 portant transfert de M. B... aux autorités allemandes responsables de l'examen de sa demande d'asile ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. B... devant le Tribunal administratif de Paris.
Il soutient que :
- l'arrêté ne méconnaît pas les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 ;
- le motif d'annulation du jugement attaqué n'impliquait pas la délivrance d'une attestation de demande d'asile en procédure normale mais en procédure accélérée en application du 2° du III de l'article L. 723-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- l'arrêté a été signé par une autorité compétente ;
- il est suffisamment motivé ;
- il ne méconnaît pas les dispositions de l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 ;
- il ne méconnaît pas les dispositions de l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 ;
- il ne méconnait pas les dispositions de l'article L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration ;
- il ne méconnaît pas les dispositions de l'article 24 et de l'article 25 du règlement (UE) n° 604/2013 ;
- il ne méconnaît pas les dispositions de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013, ni les dispositions de l'article 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- la délivrance d'une attestation de demande d'asile en procédure normale et l'enregistrement de sa demande par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides n'ont pas eu pour effet de rendre sans objet la requête.
Par un mémoire en défense, enregistré le 31 août 2020, M. B..., représenté par Me C..., demande à la Cour :
1°) de l'admettre provisoirement au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale ;
2°) à titre principal, de constater le non-lieu à statuer ;
3°) à titre subsidiaire, de rejeter la requête du préfet de police ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros à verser à Me C... sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- il n'y a pas lieu de statuer sur la requête du préfet de police dès lors qu'il lui a délivré une attestation de demande d'asile en procédure normale et s'est vu remettre un dossier OFPRA ;
- sa demande d'asile a été définitivement rejetée en Allemagne ;
- l'arrêté est insuffisamment motivé ;
- il méconnait les dispositions de l'article L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration dès lors qu'il n'a pas été en mesure de présenter ses observations orales avant l'édiction de l'arrêté ;
- il méconnaît les dispositions de l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 ;
- il méconnaît les dispositions de l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 ;
- il méconnaît les dispositions de l'article 24 et de l'article 25 du règlement (UE) n° 604/2013 ; le préfet ne rapporte pas la preuve que les autorités allemandes ont été saisies de la demande de reprise en charge.
II - Par une requête n° 20PA01982 et un mémoire complémentaire, enregistrés les 30 juillet et 4 septembre 2020, le préfet de police demande à la Cour d'ordonner le sursis à exécution du jugement n° 2007639/8 du 24 juin 2020 par lequel le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Paris a annulé l'arrêté du 28 mai 2020 portant transfert de M. B... aux autorités allemandes responsables de l'examen de sa demande d'asile.
Il soutient que :
- l'arrêté ne méconnaît pas les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 ;
- le motif d'annulation du jugement attaqué n'impliquait pas la délivrance d'une attestation de demande d'asile en procédure normale mais en procédure accélérée en application du 2° du III de l'article L. 723-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- l'arrêté a été signé par une autorité compétente ;
- il est suffisamment motivé ;
- il ne méconnaît pas les dispositions de l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 ;
- il ne méconnaît pas les dispositions de l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 ;
- il ne méconnait pas les dispositions de l'article L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration ;
- il ne méconnaît pas les dispositions de l'article 24 et de l'article 25 du règlement (UE) n° 604/2013 ;
- il ne méconnaît pas les dispositions de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013, ni les dispositions de l'article 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- la délivrance d'une attestation de demande d'asile en procédure normale et l'enregistrement de sa demande par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides n'ont pas eu pour effet de rendre sans objet la requête.
Par un mémoire en défense, enregistré le 31 août 2020, M. B..., représenté par Me C..., demande à la Cour :
1°) de l'admettre provisoirement au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale ;
2°) à titre principal, de constater le non-lieu à statuer ;
3°) à titre subsidiaire, de rejeter la requête du préfet de police ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros à verser à Me C... sur le fondement de l'article L.761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que les moyens présentés par le préfet de police ne sont pas fondés.
M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle du tribunal judiciaire de Paris du 12 août 2020.
