Par un arrêt n° 16PA00743 du 3 février 2017, la Cour administrative d'appel de Paris a rejeté l'appel formé par la communauté de communes contre ce jugement.
Par une décision n° 409515 du 12 octobre 2018, le Conseil d'Etat, saisi par la communauté de communes du Pays de Montereau venant aux droits de la communauté de communes des deux fleuves, a annulé cet arrêt et renvoyé l'affaire devant la Cour.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et des mémoires et des pièces enregistrés le 22 février 2016, le 24 octobre 2018, le 29 janvier 2019 et le 26 février 2019, la communauté de communes du Pays de Montereau, représentée par MeB..., demande à la Cour :
1°) d'annuler jugement du Tribunal administratif de Melun n° 1305754 du 24 décembre 2015 ;
2°) de rejeter la demande présentée par la société Routes et Chantiers Modernes devant le Tribunal administratif de Melun ;
3°) de mettre à la charge de la société Routes et Chantiers Modernes le versement de la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- les premiers juges ont jugé à tort que la demande avait un fondement contractuel ;
- la demande était irrecevable car fondée sur la répétition de l'indu ;
- la mise en oeuvre de la garantie à première demande ayant eu pour effet de lever les réserves, celles-ci n'avaient pas à figurer au niveau du décompte général du marché ;
- le caractère définitif du décompte général du marché s'oppose à une contestation de la mise en oeuvre de la garantie à première demande intervenue antérieurement ;
- la société Routes et Chantiers Modernes était contractuellement tenue de livrer des grilles d'arbres traitées contre la corrosion ;
- le coût de la reprise des réserves sur ces grilles, et par suite le montant de la garantie à première demande mise en oeuvre, est justifié ;
- en la condamnant au remboursement de cette garantie, cela ferait peser sur elle le coût définitif de la levée des réserves.
Un mémoire présenté pour la communauté de communes du Pays de Montereau, a été enregistré le 28 juillet 2016.
Par des mémoires en défense et des pièces enregistrés le 4 juillet 2016, le 29 janvier 2019, 12 février 2019, le 6 mars 2019 et le 15 mars 2019, la société Routes et Chantiers Modernes, représentée par MeA..., conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 6 000 euros soit mise à la charge de la communauté de communes du Pays de Montereau sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que les moyens soulevés par la communauté de communes ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code civil, et notamment son article 2321 ;
- le code des marchés publics ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Hamon,
- les conclusions de Mme Oriol, rapporteur public,
- et les observations de Me B...pour la communauté de communes du Pays de Montereau.
Une note en délibéré a été produite pour la communauté de communes du Pays de Montereau le 1er avril 2019.
Considérant ce qui suit :
1. Par un marché public signé le 12 décembre 2005, la communauté de communes des deux fleuves, aux droits de laquelle vient la communauté de communes du Pays de Montereau, a confié à un groupement d'entreprises dont la société Routes et Chantiers modernes (RCM) était le mandataire, la réalisation du lot n° 1 (terrassement et VRD) des travaux d'aménagement de la ZAC des Rougeaux à Montereau-Fault-Yonne (Seine-et-Marne). Ce marché a été réceptionné le
21 avril 2009 avec des réserves pour lesquelles la communauté de communes a vainement mis en demeure l'entreprise RCM. En conséquence, par un courrier du 16 avril 2013, la communauté de communes a demandé à la société Fortis Banque, aux droits desquels vient la société BNP Paribas, en sa qualité de garant à première demande de la société RCM, de lui régler une somme de
138 606,60 euros correspondant au montant des travaux estimés nécessaires à la levée de ces réserves. Elle a ensuite notifié le décompte général du marché à la société RCM le 24 avril 2013. La banque a procédé au paiement à la communauté de communes, le 7 juin 2013, de la garantie en prélevant simultanément le même montant sur le compte de la société RCM. Par un jugement du
24 décembre 2015, le Tribunal administratif de Melun, saisi d'une demande de la société RCM, a condamné la communauté de communes à verser à cette société la somme correspondant à cette garantie de première demande. Par un arrêt du 3 février 2017, la Cour administrative d'appel de Paris a rejeté l'appel formé par la communauté de communes contre ce jugement. Enfin, par une décision n° 409515 du 12 octobre 2018, le Conseil d'Etat, saisi par la communauté de communes, a annulé cet arrêt et renvoyé l'affaire devant la Cour.
2. Aux termes de l'article 99 du code des marchés publics, alors en vigueur, désormais repris à l'article 122 du décret du 25 mars 2016 relatif aux marchés publics : " Lorsqu'ils comportent un délai de garantie, les marchés peuvent prévoir une retenue de garantie dont le montant ne peut être supérieur à 5 % du montant initial, augmenté, le cas échéant, du montant des avenants. La retenue de garantie a pour seul objet de couvrir les réserves à la réception des travaux, fournitures ou services ainsi que celles formulées pendant le délai de garantie ". L'article 100 du même code précise que : " La retenue de garantie peut être remplacée au gré du titulaire par une garantie à première demande ou, si les deux parties en sont d'accord, par une caution personnelle et solidaire. Le montant de la garantie à première demande ou de la caution personnelle et solidaire ne peut être supérieur à celui de la retenue de garantie qu'elles remplacent. Leur objet est identique à celui de la retenue de garantie qu'elles remplacent. (...)".
