Par une requête et un mémoire, enregistrés le 9 décembre 2020 et le 12 octobre 2021, M. A..., représenté par Me Berdugo, demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler cet arrêté ;
3°) d'enjoindre au préfet de police de lui restituer sa carte de séjour pluriannuelle ou, à défaut, de renouveler son titre de séjour ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation dans un délai de deux mois suivant la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour durant cet examen ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le paiement d'une somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le jugement est entaché d'irrégularité dès lors que les premiers juges ont écarté, à tort, comme inopérants, les moyens dirigés contre la décision de refus de renouvellement de son titre de séjour ;
- l'arrêté du 11 juillet 2019 portant retrait de la décision du 27 février 2018 lui accordant une carte de séjour pluriannuelle est insuffisamment motivé ;
- il méconnait les dispositions de l'article L. 313-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et est entaché d'une erreur d'appréciation ;
- il porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne des droits de l'homme et de libertés fondamentales ;
- il porte en outre atteinte au principe de sécurité juridique ;
- l'arrêté du 11 juillet 2019 portant refus de renouvellement de son titre de séjour est insuffisamment motivé ;
- il est entaché d'un défaut de base légale, d'une erreur de fait et d'un défaut d'examen personnalisé de sa situation ;
- il méconnait les dispositions de l'article L. 313-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et est entaché d'une erreur d'appréciation ;
- il porte en outre une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne des droits de l'homme et de libertés fondamentales ;
- il méconnait enfin les dispositions des articles L. 313-10 et L.313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- l'obligation de quitter le territoire français est insuffisamment motivée et est entachée d'un défaut d'examen de sa situation ;
- elle est entachée d'un défaut de base légale ;
- elle méconnait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.
Par un mémoire en défense, enregistré le 20 août 2021, le préfet de police conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.
M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Paris le 9 novembre 2020.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Heers, présidente-rapporteure, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., ressortissant sri-lankais, né le 19 juillet 1981, est entré en France en 2012, selon ses déclarations. Sa demande d'asile, enregistrée le 27 février 2012, a fait l'objet d'une décision de rejet par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides le 23 mai 2013, décision confirmée par la Cour nationale du droit d'asile le 19 novembre 2013. Par un arrêté du 5 décembre 2016, le préfet des Hauts-de-Seine lui a délivré un titre de séjour portant la mention " salarié ". Il en a sollicité le renouvellement auprès des services de la préfecture de police. Par un arrêté du 11 juillet 2019, le préfet de police a rejeté sa demande, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. M. A... relève appel du jugement du 20 octobre 2021 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur la régularité du jugement :
2. M. A... soutient que les premiers juges ont entaché leur jugement d'irrégularité en écartant comme inopérants les moyens dirigés contre la décision du 11 juillet 2019 en tant qu'elle porte refus de renouvellement de son titre de séjour. Toutefois, ce moyen procède d'une contestation du bien-fondé du jugement et non de sa régularité. Par suite, le requérant n'est pas fondé à soutenir que le jugement contesté serait entaché d'irrégularité.
Sur le bien-fondé du jugement
En ce qui concerne l'étendue du litige :
3. En l'espèce, il ressort des pièces du dossier que, par un courrier du 18 juin 2019, le préfet de police a fait savoir à M. A... qu'il envisageait de retirer la carte pluriannuelle qui lui avait été délivrée le 27 février 2018 en renouvellement de son précédent titre de séjour et l'a invité à présenter ses observations. Ainsi, en dépit de l'absence de décision formalisée et nonobstant la circonstance que la carte de séjour n'aurait jamais été fabriquée, ce courrier doit être regardé comme révélant l'existence d'une décision d'octroi de la carte de séjour pluriannuelle sollicitée par l'intéressé. Dans ces conditions, l'arrêté du 11 juillet 2019 doit être regardé comme une décision de retrait de la décision du 27 février 2018, révélée par le courrier du 18 juin 2019, et non pas comme une décision de refus de renouvellement de titre de séjour. Par suite, les moyens dirigés contre un refus de renouvellement de titre de séjour doivent être écartés comme inopérants.
En ce qui concerne la légalité de l'arrêté attaqué :
4. Aux termes de l'article L.313-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors en vigueur : " La carte de séjour temporaire ou la carte de séjour pluriannuelle peut, par une décision motivée, être refusée ou retirée à tout étranger dont la présence en France constitue une menace pour l'ordre public ".
5. En l'espèce, il ressort des pièces du dossier que pour retirer le titre de séjour accordé à M. A... le 27 février 2018, le préfet de police s'est fondé sur la circonstance que le requérant avait été condamné, par un jugement du tribunal correctionnel de Paris du 14 juin 2016, à six mois d'emprisonnement avec sursis assortis d'une mise à l'épreuve de deux ans pour des faits d'agression sexuelle par une personne en état d'ivresse manifeste commis le 12 juin 2016. Toutefois, les faits reprochés à M. A... ne sauraient, à eux seuls, caractériser une menace pour l'ordre public, compte tenu de leur caractère isolé, alors au demeurant que l'intéressé s'est vu délivrer, postérieurement à cette condamnation, un titre de séjour mention " salarié ", que le préfet de police a, dans un premier temps, accepté de renouveler. Par suite, en prenant l'arrêté litigieux, le préfet de police a commis une erreur d'appréciation et méconnu les dispositions précitées de l'article L. 313-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il suit de là que M. A... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa requête et à en demander l'annulation ainsi que celle, par voie de conséquence, des décisions contenues dans l'arrêté du 11 juillet 2019.
6. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, qu'il y a lieu d'annuler le jugement du 22 juillet 2020 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté la requête de M. A....
Sur les conclusions aux fins d'injonction :
7. Aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution. ".
8. Eu égard au motif d'annulation retenu, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'enjoindre au préfet de remettre une carte de séjour pluriannuelle mention " salarié " à M. A... dans un délai de deux mois.
Sur les conclusions aux fins d'injonction :
9. D'une part, M. A... n'allègue pas avoir exposé de frais autres que ceux pris en charge par l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle totale qui lui a été allouée. D'autre part, l'avocat de l'intéressé n'a pas demandé que lui soit versée par l'Etat la somme correspondant aux frais exposés qu'il aurait réclamés à M. A... si ce dernier n'avait pas bénéficié d'une aide juridictionnelle totale. Dans ces conditions, les conclusions de la requête tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.
DECIDE :
Article 1er : Le jugement n° 2001847/3-3 du 22 juillet 2020 du tribunal administratif de Paris et l'arrêté du préfet de police en date du 11 juillet 2019 sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet de police de délivrer une carte de séjour pluriannuelle mention " salarié " à M. A... dans un délai de deux mois suivant la notification du présent arrêt.
Article 3 : Le surplus des conclusions est rejeté.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de police.
Délibéré après l'audience du 11 mars 2022, à laquelle siégeaient :
- Mme Heers, présidente de chambre,
- M. Mantz, premier conseiller.
- Mme Portes, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 25 mars 2022.
La présidente-rapporteure,
M. HEERSLe premier conseiller,
P. MANTZ
La greffière,
V. BREME
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 20PA03858 2