Vu les autres pièces des dossiers.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- le règlement (CE) n° 1560/2003 de la Commission du 2 septembre 2003, modifié par le règlement d'exécution (UE) n° 118/2014 de la Commission du 30 janvier 2014 ;
- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Mach, premier conseiller,
- et les observations de Me Anglade, avocat de M. B....
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., ressortissant afghan né le 1er décembre 1999, a fait l'objet d'un arrêté du 28 mai 2020, notifié le même jour, par lequel le préfet de police a décidé son transfert aux autorités allemandes responsables de l'examen de sa demande d'asile. Le préfet de police relève appel du jugement du 24 juin 2020 par lequel le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Paris a annulé l'arrêté du 28 mai 2020 et lui a enjoint de délivrer à M. B... une attestation de demande d'asile en procédure normale et demande que soit prononcé le sursis à l'exécution de ce jugement.
2. L'appel et la demande de sursis à exécution présentés par le préfet de police étant formés contre un même jugement, il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt.
Sur la demande d'admission provisoire à l'aide juridictionnelle :
3. M. B... ayant été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du 12 août 2020 du bureau d'aide juridictionnelle du tribunal judiciaire de Paris, il n'y a pas lieu d'admettre l'intéressé à titre provisoire au bénéfice de l'aide juridictionnelle.
Sur la requête n° 20PA01884 :
En ce qui concerne l'exception de non-lieu à statuer :
4. Lorsque l'autorité administrative, en exécution d'un jugement d'annulation et d'injonction, prend une mesure d'exécution qui n'est motivée que par le souci de se conformer à ce jugement, cette mesure d'exécution ne prive pas d'objet l'appel dirigé contre ce jugement.
5. Pour assurer l'exécution du jugement du 24 juin 2020 du magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Paris, le préfet de police a délivré à M. B... une attestation de demande d'asile. Ni une telle mesure d'exécution, ni la circonstance que la demande d'asile présentée par M. B... soit en cours d'examen par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ne privent d'objet l'appel dirigé contre ce jugement. Par suite, l'exception de non-lieu opposée par M. B... ne peut être accueillie.
En ce qui concerne le moyen d'annulation retenu par le tribunal :
6. Aux termes de l'article 18 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013, établissant les critères et les mécanismes de détermination de l'Etat membre responsable de l'examen d'une demande d'asile présentée dans l'un des Etats membres par un ressortissant de pays tiers ou apatride : " 1. L'État membre responsable en vertu du présent règlement est tenu de : (...) / d) reprendre en charge, dans les conditions prévues aux articles 23, 24, 25 et 29, le ressortissant de pays tiers ou l'apatride dont la demande est rejetée et qui a présenté une demande auprès d'un autre État membre ou qui se trouve, sans titre de séjour, sur le territoire d'un autre État membre. ". Aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ".
7. Pour annuler l'arrêté en litige comme méconnaissant les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Paris s'est fondé sur la circonstance qu'il ne pouvait pas être présumé que M. B... ne serait pas éloigné à destination de l'Afghanistan par les autorités allemandes dès lors que, par une décision du 17 novembre 2019 devenue définitive, l'Office fédéral allemand des migrations et des réfugiés avait rejeté la demande de protection internationale introduite par M. B... et lui avait fait obligation de quitter le territoire à destination de l'Afghanistan, que les autorités allemandes avaient accepté de le reprendre sur le fondement des dispositions du d) du paragraphe 1 de l'article 18 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 qui vise les personnes dont la demande de protection internationale a été rejetée et que ces autorités avaient procédé depuis 2017 à des éloignements à destination de l'Afghanistan de demandeurs d'asile dont la demande avait été définitivement rejetée. Toutefois, l'arrêté contesté a seulement pour objet de renvoyer l'intéressé en Allemagne, et non dans son pays d'origine. Par ailleurs, l'Allemagne, Etat membre de l'Union européenne, est partie à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. En outre, il ne ressort pas des pièces du dossier que les autorités allemandes, alors même que la demande d'asile de M. B... a été rejetée, n'évalueront pas, avant de procéder à un éventuel éloignement de l'intéressé, les risques auxquels il serait exposé en cas de retour en Afghanistan. Par suite, le préfet de police est fondé à soutenir que c'est à tort que le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Paris s'est fondé sur le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales pour annuler l'arrêté du 28 mai 2020.