3. Il résulte de la nature même de la garantie à première demande que celle-ci constitue une obligation autonome, indépendante du marché et qui incombe à un tiers à l'égard du marché. Le donneur d'ordre d'une garantie à première demande est recevable à demander la restitution de son montant au bénéficiaire, à charge pour lui d'établir que le bénéficiaire en a reçu indûment le paiement, par la preuve de l'exécution de ses propres obligations contractuelles, ou par celle de l'imputabilité de l'inexécution du contrat à la faute du cocontractant bénéficiaire de la garantie ou par la nullité du contrat de base. La société RCM était dès lors recevable à demander aux premiers juges de condamner la communauté de communes à lui rembourser le montant de la garantie à première demande mise en oeuvre, aux motifs qu'elle avait respecté ses obligations contractuelles et que cette garantie avait été indûment perçue par la communauté de communes.
4. Si l'ensemble des opérations auxquelles donne lieu l'exécution d'un marché public est, en principe, compris dans un décompte dont aucun élément ne peut être isolé et dont seul le solde, arrêté lors du décompte définitif, détermine les droits et obligations définitifs des parties, le mécanisme de la garantie à première demande institue une obligation autonome, qui incombe à un tiers à l'égard du marché. Pour concilier cette obligation autonome avec la règle de l'unité du décompte, il revient en principe aux parties, si ce mécanisme a été actionné, de faire figurer dans le décompte, au débit du titulaire, le montant correspondant aux réserves non levées et, au crédit de celui-ci, le montant versé par le garant pour son compte. Toutefois, si le montant versé par le garant n'a pas été inscrit dans le décompte général au crédit du titulaire et si, par suite, le montant correspondant aux réserves non levées n'a pas été porté à son débit, ces circonstances n'ont pas pour conséquence de faire obstacle à ce que soit mis à la charge du titulaire le coût des travaux nécessaires à la levée des réserves.
Sur la mise en oeuvre de la garantie à première demande :
5. Il est constant que les grilles d'arbres posées par la société RCM en exécution du marché en cause sont atteintes, sur la quasi totalité de leur surface, de corrosion par la rouille contre laquelle elles n'étaient pas traitées. Il résulte de l'instruction, et notamment de l'article 6-5-8-7 du cahier des clauses techniques particulières du marché, ainsi que de la fiche technique du modèle de grilles contractuellement choisi par les parties, que ces grilles d'arbres devaient être, comme les corsets d'arbres qui ne sont, eux, atteints d'aucune corrosion, de couleur gris anthracite. Dans ces conditions, la société RCM n'est pas fondée à soutenir qu'elle a respecté ses obligations contractuelles quant à la fourniture de ces matériels et que, par suite, la communauté de communes aurait indûment mis en oeuvre la garantie à première demande au titre des frais de reprise des réserves émises en ce qui concerne ces grilles.
Sur le montant de la garantie :
6. En premier lieu, il résulte de l'instruction, et notamment du procès-verbal de réception, qui mentionne des réserves sur l'ensemble des grilles d'arbres, du courrier adressé par la communauté de communes à la société RCM le 4 septembre 2012, relatif à la reprise des réserves sur ces grilles, ainsi que des plans relatifs à l'implantation des grilles d'arbres dans la ZAC, que la réserve relative à la corrosion de ces grilles porte non pas sur un nombre de 688 grilles comme chiffré par la communauté de communes, mais de 179 grilles.
7. En second lieu, la société RCM est fondée à soutenir que le coût de la reprise de la réserve en litige, par application d'un traitement anti-corrosion sur les 179 grilles d'arbres affectées, doit être évalué à partir du devis établi à sa demande par la société Sineu Graff, fabricant de ces grilles, qui est la mieux à même de déterminer le traitement adéquat, plutôt qu'à partir du devis établi à la demande de la communauté de commune par une entreprise tierce. Ce coût de reprise doit dès lors être arrêté à la somme de 13 859,25 euros TTC figurant dans ce premier devis. Par suite, la communauté de communes du Pays de Montereau n'était pas fondée à se faire verser une somme supérieure à ce montant au titre de la garantie à première demande souscrite par la société RCM. Cette dernière était donc seulement fondée à obtenir la décharge de la somme de 124 746,75 euros, correspondant au surplus prélevé à tort par sa banque BNP Paribas, en remboursement de la garantie à première demande versée à la communauté de communes du Pays de Montereau.
8. Il résulte de tout ce qui précède que la communauté de communes du Pays de Montereau est seulement fondée à demander la réformation du jugement attaqué et à ce que la somme mise à sa charge par le Tribunal administratif soit ramenée de la somme de 138 606,60 euros à celle de 124 747,35 euros.
Sur les frais de justice :
9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la société RCM qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que la communauté de communes du Pays de Montereau demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. En revanche il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la communauté de communes du Pays de Montereau une somme de 2 000 euros à verser à la société RCM sur le même fondement.
DECIDE :
Article 1er : La somme que la communauté de communes du Pays de Montereau est condamnée à verser à la société RCM est ramenée de la somme de 138 606,60 euros (cent trente-huit mille six cent six euros et soixante cents) à celle de 124 747,35 euros (cent vingt-quatre mille sept cent quarante-sept euros et trente-cinq cents).
Article 2 : La communauté de communes du Pays de Montereau versera une somme de 2 000 (deux mille) euros à la société RCM sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.
Article 4 : Le jugement du Tribunal administratif de Melun n° 1305754 du 24 décembre 2015 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la communauté de communes du Pays de Montereau et à la société Routes et Chantiers modernes.
Délibéré après l'audience du 1er avril 2019, à laquelle siégeaient :
- M. Even, président de chambre,
- Mme Hamon, président assesseur,
- Mme d'Argenlieu, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 23 avril 2019.
Le rapporteur,
P. HAMONLe président,
B. EVENLe greffier,
S. GASPARLa République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 18PA03340