- à titre principal, d'annuler l'arrêté n° 2016-P-0114 du 24 juin 2016 de la maire de Paris et du préfet de police instaurant des restrictions de circulation restreinte pour certains véhicules en fonction de leur niveau d'émission de polluants atmosphériques ;
- à titre subsidiaire, d'annuler cet arrêté en tant qu'il ne prévoit pas pour les habitants de Paris de mesures leur permettant de sortir de leur domicile pour circuler hors de Paris et y rentrer entre 8 heures et 20 heures en semaine.
Il soutient que :
- le jugement attaqué a omis de répondre à ses conclusions subsidiaires tendant à l'annulation partielle de l'arrêté attaqué en tant que celui-ci porte une atteinte disproportionnée à la liberté d'aller et venir, en violation de l'article 2 du protocole n° 4 à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- c'est à tort que le jugement attaqué a considéré que cet arrêté ne méconnaissait pas l'article L. 2213-2 du code général des collectivités territoriales alors que la mesure concerne toutes les voies situées à l'intérieur de l'agglomération parisienne et non certaines voies ou portions de voies, de sorte qu'elle institue une interdiction totale de circulation à l'intérieur de l'agglomération parisienne ;
- l'arrêté attaqué porte une atteinte disproportionnée à la liberté d'aller et venir en violation de l'article 2 du protocole n° 4 à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales pour tous les propriétaires parisiens d'un véhicule concerné par la mesure d'interdiction à qui il est interdit de sortir ou de rentrer de ou dans Paris pour se rendre où bon leur semble dans des zones où n'existent pas de restrictions, soit la quasi-totalité de l'hexagone, de sorte qu'il s'agit d'un couvre-feu diurne institué en réalité sur l'ensemble du territoire français ; la circonstance que l'interdiction ne concerne pas les voies autour de Paris (boulevard de Paris, voies des bois de Boulogne et de Vincennes) est sans incidence sur cette atteinte ;
- il appartient à la ville de Paris de prévoir des mesures différentes pour ces personnes, comme pour les résidents ou propriétaires de parkings des voies piétonnes, pour leur permettre de quitter leur résidence ou d'y revenir entre 8 et 20 heures en semaine ;
- si le préfet de police soutient qu'il pourrait se voir délivrer un certificat d'immatriculation " véhicule de collection ", sa motocyclette Suzuki de 1989 n'est pas éligible à ce dispositif qui concerne les véhicules de plus de trente années ;
- le document produit par le préfet de police pour établir la baisse de la pollution est relatif à des estimations de trafic relatives à Paris et au boulevard périphérique alors que ce dernier n'est pas compris dans l'interdiction et qu'en raison de l'importance du trafic qui s'y trouve, les estimations avancées devraient être divisées par deux ; les effets de l'arrêté litigieux sont donc insignifiants puisqu'en interdisant 2% du trafic on réduit les émissions de 2%.
Par un mémoire en défense enregistré le 7 novembre 2018 le préfet de police conclut au rejet de la requête ;
Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.
Par un mémoire en défense enregistré le 20 janvier 2020, la ville de Paris représentée par Me B..., conclut au rejet de la requête et à la condamnation de M. E... à lui verser la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice
administrative ;
Elle soutient que :
- le requérant est dépourvu d'intérêt à agir contre la décision attaquée en tant qu'elle concerne des véhicules de catégorie M et N ;
- les moyens de la requête ne sont pas fondés ;
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et le protocole n° 4 à cette convention,
- le code général des collectivités territoriales,
- le code de l'environnement,
- le code de la route,
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme C...,
- les conclusions de M. Baronnet, rapporteur public,
- et les observations de Me B... pour M. E....
Considérant ce qui suit :
1. M. F... E... relève appel du jugement du 11 juin 2018 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté n°
2016-P-0114 du 24 juin 2016 de la maire de Paris et du préfet de police instaurant des restrictions de circulation pour certains véhicules en fonction de leur niveau d'émission de polluants atmosphériques.