8. Il appartient toutefois à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. B... en première instance et en appel.
En ce qui concerne les autres moyens soulevés par M. B... :
9. Par un arrêté n° 2020-0197 du 2 mars 2020, régulièrement publié au bulletin municipal officiel de la ville de Paris du 10 mars 2020, le préfet de police a donné à M. Djilali Guerza, conseiller d'administration de l'intérieur et de l'outre-mer, chef du 12ème bureau à la sous-direction de l'administration des étrangers de la direction de la police générale à la préfecture de police, délégation à l'effet de signer notamment les décisions en matière de police des étrangers, en cas d'absence ou d'empêchement d'autorités dont il ne ressort pas des pièces du dossier qu'elles n'étaient pas absentes ou empêchées. Par suite, le moyen tiré de ce que l'arrêté litigieux aurait été signé par une autorité incompétente doit être écarté.
10. Aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. / A cet effet, doivent être motivées les décisions qui (...) constituent une mesure de police (...) ". Aux termes de l'article L. 211-5 du même code : " La motivation exigée par le présent chapitre doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision ". En application de l'article L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la décision de transfert dont fait l'objet un ressortissant de pays tiers ou un apatride qui a déposé auprès des autorités françaises une demande d'asile dont l'examen relève d'un autre Etat membre ayant accepté de le prendre ou de le reprendre en charge doit être motivée, c'est-à-dire qu'elle doit comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. Pour l'application de ces dispositions, est suffisamment motivée une décision de transfert qui mentionne le règlement du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 et comprend l'indication des éléments de fait sur lesquels l'autorité administrative se fonde pour estimer que l'examen de la demande présentée devant elle relève de la responsabilité d'un autre Etat membre, une telle motivation permettant d'identifier le critère du règlement communautaire dont il est fait application.
11. La décision litigieuse vise les stipulations applicables de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, notamment ses articles 3 et 8, les dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 ainsi que le règlement (CE) 1560/2003 du 2 septembre 2003. Elle fait référence à la consultation du fichier Eurodac selon lequel M. B... a notamment présenté une demande d'asile en Allemagne le 23 février 2019 et précise que les autorités allemandes doivent être regardées comme l'Etat membre de sa demande d'asile et qu'elles ont accepté le 25 mars 2020 de reprendre en charge M. B... sur le fondement du d) du 1 de l'article 18 du règlement (UE) n° 604/2013. L'arrêté contesté comporte ainsi l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. Par suite, le moyen tiré d'une insuffisance de motivation de l'arrêté en litige doit être écarté.
12. Aux termes de l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. Dès qu'une demande de protection internationale est introduite au sens de l'article 20, paragraphe 2, dans un État membre, ses autorités compétentes informent le demandeur de l'application du présent règlement, (...) 2. Les informations visées au paragraphe 1 sont données par écrit, dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend. Les États membres utilisent la brochure commune rédigée à cet effet en vertu du paragraphe 3. / Si c'est nécessaire à la bonne compréhension du demandeur, les informations lui sont également communiquées oralement, par exemple lors de1'entretien individuel visé à l'article 5. / (...) ". Il résulte de ces dispositions que le demandeur d'asile auquel l'administration entend faire application du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 doit se voir remettre, dès le moment où le préfet est informé de ce qu'il est susceptible d'entrer dans le champ d'application de ce règlement, et, en tout cas, avant la décision par laquelle l'autorité administrative décide de ne pas instruire la demande de l'intéressé au motif que la France n'est pas responsable de sa demande d'asile, une information complète sur ses droits, par écrit ou, si nécessaire pour la bonne compréhension du demandeur, oralement, et dans une langue qu'il comprend. Cette information doit comprendre l'ensemble des éléments prévus au paragraphe 1 de l'article 4 du règlement. Eu égard à la nature de ces informations, leur délivrance complète par l'autorité administrative, notamment par la remise de la brochure prévue par les dispositions précitées, constitue pour le demandeur d'asile une garantie.
