Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 26 août 2020, le ministre de l'intérieur, représenté par Me B..., demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 2011566/8 du 3 août 2020 par lequel le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Paris a annulé la décision du 31 juillet 2020 ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. C... devant le Tribunal administratif de Paris.
Il soutient que :
- c'est à tort que le tribunal s'est fondé sur les dispositions du 3° de l'article L. 213-8-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile pour annuler la décision attaquée alors que celle-ci a été prise sur le fondement du 2° de l'article L. 213-8-1 du même code ;
- la décision n'est pas entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ; la demande d'entrée sur le territoire au titre de l'asile est infondée dès lors que l'intéressé ne fait l'objet d'aucune menace réelle, d'aucune crainte directe ou personnelle pour sa vie ou son intégrité physique.
La requête a été communiquée le 23 septembre 2020 à M. C... qui n'a pas produit de mémoire en défense ;
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés ;
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le décret n° 2020-1404 du 18 novembre 2020 portant adaptation des règles applicables aux juridictions de l'ordre administratif,
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme E...,
- les observations de Me Ben Hamouda, avocat du ministre de l'intérieur.
Considérant ce qui suit :
1. M. D... C..., ressortissant marocain né le 6 septembre 1992, est arrivé à l'aéroport de Roissy le 29 juillet 2020 en possession d'un passeport marocain dépourvu de visa et d'une carte d'identité espagnole contrefaite. Le même jour, il a sollicité l'asile politique. L'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA), consulté pour émettre un avis sur cette demande, a rendu un avis de non admission le 31 juillet 2020. Par une décision du même jour, le ministre de l'intérieur a rejeté la demande d'entrée en France au titre de l'asile présentée par M. C..., a décidé en conséquence de lui refuser l'entrée sur le territoire français et a prescrit son réacheminement vers le Maroc ou tout pays où il serait légalement admissible. Le ministre de l'intérieur relève appel du jugement du 3 août 2020 par lequel le Tribunal administratif de Paris a annulé cette décision.
Sur le moyen d'annulation retenu par le tribunal administratif :
2. Aux termes de l'article L. 221-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui arrive en France par la voie ferroviaire, maritime ou aérienne et qui, soit n'est pas autorisé à entrer sur le territoire français, soit demande son admission au titre de l'asile, peut être maintenu dans une zone d'attente située dans une gare ferroviaire ouverte au trafic international figurant sur une liste définie par voie réglementaire, dans un port ou à proximité du lieu de débarquement, ou dans un aéroport, pendant le temps strictement nécessaire à son départ. Le présent titre s'applique également à l'étranger qui demande à entrer en France au titre de l'asile, le temps strictement nécessaire pour vérifier si l'examen de sa demande relève de la compétence d'un autre Etat en application du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil, du 26 juin 2013, établissant les critères et mécanismes de détermination de l'Etat membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale introduite dans l'un des Etats membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, ou en application d'engagements identiques à ceux prévus par le même règlement, si sa demande n'est pas irrecevable ou si elle n'est pas manifestement infondée (...) ".
3. Aux termes de l'article L. 213-8-1 du même code : " La décision de refuser l'entrée en France à un étranger qui se présente à la frontière et demande à bénéficier du droit d'asile ne peut être prise par le ministre chargé de l'immigration que si (...) / 2° La demande d'asile est irrecevable en application de l'article L. 723-11 ; / 3° Ou la demande d'asile est manifestement infondée. Constitue une demande d'asile manifestement infondée une demande qui, au regard des déclarations faites par l'étranger et des documents le cas échéant produits, est manifestement dénuée de pertinence au regard des conditions d'octroi de l'asile ou manifestement dépourvue de toute crédibilité en ce qui concerne le risque de persécutions ou d'atteintes graves. ".
4. Il ressort de la décision attaquée que le ministre, pour refuser l'entrée en France au titre de l'asile, s'est fondé sur les dispositions du 2° de l'article L. 213-8-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et a considéré que la demande de M. C... était irrecevable. Dès lors, c'est à tort que le Tribunal administratif s'est fondé sur le moyen tiré de ce que la décision méconnaissait les dispositions du 3° de l'article L. 213-8-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile pour annuler la décision contestée.