Sur la fin de non-recevoir opposée à la requête par la ville de Paris :
2. M. F... E..., qui se prévaut de sa qualité de propriétaire d'une motocyclette, dispose d'un intérêt à agir suffisant contre l'arrêté litigieux en tant qu'il concerne cette catégorie de véhicules.
Sur la régularité du jugement attaqué :
3. M. E... soutient que le jugement attaqué a omis de répondre à ses conclusions subsidiaires tendant à l'annulation partielle de l'arrêté attaqué. Il ressort, en effet, de ses écritures de première instance que le requérant y formulait des conclusions tendant à titre subsidiaire à l'annulation de l'arrêté du 24 juin 2016, en tant qu'il ne prévoit pas pour les habitants de Paris de mesures leur permettant de sortir de leur domicile pour se rendre hors de Paris et y rentrer entre 8 heures et 20 heures en semaine. En omettant de se prononcer sur ces conclusions alors qu'il n'a pas fait droit aux conclusions principales, le tribunal a entaché d'irrégularité son jugement qui doit par suite être annulé dans cette mesure. Il y a lieu dès lors, pour la Cour, de statuer par voie d'évocation sur lesdites conclusions et, pour le surplus, au titre de l'effet dévolutif de l'appel.
Sur les conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté du 24 juin 2016 :
4. D'une part, aux termes de l'article 2 du protocole n° 4 à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1/Quiconque se trouve régulièrement sur le territoire d'un Etat a le droit d'y circuler librement et d'y choisir librement sa résidence. 2/Toute personne est libre de quitter n'importe quel pays, y compris le sien. 3/L'exercice de ces droits ne peut faire l'objet d'autres restrictions que celles qui, prévues par la loi, constituent des mesures nécessaires, dans une société démocratique, à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au maintien de l'ordre public, à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ". D'autre part, aux termes de l'article L. 2213-2 du code général des collectivités territoriales : " Le maire peut, par arrêté motivé, eu égard aux nécessités de la circulation et de la protection de l'environnement : / 1° Interdire à certaines heures l'accès de certaines voies de l'agglomération ou de certaines portions de voie ou réserver cet accès, à certaines heures, à diverses catégories d'usagers ou de véhicules ".
5. En premier lieu, il ressort de l'arrêté litigieux qu'il prévoit une interdiction de circulation des véhicules de catégorie M2, M3, N2 et N3, au sens de l'article R. 311 du code de la route, répondant à une norme européenne d'émission antérieure à la norme " Euro 3 " tous les jours de 8 heures à 20 heures et des véhicules de catégorie M1 et N1 répondant à une norme européenne d'émission antérieure à la norme " Euro 2 " et de catégorie L répondant à une norme européenne d'émission antérieure à la norme " Euro 1 " du lundi au vendredi de 8 heures à 20 heures exceptés les jours fériés, sur l'ensemble des voies de la commune à l'exception de voies citées en annexe, et notamment des boulevards périphériques intérieurs et extérieurs et des voies des bois de Boulogne et de Vincennes. Par suite, dès lors que cette interdiction faite aux véhicules les plus polluants, conformément à l'objectif poursuivi d'amélioration de la qualité de l'air, n'est généralisée ni à l'ensemble des véhicules ni à la totalité des voies parisiennes, l'arrêté litigieux n'a pas édicté d'interdiction générale et absolue, ni excédé les limites du pouvoir de police reconnu à ses auteurs à l'article L. 2213-2 du code général des collectivités territoriales et n'a pas davantage porté, eu égard aux objectifs poursuivis, une atteinte disproportionnée à la liberté d'aller et venir en violation de l'article 2 du protocole n° 4 à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Le moyen doit donc être écarté.
