Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés les 27 avril 2018 et
12 juillet 2018, MmeA..., représentée par Me Haddad, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1711668/3-3 du 13 mars 2018 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 21 juin 2017 lui refusant la délivrance d'un titre de séjour portant la mention " entrepreneur/profession libérale " ;
2°) d'annuler cet arrêté ;
3°) d'enjoindre au préfet de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " entrepreneur/profession libérale " ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que le préfet a entaché sa décision d'une erreur d'appréciation.
Par un mémoire en défense, enregistré le 5 juillet 2018, le préfet de police conclut au rejet de la requête.
Il soutient qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme d'Argenlieu ,
- les conclusions de Mme Oriol, rapporteur public,
- et les observations de Me B... substituant Me Haddad, avocat de Mme A....
Considérant ce qui suit :
1. Mme C...A..., ressortissante kazakhe, est entrée en France le 10 septembre 2010. Après avoir été mise en possession d'un titre de séjour étudiant, elle a ensuite obtenu un titre de séjour portant la mention " salarié " valable du 22 septembre 2016 au 21 septembre 2017. Elle a alors sollicité la délivrance d'un titre de séjour portant la mention " entrepreneur/profession libérale " sur le fondement des dispositions de l'article L. 313-10 3° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, afin de développer, en France, la vente de produits cosmétiques de la marque Nanopep dans le cadre de la société à responsabilité limitée qu'elle a créée à Paris le
16 septembre 2016 et dont elle est la gérante. Par une décision du 21 juin 2017, le préfet de police a refusé de faire droit à sa demande. Mme A...fait appel du jugement du 13 mars 2018 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
2. Aux termes de l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Une carte de séjour temporaire, d'une durée maximale d'un an, autorisant l'exercice d'une activité professionnelle est délivrée à l'étranger : (...) " 3° Pour l'exercice d'une activité non salariée, économiquement viable et dont il tire des moyens d'existence suffisants, dans le respect de la législation en vigueur. Elle porte la mention " entrepreneur/ profession libérale ". (...) ". Aux termes de l'article R. 313-16-10 du même code : " Pour l'application du 3° de l'article L. 313-10, l'étranger qui demande la carte de séjour temporaire portant la mention " entrepreneur/ profession libérale " doit présenter à l'appui de sa demande, outre les pièces mentionnées aux articles
R. 311-2-2 et R. 313-1, les justificatifs permettant d'évaluer, en cas de création, la viabilité économique de son projet. En cas de participation à une activité ou une entreprise existante, il doit présenter les justificatifs permettant de s'assurer de son effectivité et d'apprécier la capacité de cette activité ou de cette société à lui procurer des ressources au moins équivalentes au salaire minimum de croissance correspondant à un emploi à temps plein. Dans tous les cas, l'étranger doit justifier qu'il respecte la réglementation en vigueur dans le domaine d'activité en cause. Lorsqu'il envisage d'exercer une activité réglementée, il justifie en outre satisfaire aux conditions d'accès à l'activité en cause. Un arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé des finances fixe la liste des pièces justificatives que l'étranger doit produire ".
3. Il ressort de la décision attaquée que, pour refuser la délivrance de la carte de séjour temporaire demandée par la requérante, le préfet de police a, sur avis défavorable de la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi de la région Ile-de-France du 31 mai 2018, fait valoir que la requérante n'avait produit aucune analyse de marché, ni évoqué l'aspect logistique de son projet, que le dossier ne présentait aucune donnée concernant le nombre potentiel de distributeurs, ni la démarche d'approche de ces derniers et, qu'enfin, un seul produit sur les sept présentés dans le plan de production serait développé. Si la valeur professionnelle de Mme A...ne saurait être remise en cause, ni le fait qu'elle dispose de relations privilégiées avec le concepteur russe des produits qu'elle souhaite commercialiser en France, et que la marque qu'elle souhaite utiliser existe déjà dans d'autre pays, européens notamment, la requérante ne produit aucun document de nature à établir la viabilité en France de la société qu'elle a créée, sur un marché au demeurant très concurrentiel. Si elle produit pour la première fois en appel un document intitulé " dossier prévisionnel ", celui-ci a été réalisé le
20 mars 2018, soit postérieurement à la décision contestée, et porte uniquement, ainsi que son nom l'indique, sur trois exercices futurs allant des mois de septembre 2018 au mois d'août 2021. Il ressort par ailleurs des écritures de la requérante que celle-ci ne dispose pas encore des autorisations nécessaires à la commercialisation de ses produits en France. Au surplus, elle n'explique pas précisément de quelle manière elle financera l'investissement nécessaire à cette activité. Enfin, si elle soutient vouloir s'appuyer sur des réseaux de distribution existants pour commercialiser ses produits, elle n'établit pas avoir approché ces distributeurs, ni même, a fortiori, avoir signé un accord avec l'un d'entre eux pour assurer la vente desdits produits. Ainsi, la viabilité économique du projet ne ressortant pas des pièces du dossier, la requérante n'est pas fondée à soutenir que le préfet de police aurait commis une erreur d'appréciation au regard de l'article L. 313-10 précité du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en refusant de faire droit à sa demande.
4. Il résulte de ce qui précède que Mme A...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 21 juin 2017 lui refusant la délivrance d'un titre de séjour portant la mention "entrepreneur/profession libérale ". Ceci ne fait pas obstacle, si elle s'y croit fondée, à renouveler sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction, ainsi que celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.
DECIDE :
Article 1er : La requête de Mme A...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C...A...et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet de police.
Délibéré après l'audience du 8 octobre 2018, à laquelle siégeaient :
- M. Even, président de chambre,
- Mme Hamon, président assesseur,
- Mme d'Argenlieu, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 18 octobre 2018.
Le rapporteur,
L. d'ARGENLIEU
Le président,
B. EVEN
Le greffier,
S. GASPAR
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 18PA01433