5. Toutefois, il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. C... en première instance.
Sur les autres moyens invoqués par M. C... :
6. En premier lieu, si la confidentialité des éléments d'information détenus par l'OFPRA relatifs à la personne sollicitant en France la qualité de réfugié est une garantie essentielle du droit d'asile, ce principe ne fait pas obstacle à ce que les agents habilités à mettre en oeuvre le droit d'asile aient accès à ces informations. Par suite, M. C... n'est pas fondé à soutenir que la procédure suivie a porté atteinte au principe de confidentialité des éléments d'information ressortant de la demande d'asile, dès lors que ces éléments n'ont été connus, transmis et étudiés que par les agents des autorités habilités par le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile à traiter leurs demandes, à savoir les agents de police, de l'OFPRA et du ministère de l'intérieur, tous astreints au secret professionnel. Dès lors, ce moyen doit être écarté.
7. En deuxième lieu, M. C... soutient que la décision est entachée d'un vice de procédure au regard des conditions matérielles de l'entretien et, notamment, du caractère directif de l'interrogatoire et des erreurs d'interprétariat commises. Il ressort de l'examen du compte-rendu de l'entretien avec l'agent de l'OFPRA que celui-ci ne révèle aucune difficulté de compréhension des questions posées au requérant, avec l'aide d'un interprète en langue arabe maghrébin, auxquelles celui-ci a apporté des réponses précises et substantielles. Ce compte-rendu révèle en outre que l'intéressé a été mis en mesure d'exposer sa situation de manière suffisamment précise et approfondie afin de permettre à l'administration de procéder à l'examen prévu à l'article L. 213-8-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers.
8. En troisième lieu, si le requérant soutient que sa vulnérabilité n'a pas été prise en compte, il n'assortit ce moyen d'aucune précision permettant d'en apprécier le bien-fondé. Il ne peut davantage faire valoir que l'OFPRA n'aurait pas pris en compte sa vulnérabilité en méconnaissance des dispositions de l'article L. 221-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
9. En quatrième lieu, M. C... soutient que la décision litigieuse méconnaît les dispositions du 3° de l'article L. 213-8-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et que le ministre a entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation en considérant que sa demande était manifestement infondée. Toutefois, et ainsi qu'il a été dit précédemment, pour rejeter la demande d'entrée en France au titre de l'asile de M. C..., le ministre s'est fondé sur les dispositions du 2° de l'article L. 213-8-1. Ainsi, M. C... ne peut utilement se prévaloir de la méconnaissance des dispositions du 3° de cet article.
10. En cinquième lieu, si M. C... soutient que la décision litigieuse est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation en faisant valoir qu'il a fait l'objet de menaces de mort au Maroc où il a été arrêté et malmené par les policiers en raison de ses activités sur les réseaux sociaux, ces éléments, au demeurant présentés en des termes sommaires et peu détaillés, ne sont pas de nature à augmenter de manière significative la probabilité qu'il justifie des conditions requises pour prétendre à une protection. Le moyen ne peut donc qu'être écarté.
11. En dernier lieu, aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales: " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants. " et aux termes de l'article 33 de la convention de Genève du 28 juillet 1951 : " 1. Aucun des Etats contractants n'expulsera ou ne refoulera, de quelque manière que ce soit, un réfugié sur les frontières des territoires où sa vie ou sa liberté serait menacée en raison de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques. 2. Le bénéfice de la présente disposition ne pourra toutefois être invoqué par un réfugié qu'il y aura des raisons sérieuses de considérer comme un danger pour la sécurité du pays où il se trouve ou qui, ayant été l'objet d'une condamnation définitive pour un crime ou délit particulièrement grave, constitue une menace pour la communauté dudit pays. ".
12. Si M. C... soutient que la décision du ministre méconnaît le principe du non refoulement garanti par les stipulations précitées de la convention de Genève du 28 juillet 1951 et les stipulations précitées de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme dès lors qu'elle a pour effet de le renvoyer au Maroc où il risque de subir des traitements inhumains et dégradants, il résulte de qui a été dit au point 11 que ces risques ne peuvent être regardés comme établis.
13. Il résulte de tout ce qui précède que le ministre de l'intérieur est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a annulé sa décision du 31 juillet 2020 refusant à M. C... l'entrée sur le territoire au titre de l'asile et a prescrit son réacheminement vers le Maroc ou tout autre pays où il serait légalement admissible.
DECIDE :
Article 1er : Le jugement n° 2011566/8 du 3 août 2020 du Tribunal administratif de Paris est annulé.
Article 2 : La demande présentée par M. C... devant le Tribunal administratif de Paris est rejetée.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... C... et au ministre de l'intérieur.
Délibéré après l'audience du 8 janvier 2021, à laquelle siégeaient :
- Mme A..., président de chambre,
- Mme E..., présidente assesseure,
- M. Mantz, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 22 janvier 2021.
La rapporteure,
M. E...Le président,
M. A...Le greffier,
S. GASPAR
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 20PA02452