13. Il ressort des pièces du dossier que M. B... s'est vu remettre, les 4 et 6 mars 2020, le guide du demandeur d'asile ainsi que les documents d'information A et B, intitulés respectivement " J'ai demandé l'asile dans l'Union européenne - quel pays sera responsable de l'analyse de ma demande " et " Je suis sous procédure Dublin - qu'est-ce que cela signifie ' ", qui constituent la brochure commune prévue par les dispositions de l'article 4 du règlement précité. Ces documents lui ont été remis en langue pachtou, langue qu'il a déclaré comprendre devant les services de la préfecture. Il ressort également des pièces du dossier que l'intéressé a bénéficié des services d'un interprète en langue pachtou. Dès lors, le moyen tiré de ce que l'intéressé n'a pas reçu l'ensemble des éléments d'information requis par les dispositions précitées de l'article 4 du règlement
n° 604/2013 du 26 juin 2013 doit être écarté comme manquant en fait.
14. Aux termes de l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. Afin de faciliter le processus de détermination de l'État membre responsable, l'État membre procédant à cette détermination mène un entretien individuel avec le demandeur. Cet entretien permet également de veiller à ce que le demandeur comprenne correctement les informations qui lui sont fournies conformément à l'article 4 (...). 5. L'entretien individuel a lieu dans des conditions garantissant dûment la confidentialité. Il est mené par une personne qualifiée en vertu du droit national. (...) ".
15. Il ressort des pièces du dossier que M. B... a bénéficié, le 6 mars 2020, d'un entretien individuel dans les locaux de la préfecture de police. Il ressort du compte-rendu de cet entretien que l'intéressé a été personnellement reçu par un agent du 12ème bureau de la direction de la police générale de la préfecture de police, lequel doit être regardé comme une personne qualifiée en vertu du droit national pour mener cet entretien au sens du paragraphe 5 de l'article 5 du règlement du 26 juin 2013. Dès lors que cet entretien a été mené par une personne qualifiée, l'absence d'indication de l'identité de l'agent ayant conduit l'entretien individuel, lequel n'avait en tout état de cause pas à justifier d'une délégation de signature, n'a pas privé l'intéressé de la garantie tenant au bénéfice de cet entretien et de la possibilité de faire valoir toutes observations utiles. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article 5 du règlement du 26 juin 2013 doit être écarté.
16. Si l'intéressé soutient qu'il n'a pas été en mesure de faire valoir ses observations avant l'édiction de la mesure, il ressort des pièces du dossier que M. B... a eu la possibilité de faire valoir utilement les éléments pertinents susceptibles d'influencer la décision du préfet de police sur son éloignement lors de l'entretien individuel du 6 mars 2020. Dans ces conditions, le moyen tiré de ce qu'il n'a pas été en mesure de faire ses observations avant l'édiction de la mesure doit être écarté.
17. Il résulte de l'article 23 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 que, lorsque l'autorité administrative saisie d'une demande de protection internationale estime, au vu de la consultation du fichier Eurodac prévue par le règlement (UE) n° 603/2013 relatif à la création d'Eurodac, que l'examen de cette demande ne relève pas de la France, il lui appartient de saisir le ou les Etats qu'elle estime responsable de cet examen dans un délai maximum de deux mois à compter de la réception du résultat de cette consultation. À défaut de saisine dans ce délai, la France devient responsable de cette demande. Selon l'article 25 du même règlement, l'Etat requis dispose, dans cette hypothèse, d'un délai de deux semaines au-delà duquel, à défaut de réponse explicite à la saisine, il est réputé avoir accepté la reprise en charge du demandeur.
18. Aux termes de l'article 15 du règlement (CE) n° 1560/2003 du 2 septembre 2003 portant modalités d'application du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013, modifié par le règlement d'exécution (UE) n° 118/2014 de la Commission du 30 janvier 2014 : " Les requêtes et les réponses, ainsi que toutes les correspondances écrites entre Etats membres visant à l'application du règlement (UE) n° 604/2013, sont, autant que possible, transmises via le réseau de communication électronique " DubliNet " établi au titre II du présent règlement (...). / 2. Toute requête, réponse ou correspondance émanant d'un point d'accès national (...) est réputée authentique. / 3. L'accusé de réception émis par le système fait foi de la transmission et de la date et de l'heure de réception de la requête ou de la réponse ". Le 2 de l'article 10 du même règlement précise que : " Lorsqu'il en est prié par l'Etat membre requérant, l'Etat membre responsable est tenu de confirmer, sans tarder et par écrit, qu'il reconnaît sa responsabilité résultant du dépassement du délai de réponse ".
