Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 23 juin 2020, M. F... G... D..., représenté par Me A..., demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 2007588/8 du 13 juin 2020 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 27 mai 2020 ;
2°) d'annuler cet arrêté ;
3°) d'enjoindre au préfet de procéder à l'enregistrement de sa demande d'asile et de lui délivrer un formulaire OFPRA ainsi qu'une attestation de demande d'asile dans un délai de cinq jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- le jugement est entaché d'une omission à statuer dès lors que le tribunal administratif n'a pas répondu au moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 111-2 du code des relations entre le public et l'administration ;
- le jugement est entaché d'une omission à statuer dès lors que le tribunal administratif n'a pas répondu au moyen tiré de ce que le préfet a entaché sa décision d'une erreur de droit en procédant à une demande de reprise en charge alors que, dès lors qu'il était titulaire d'un titre de séjour italien pour motif humanitaire, sa demande devait être regardée comme une nouvelle demande d'asile ;
- l'arrêté méconnaît les dispositions de l'article 9 du règlement (UE) n° 1560/2003 ; le délai de transfert a expiré le 23 février 2020 et l'Italie n'a pas été informée d'un report ou d'une prolongation de ce délai ;
- il est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article 3.2 alinéa 2 et de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 et de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; il n'a pas obtenu le renouvellement de son titre de séjour obtenu en 2017 pour des motifs humanitaires en Italie et il a un frère réfugié en France.
Par un mémoire en défense, enregistré le 18 septembre 2020, le préfet de police conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que les moyens soulevés par la requête ne sont pas fondés.
M. D... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal de grande instance de Paris du 25 juin 2020.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme C...,
- et les observations de Me Mariette, avocat de M. D....
Considérant ce qui suit :
1. M. F... G... D..., ressortissant égyptien né le 8 février 1979, est entré en France en 2019 pour y retrouver son frère, selon ses déclarations. Il a présenté une demande d'asile le 7 août 2019. Ses empreintes ayant révélé qu'il avait sollicité l'asile auprès des autorités italiennes le 10 janvier 2014, le préfet de police les a saisies d'une demande de reprise en charge le 8 août 2019. Cette demande ayant été implicitement acceptée le 23 août 2019, le préfet de police a décidé de procéder au transfert de M. D... par un arrêté du 8 octobre 2019. Cette décision a toutefois été annulée par un jugement du Tribunal administratif de Paris du 9 décembre 2019 au motif que M. D... avait été privé d'une garantie dès lors qu'il ne s'était pas vu remettre la brochure d'information B. Par un nouvel arrêté du 27 mai 2020, le préfet de police a de nouveau décidé de sa remise aux autorités italiennes. M. D... fait appel du jugement du 13 juin 2020 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ce nouvel arrêté.
Sur la régularité du jugement :
2. M. D... soutient que le jugement est entaché d'une omission à statuer dès lors que le premier juge n'aurait pas répondu au moyen tiré de l'irrégularité de l'entretien individuel en tant qu'auraient été méconnues les dispositions de l'article L. 111-2 du code des relations entre le public et l'administration. Si le moyen tiré de la méconnaissance de ces dispositions, soulevé par le requérant devant le tribunal administratif, était inopérant et pouvait, à ce titre, être écarté implicitement, il appartenait toutefois au magistrat désigné de l'analyser dans les visas. Dès lors, en l'absence d'une telle analyse et de réponse dans les motifs du jugement, M. D... est fondé à soutenir que le jugement est entaché d'une omission à statuer. Par suite, et sans qu'il soit besoin de statuer sur l'autre moyen de régularité, le jugement attaqué doit être annulé.
3. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par M. D... devant le Tribunal administratif de Paris.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
4. Le préfet de police, pour prendre l'arrêté attaqué, s'est fondé notamment sur la circonstance que l'ensemble des éléments de fait et de droit caractérisant la situation de l'intéressé ne relève pas des dérogations prévues aux articles 3-2 et 17 du règlement (UE) n° 604/2013 et que M. D... ne peut se prévaloir d'une vie privée et familiale en France stable. Toutefois, le requérant soutient, sans être contredit, que son frère a obtenu le statut de réfugié en France et y réside régulièrement sous couvert d'une carte de résident. Il ressort également des pièces du dossier que M. D... a communiqué cette information à l'autorité préfectorale, lors de l'entretien individuel du 7 août 2019, ainsi que par un courrier du 23 septembre 2019 dans lequel il produisait l'ensemble des éléments permettant d'établir la réalité de ses allégations. Or, le préfet de police, en se bornant à faire référence, dans son arrêté, à l'ensemble des éléments de fait et de droit caractérisant la situation de l'intéressé, n'établit pas avoir pris en considération cette information. Dans ces conditions, le préfet ne s'est pas livré à un examen complet de la demande de M. D....
5. Il résulte de ce qui précède que M. D... est fondé à demander l'annulation de l'arrêté attaqué du 27 mai 2020, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
6. Le présent arrêt, par lequel la Cour fait droit aux conclusions à fin d'annulation présentées par M. D..., n'implique cependant pas, eu égard au motif d'annulation ci-dessus énoncé, que l'administration prenne une nouvelle décision dans un sens déterminé. Par suite, les conclusions du requérant tendant à ce que le préfet enregistre sa demande d'asile doivent être rejetées. Il y a seulement lieu d'enjoindre au préfet de réexaminer la situation de M. D... dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Sur les frais de justice :
7. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros à verser à Me A..., avocat de M. D..., sous réserve que Me A... renonce à percevoir la part contributive de l'Etat à l'aide juridictionnelle.
DECIDE :
Article 1er : Le jugement n° 2007588/8 du 13 juin 2020 du Tribunal administratif de Paris est annulé.
Article 2 : L'arrêté du 27 mai 2020 par lequel le préfet de police a décidé le transfert de M. D... aux autorités italiennes responsables de l'examen de sa demande d'asile est annulé.
Article 3 : Il est enjoint au préfet de police de procéder au réexamen de la situation de M. D... dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir.
Article 4 : L'Etat versera à Me A..., avocat de M. D..., une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que Me A... renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à l'aide juridictionnelle.
Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. F... G... D..., au ministre de l'intérieur et à Me A.... Copie en sera adressée au préfet de police.
Délibéré après l'audience du 11 décembre 2020, à laquelle siégeaient :
- Mme B..., président de chambre,
- M. Mantz, premier conseiller,
- Mme C..., premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 17 décembre 2020.
Le rapporteur,
C. C...Le président,
M. B...Le greffier,
A. BENZERGUA
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 20PA01525