6. M. E... soutient, en deuxième lieu, que le document produit par le préfet de police pour établir la baisse de la pollution induite par l'interdiction litigieuse porte sur des estimations de trafic parisien incluant le boulevard périphérique alors que ce dernier n'est pas compris dans le périmètre de l'interdiction et qu'en raison de l'importance du trafic sur cet axe de circulation, les estimations avancées devraient être divisées par deux. Il fait valoir que les effets de l'arrêté litigieux sont insignifiants puisqu'en interdisant 2% du trafic, la réduction des émissions se limite à 2%. S'il ressort en effet du communiqué daté du 1er juillet 2016 d'Air Parif intitulé " De nouvelles mesures sur le trafic à Paris. Quel impact sur la qualité de l'air ' " que l'évaluation de l'impact de l'arrêté litigieux sur les émissions de trois polluants inclut des mesures effectuées sur le boulevard périphérique, cette circonstance est sans incidence sur la légalité de l'arrêté attaqué, laquelle ne saurait s'apprécier au regard de circonstances postérieures à son édiction. En tout état de cause, il ressort des pièces du dossier et en particulier du rapport d'Air Parif relatif à la qualité de l'air à Paris publié en octobre 2014 visé par l'arrêté contesté, que la part significative du trafic routier constatée dans les émissions de polluants, notamment le dioxyde d'azote et les particules fines, justifie l'édiction de l'interdiction en cause, y compris en excluant de son champ d'application le boulevard périphérique parisien.
7. Enfin, M. E... ne peut utilement se prévaloir des conséquences sur sa situation particulière, notamment celle de son véhicule motocyclette Suzuki 1989, de l'application des règles édictées par l'arrêté litigieux, pour en contester la légalité.
Sur les conclusions subsidiaires tendant à l'annulation partielle de l'arrêté du
24 juin 2016 :
8. A l'appui de ses conclusions subsidiaires tendant à l'annulation de l'arrêté litigieux en tant qu'il ne prévoit pas pour les Parisiens de mesures leur permettant de sortir de leur domicile et y rentrer entre 8 heures et 20 heures en semaine, M. E... soutient qu'il appartient à la ville de Paris de prévoir des mesures particulières, comme pour les résidents ou les propriétaires de parkings des voies piétonnes, afin d'assurer la libre circulation des personnes concernées. Toutefois, les propriétaires parisiens de véhicules visés par l'interdiction litigieuse se trouvent, au regard de la contribution de leur véhicule à la pollution atmosphérique, dans une situation identique à celle des propriétaires non parisiens de tels véhicules. Par suite, la différence de traitement réclamée par le requérant serait contraire à l'objectif poursuivi d'amélioration de la qualité de l'air et n'est justifiée par aucun motif d'intérêt général. Il y a lieu en conséquence de rejeter de telles conclusions.
9. Il résulte de tout ce qui précède que M. F... E... n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêté du 24 juin 2016 de la maire de Paris et du préfet de police instaurant des restrictions de circulation restreinte pour certains véhicules en fonction de leur niveau d'émission de polluants atmosphériques.
Sur les frais de l'instance :
10. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par la ville de Paris sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DECIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1611611, 1612312, 1613411, 1613487 du 11 juin 2018 du Tribunal administratif de Paris est annulé en tant qu'il a omis de statuer sur les conclusions subsidiaires de la requête de M. F... E....
Article 2 : Les conclusions subsidiaires présentées par M. F... E... devant le Tribunal administratif de Paris et sa requête d'appel sont rejetées.
Article 3 : Les conclusions présentées par la ville de Paris sur le fondement de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. F... E..., à la maire de Paris et au ministre de l'Intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de police.
Délibéré après l'audience du 11 septembre 2020, à laquelle siégeaient :
- Mme A..., président,
- Mme C..., présidente-assesseure,
- Mme Mach, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 25 septembre 2020.
La rapporteure,
M. C...Le président,
M. A...Le greffier,
A. BENZERGUA
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 18PA02769 2