19. Il résulte des dispositions citées ci-dessus du règlement (CE) n° 1560/2003 du 2 septembre 2003 que la production de l'accusé de réception émis, dans le cadre du réseau Dublinet, par le point d'accès national de l'Etat requis lorsqu'il reçoit une demande présentée par les autorités françaises établit l'existence et la date de cette demande et permet, en conséquence, de déterminer le point de départ du délai de deux semaines au terme duquel la demande de reprise est tenue pour implicitement acceptée.
20. Il ressort des pièces du dossier que les autorités allemandes ont été saisies d'une demande de reprise en charge ainsi qu'en atteste un accusé de réception électronique daté du 11 mars 2020 délivré par l'application informatique " Dublinet ". Ce document mentionne en son intitulé la même référence que celle figurant sur le document émis par les autorités allemandes le 25 mars 2020 par lequel elles reconnaissent explicitement leur responsabilité. Ainsi, la réalité d'une demande de reprise en charge adressée à ces autorités est établie. Dès lors, le moyen tiré de l'absence de preuve de la saisine et de l'accord des autorités allemandes doit être écarté.
21. Aux termes de l'article 17 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque Etat membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement. ".
22. L'Allemagne, Etat membre de l'Union européenne, est partie à la convention de Genève du 28 juillet 1951 sur le statut de réfugiés, complétée par le protocole de New-York et à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. M. B... ne produit aucun élément de nature à établir qu'il existerait des raisons sérieuses de croire à l'existence de défaillances systémiques en Allemagne dans la procédure d'asile et que les autorités allemandes ne traiteraient pas sa demande d'asile dans des conditions conformes à l'ensemble des garanties exigées par le respect du droit d'asile. Il ne ressort d'aucune pièce du dossier que les autorités allemandes, alors même que la demande d'asile de M. B... a été rejetée, n'évalueront pas, avant de procéder à un nouvel éloignement de l'intéressé, les risques auxquels il serait exposé en cas de retour dans son pays d'origine. Par suite, le préfet de police n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation en ne faisant pas usage du pouvoir discrétionnaire qu'il tient de l'article 17 du règlement du 26 juin 2013.
23. Aux termes de l'article 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ".
24. Pour les mêmes raisons que celles évoquées au point 7, M. B... n'établit pas que le préfet aurait méconnu les stipulations de l'article 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne.
25. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet de police est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté du 28 mai 2020.
Sur la demande de sursis à exécution :
26. Le présent arrêt statuant sur la demande d'annulation du jugement n° 2007639/8 du 24 juin 2020 du magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Paris, les conclusions de la requête n° 20PA01982 tendant au sursis à exécution de ce jugement sont devenues sans objet.
Sur les frais liés au litige :
27. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans les présentes instances, la partie perdante, le versement de la somme que M. B... demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens.
DECIDE :
Article 1er : M. B... n'est pas admis à titre provisoire au bénéfice de l'aide juridictionnelle.
Article 2 : Il n'y a pas lieu de statuer sur la requête n° 20PA01982 du préfet de police.
Article 3 : Le jugement n° 2007639/8 du 24 juin 2020 du magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Paris est annulé.
Article 4 : La demande présentée par M. B... devant le Tribunal administratif de Paris ainsi que ses conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 devant la Cour sont rejetées.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... B... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de police.
Délibéré après l'audience du 30 octobre 2020, à laquelle siégeaient :
- Mme A..., président de chambre,
- M. Mantz, premier conseiller,
- Mme Mach, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 13 novembre 2020.
Le rapporteur,
A-S. MACHLe président,
M. A...
Le greffier,
S. GASPAR
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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Nos 20PA01884...